C'est avant tout pour l'exposition de GILBERT PEYRE ( bientôt sur les Grigris !) que je suis allée à LA HALLE SAINT PIERRE et j'ai eu la joie de boire un thé au milieu des œuvres de deux artistes aimés : MARC BOURLIER ET DAVIDE CICOLANI.
« Je suis l’étincelle grâce à laquelle les autres prendront feu. Moi, j’ai déjà pris feu. »
"Davide
Cicolani, est né à San Felice Circeo, située à 98 km de Rome, fameuse
pour être le lieu où la sorcière Circé avait sa grotte. Brut , Outsider,
singulier, hors norme, Davide Cicolani est tout cela à la fois, mais
surtout un esprit rebelle, libre.
il crée depuis toujours, sans
trêve et sans avoir jamais fréquenté une école de dessin. Son art est
pour lui comme une forme de libération, d’évasion mais en même temps
l’unique voie praticable, une nouvelle prison.
Toute sa vie,
l’artiste n’a rien fait d’autre que créer des liens, entre ceux qui,
comme lui, ressentaient à l’intérieur d’eux même le besoin de s’exprimer
à travers leur art. Pour lui, il est plus important de donner de la
visibilité aux autres qu’à lui-même. « Je suis l’étincelle grâce à la
quelle les autres prendront feu. Moi, j’ai déjà pris feu. » Les âmes
s’appellent et se rencontrent. Des liens très forts se tissent entre les
esprits amoureux de l’authentique.
« Ce n’est pas un hasard si
mon exposition à Marseille avait pour nom « Mes amis ». »En effet,
selon l’artiste, le thème de l’amitié n’a pas été exploré dans le
domaine de l’art contemporain, au moins pas de manière évidente. En
général, l’expression artistique est vécue par les artistes de façon
individualiste. L’artiste, conscient ou inconscient, s’installe dans son
œuvre, avec son ego. A l’inverse, Davide fait une enquête sur lui
même à partir de sa relation avec les autres. Ses personnages sont
autant d’individus avec lesquels il dialogue à l’instant de la création.
L’amitié est, selon l’artiste, une relation qui se noue hors de toute
contrainte, à travers des fils invisible. La naissance et le
développement d’un lien doit être naturel. Il peut durer une minute, un
jour, une vie.
Les valeurs exprimées dans son travail sont des valeurs positives et
la diversité de ses créations apporte une atmosphère de joie, de
vivacité, d’effervescence. Parfois ses personnages ont un caractère
innocent, quasi infantile, parfois ils sont austères, sérieux, mais
toujours ambigus. Ils ont de la force, du caractère. Ils conservent
toute la gentillesse de l’artiste, mais au même temps ils sont
puissants, résolus, déterminés. Le trait dense, la couleur vivace, leur
donne une grande force expressive.
Le choix du support n’est pas
le fruit du hasard. Davide Cicolani préfère les plans de ville, de
métro, et autres surfaces pliantes. En effet, la pliure joue un rôle
important, car elle crée des reflets de lumière. Ainsi, la lumière se
reflète différemment selon le lieu où le dessin est exposé. Parfois la
visibilité n’est pas facile et nécessite de se déplacer. La toile sa
propre vie, en perpétuel changement. Malgré son immobilité, elle est
toujours en mouvement.
L’artiste s’intéresse également à
l’histoire de l’art et réalise différentes expérimentations comme sa
série des vitraux, à la recherche d’un dialogue individuel entre forme
et couleur.
Parfois, il ajoute des inscriptions, soit dans sa
langue maternelle, l’italien ou en français (il a vécu en France pendant
10 ans) soit dans son propre langage, le sien, dont seul l’artiste en
connait la signification. Il s’agit de signatures secrètes dont les
clefs sont accessibles uniquement aux esprits reliés à lui par les liens
de la création et de l’amitié.
Davide Cicolani utilise également
la calligraphie japonaise, qu’il a longtemps étudiée. Chaque nouvelle
œuvre, commence par un caractère japonais, qui pose la base du dessin.
Puis vient tous naturellement la respiration indispensable à la
création, à ce temps de méditation, pendant lequel l’esprit et le corps
se rencontrent.
L’art de Davide Cicolani, évoque l’amour et la
joie. Il s agit d’une ode à la beauté du monde, une invitation à
percevoir les connexions invisibles qui courent, entre les hommes."
MONSTRE VA !
MARC BOURLIER, L’HOMME DES BOIS : INTIMITÉ DU DEHORS.
"On me demande parfois ce que je
nomme présence. Je répondrai : c’est comme si rien de ce que nous
rencontrons n’était laissé au-dehors de l’attention de nos sens"
(René Quinon)
"Le peintre de Lascaux disposait de
symboles et de mythes accumulés pendant des millénaires de gestation,
l’artiste d’aujourd’hui ne possède que les débris calcinés d’un monde en
régression qui forment pourtant le seul aperçu sur le futur très
provisoire. C’est justement parce que notre futur est de plus en plus
provisoire et dérisoire que le travail de Bourlier se frotte de plus
en plus à des « lambeaux » mais vers une sorte d’utopie de la vision.
D’où la nécessité de cet échange entre la matière et l’image ainsi que
l’intensité d’une attention aux choses et au corps. Et ce par
ce qui devient – des taches primaires jusqu’à la sculpture primitive –
une « méthode » de construction du réel qui fait abstraction
naturellement des idées reçues et de toutes conventions. Il y a donc
chez l’artiste diverses manières de mettre à nu le corps en des matières
brutes qui en deviennent les opératrices et la possibilité « expérimentale » de questionner le réel comme retourné.
