Voici une nouvelle découverte, une découverte forte d'un artiste ET d'un homme exceptionnel :
"UN ARTISTE EN RÉSISTANCE" : FRANS KRAJCBERG
"Je cherche des formes à mon cri contre la destruction de la nature,
mon oeuvre est un manifeste ! "
"Frans Krajcberg, artiste brésilien né à Kozienice le 12 avril 1921, a un parcours hors normes. La Seconde guerre mondiale, durant laquelle toute sa famille périt victime de l’holocauste, fait basculer sa vie. Il a 18 ans quand les armées allemandes envahissent son pays. En 1945, il quitte Varsovie et s’installe à Stuttgart où il étudie les Beaux-arts. Après un bref passage à Paris où il côtoie Léger et Chagall, il émigre au Brésil en 1948. Intégrant peu à peu les milieux artistiques, il s’isole pour travailler dans la nature brésilienne dont il fera sa source d’inspiration et sa cause. En 1957, il emporte le Prix du meilleur peintre brésilien et prend, un an plus tard, la nationalité brésilienne. La forêt amazonienne est au centre de son œuvre et de son combat. La forêt devient son domaine.
Au geste artistique Krajcberg associe la parole et l’action pour que l’art s’engage à défendre la planète. En 1978, il remonte le Rio Negro en compagnie de Sepp Baendereck et du critique d’art Pierre Restany. Ce voyage donne lieu à une prise de conscience et à l’écriture du « Manifeste du naturalisme intégral du Rio Negro ».
Constatant, 35 ans plus tard, que cet appel a été peu entendu, Krajcberg publie en 2013 avec Claude Mollard : « Le Nouveau Manifeste du Naturalisme intégral », un appel à tous les acteurs du monde de l’art, pour réveiller les consciences, initier un mouvement artistique pour la défense de l’environnement et au-delà aider les peuples amérindiens à préserver leurs territoires et leur culture."
Des sculptures .....
Des photographies ....
Biographie de Frans Krajcberg
1921 : Le 12 avril, naissance de Frans Krajcberg à Kozienice en Pologne,
dans une famille juive de petits commerçants; Il est le troisième d’une
fratrie de cinq enfants. Sa mère, Bina Krajcberg, responsable nationale
du parti communiste polonais est fréquemment emprisonnée. Il passe une
partie de son enfance chez son oncle. Il entre dans les jeunesses
communistes à l’âge de 13 ans.
1939-1945 : Sa mère est pendue dans la prison de Ramdam, près de Varsovie, le jour de la déclaration de guerre. Il rentre à Kozienice sans trouver trace de sa famille. Emprisonné dans une église, il s’évade avec d’autres polonais et rejoint l’Armée Rouge. A Vilnius il rencontre Anilewich, qui mènera l’insurrection du Ghetto de Varsovie. Malade, il est hospitalisé à Minsk et commence à peindre pendant sa convalescence. A Léningrad
il entre aux Beaux-Arts et mène parallèlement des études d’Ingénierie
hydraulique. Il rencontre Natacha, sa première grande passion, qui meurt
sous ses yeux, sur la route de Minsk, alors qu’ils se sont réfugiés
dans la forêt pour échapper aux bombardements. En 1941 le Reich attaque
l’U.R.S.S. Incorporé dans la Première Armée polonaise il est envoyé à Tachkent,
en Asie Centrale. Il exerce le métier de contrôleur technique des
barrages d’Ouzbekistan. En 1943, il intègre la Seconde Armée polonaise
comme officier affecté à la construction des ponts. Il devient le
pontonnier du Maréchal Joukov et est le premier militaire à entrer dans Varsovie libérée.
1945-1946 :
Sa famille a péri dans l’holocauste. Il jette les deux médailles
décernées par Staline par-dessus la frontière tchécoslovaque. Arrivé à Stuttgart
où il tente une dernière fois, mais en vain, de retrouver des
survivants de sa famille, il étudie aux Beaux-Arts avec Willy
Baumeister, qui avait été professeur au Bauhaus.