C’est la seule chose que l’art peut
envisager sans avoir nécessairement recours à des références explicites :
l’être est un spectre et c’est donc bien en tant que spectre, qui nous
voit sans être vu, qu’il doit être pris, qu’il doit être vu. Et pour
rendre compte de cette spectralité, il faut sans doute ce passage, ce
transfuge comme si l’artiste né à Saigon, et qui passa ensuite sa
jeunesse entre l’Afrique, l’Amérique du sud, l’Asie à nouveau était
prédestiné à fabriquer d’étranges réincarnations après tant de lieux
traversés et qui ont formé sont goût pour la couleur. C’est d’ailleurs
ce qu’a affirmé l’artiste admirateur de Calder, Miro, Braque et Léger
lorsqu’il se décida de s’engager dans l’art comme en un sacerdoce.
Iris Clert, la première, a montré
ses » taches » et ses recherches sur l’infini de la tache dont au
début de sa carrière il dirigeait la matière liquide pour lui donner
quelque vraisemblance, pour lui donner visages et surtout identités
avant que ces silhouettes insolentes et sans âge s’évanouissent pour
donner une incroyable série de figures de stars, imaginaires avant de
les abandonner pour amorcer un long travail sur carton ondulé : se
succèdent ainsi les » microsillons » et les » pictogrammes » comme
autant de signes insouciants et joyeux.
Mais c’est en 1995, lorsque son
regard fut capté sur une plage normande par le premier de ces mystérieux
petits bois flottés que la mer avait déposé qu’une étape capitale de
son travail commence : soudain Boulier n’est plus peintre, il devient
sculpteur.
Se centrant toujours sur l’élément
humain, la géométrie de l’espace permet des assemblages de myriades de
petits bonshommes, sagement ordonnancés dans des tableaux où la matière
se donne à toucher, où les aspérités du bois donnent à elles seules
l’idée des couleurs. A ce stade de sa recherche on peut même affirmer
que l’artiste n’est ni tout à fait sculpteur, ni tout à fait peintre
mais plus au sein de cet univers aussi plastique que mental dans lequel
il navigue tel un Gulliver au milieu de ses lilliputiens. Ces derniers
d’ailleurs s’enhardissent de plus en plus et semblent s’échapper, se
dégager des sortes de bas relief où l' »artiste voulait les confiner.
Mais il faut bien, à ce titre et à mesure que l’¦œuvre avance, parler
d’art brut plus que d' »art pauvre, bref d’un art où Bourlier intervient
le moins possible en une sorte de minimalisme opératique. Une légère
scarification par-ci, un point de creusement par-là et soudain
surgissent des ¦œuvres à part entières mais entièrement à part jusqu’à
l’émergence de sa série des bâtons de fécondité qui magnifie ses petits
êtres qui nous ressemblent tant. Le créateur les métamorphose en
prophètes d’abondance dans une tradition héritée des arts premiers
d’Afrique.
Les sculptures de l’artiste se
révèlent comme des pièges à émotions comme le sont celles de Boltanski
ou de Louise Bourgeois qui d’ailleurs ne sont pas sans parentés avec
celles d’un artiste qui pousse cependant plus loin la dérision et la
sidération. La force d’inertie de ces » monstres » ne peut que
susciter des interrogations qui dépassent le pur plaisir esthétique. En
conséquence, l’artiste aura réussi à travers les explorations de ses
propres fantasmes sinon à nous les faire partager, du moins à nous les
rendre obsédants dans une transgression de l’image : là où beaucoup joue
de la pléthore qui engraisse, l’artiste va vers une sorte d’effacement.
L’artiste projette des visions qui
ouvrent à une sorte d’universalité. Elle marque une obsession, une
hantise de l’entrave dont le créateur veut libérer ses figurines comme
s’il voulait réparer le trauma d’une scène plus ou moins primitive,
répulsive mais attirante voire attractive et qui a pu entraîner d’abord
une pulsion vers un lieu d’enfermement, d’impossible séparation. De
telles figures restent sans doute nécessaires pour penser l’être, son
rapport à l’autre, au monde. Et la force d’ironie et d’outrance qu’elles
contiennent et concentrent dans leur simplicité fait vite se gercer le
rire sur les lèvres du spectateur. Une sensation quasi tactile le saisit
là où Bourlier joue sur la juxtaposition de deux registres opposés : la
jubilation et ce qu’il faut bien appeler par son nom : le tragique, un
tragique de situation. Aussi, ce que, à l’origine, ses ¦œuvres
laissaient entendre, apparaître, percevoir (la confusion des corps) est
remplacé par leur procession lente où demeurent l’attirance, la
fascination que les « sculptures » les plus récentes provoquent à
travers leurs formes phalliques : à savoir une levée du désir."
J-P Gavard-Perret
LE SITE DE MARC BOURLIER
MARC BOURLIER CHEZ BÉATRICE SOULIE
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LE LIEN VERS MARC BOURLIER
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DAVIDE A LA GALERIE POLYSÉMIE
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A DÉCOUVRIR JUSQU'AU 4 DÉCEMBRE DANS LE HALL DE LA HALLE SAINT PIERRE