1947 : Paris
l’attire. Porteur d’une recommandation de Baumeister, il y rencontre
Marc Chagall chez Fernand Léger qui l’héberge durant trois mois et
organise son départ pour le Brésil. Il s’embarque avec la complicité d’une jeune hongroise qui joue sa fiancée mais l’abandonne sitôt débarqués. À Rio, il n’a rien pour vivre et dort sur la plage de Botafogo.
1948-51 : À Sao Paulo
Francisco Matarazzo a ouvert le Musée d’Art Moderne. Embauché comme
manutentionnaire, il fréquente les « peintres autodidactes » de la
Família Artística Paulista : Mario Zanini, Volpi et Cordeiro…Il dirige
l’accrochage de la Première Biennale qui consacre Max Bill, chef de file
des concrétistes brésiliens. Il s’isole pour peindre à Itanhaem,
un village du littoral dans la maison de Mario Zanini qui l’y rejoint
régulièrement avec Volpi. Ses œuvres, sont exposées au Musée d’Art
Moderne mais il ne vend rien.
1952-1956 : À Porto Alegre, dans le Paraná, il
entre pour la première fois en contact avec la nature brésilienne. Il
est employé à assurer le contrôle de la protection des forêts. Il
s’isole pour peindre dans la forêt et crée des objets artisanaux :
poteries, azulejos, statuettes, natures mortes et végétaux. En 1955 il
ne supporte plus de voir les forêts du Paraná partir en fumée. Sa propre maison dans la forêt est anéantie dans un incendie. Il rentre à Rio
où il partage un atelier avec Franz Weissmann et peint des
« Samanbaias », réminiscences du Paraná. Il expose conjointement avec
Milton Dacosta et Maria Leontina à la Petite Galerie.
1957 : À Sao Paulo,
la Biennale consacre Pollock. Krajcberg remporte le prix du meilleur
peintre brésilien. Subitement célèbre, il vend ses toiles et revient à Paris. Il va désormais partager sa vie entre la France et le Brésil.
1958 : Il reçoit la nationalité brésilienne, mais la critique brésilienne reste dure à son égard. Au Brésil, il réalise ses premières sculptures dans le Minas Gerais. À Paris,
il plonge avidement dans le débat intellectuel et artistique de la fin
des années 50 : guerre d’Algérie, crise de l’École de Paris, et
polémiques de l’Abstraction. Il cesse de peindre intoxiqué par la
peinture, fait des collages et des xylogravures sur papier japonais. Il
réalise ses premières « empreintes directes » de bois, selon la
technique du papier moulé.
1959 : À Ibiza,
il commence à photographier la nature. Il réalise ses premières
« empreintes de rochers et de terres » et des tableaux avec des éléments
naturels. Il rencontre le critique Pierre Restany qui écrit « La nature
est son atelier ». Empreintes directes, assemblages ou traitements
scénographiques… il est un précurseur marginal de l’arte Povera et du Land Art. Il part en Amazonie pour la première fois.
1960-1961 : De retour à Paris,
il expose ses travaux à la Galerie du XXe Siècle et rencontre Michèle,
avec laquelle il vit durant quatre ans. Dubuffet, qu’il admire, apprécie
ses matières. Braque le prend en amitié. Ils collaborent pour deux
lithographies. Il fréquente, l’avant-garde du Nouveau Réalisme,
s’intéresse à l’Op’Art et au cinétisme. Alors qu’il est fait citoyen d’honneur de Rio de Janeiro,
dont il reçoit les clefs, San Lazzaro, qui dirige la galerie et la
Revue du XXème siècle, l’accueille dans son exposition « Reliefs ». Il
se lie d’amitié avec le photographe-reporter Roger Pic qui habite allée
du Montparnasse. Il fait un deuxième voyage en Amazonie.
1964 : La Biennale de Venise consacre ses « tableaux de terres et de pierres ». Invité dans le Minas Gerais, il rentre au Brésil et s’installe à Cata Branca.
Les champs de minerais de fer lui offrent des pigments purs. Il réalise
ses premières sculptures et macrophotographies où terre et colle mêlées
sont appliquées sur papier, séchées au soleil, puis redessinées.
1965-1966 : Zanini lui parle de Nova Viçosa
où un projet pluridisciplinaire regroupe artistes et intellectuels
comme l’architecte Niemeyer et le chanteur Chico Buarque de Hollanda.
Séduit par la forêt et le bord de mer, il construit son premier atelier
sur les plans de Zanini et s’y installe.
1967-1970 : À Paris,
il rapporte sa vision de Minas, abandonne ses tableaux de pierres et
commence ses ombres découpées, assemblages de bois naturels (lianes ou
racines de palétuviers), teintés, sur lesquelles joue la lumière. Il
épouse Alba, une jeune brésilienne originaire de Bahia, fille de riches
médecins de Salvador. Étudiante en histoire de l’art, elle accomplît une
thèse sur Kandinsky. Le couple se sépare trois ans plus tard.
1972-1974 : À Nova Viçosa.
Il réalise ses premiers « bois polis », assemblages de bois morts dont
il dégage des lignes architecturales : arbres creux ou palétuviers,
dévorés de lumière. Il dessine sa maison dans l’arbre, flanquée d’une
sculpture « Mémoire à la Destruction ». Face à l’océan, il photographie
ses sculptures sur le sable pour capter l’ombre et la lumière. Les
« empreintes de sable », moulages réalisés directement sur la plage à
marée basse, deviennent des estampages de papier blanc, retravaillés
avec des pigments naturels. Avec Pierre Restany il voyage à travers le Minas Gerais et le Piauí.
1975 : À Paris,
les débats suscités par son exposition au Centre national d’Art Moderne
Georges Pompidou, alors en préfiguration, le confortent dans sa volonté
de défendre la nature menacée. C’est la première exposition organisée
sous le libellé du Centre Pompidou. Le futur bâtiment est encore en
construction. Il rencontre Claude Mollard, alors secrétaire général du
Centre Pompidou.
1976-1978 : Il embarque pour le Mato Grosso en Amazonie
avec Sepp Baendereck rencontré l’année précédente. Ils partagent la
même passion pour la défense de la nature et resteront liés par cette
cause jusqu’à la mort de Baendereck en 1989. Ils feront ensemble trois
expéditions amazoniennes. (1976-77-78) et trois voyages au Mato Grosso
(1985-86-87). En 1978, Pierre Restany remonte avec eux le Rio Negro.
Pendant le voyage, il rédige le « Manifeste du Naturalisme Intégral »
ou « Manifeste du Rio Negro » dans lequel il explore sa propre vision de
l’art confrontée à l’esthétique « alternative » de Krajcberg. De son
côté tourne un film projeté lors des débats organisés à Rio, São Paulo et Brasília lors du lancement du Manifeste qui déclenche la polémique.
1979-1984 : Installé à Nova Viçosa
il commence ses empreintes végétales polychromes. Il abandonne les
« ombres découpées » pour réaliser de monumentaux « tressages de
vannerie », inspirés de l’artisanat local. Il rassemble des morceaux de
nature pour leur redonner vie.
1985-1987 : Au Mato Grosso
il fait un long reportage photographique sur les incendies de forêts
« queimadas » auxquels se livrent les grands propriétaires pour
défricher les terres. Il rapporte des palmiers desséchés dont il réalise
plusieurs ensembles de sculptures, ses « conjuntos », bâtons de pluie
ou totems, qu’il rassemble en forêts. Il publie son livre de
photographies « Natura ». Walter Sales Jr tourne pour la TV Manchete :
« Krajcberg, Poète des Vestiges ». Il commence ses « bois brûlés ».
1988-1995 : À Séoul
il participe au symposium sur l’environnement avec « Images de mes
Révoltes ». Ses « bois brûlés » sont des stèles, des sirènes d’alarme. En Roumanie, il participe avec d’autres artistes au mouvement « Médecins sans frontières ». À Moscou il
est invité au Congrès International d’Ecologie. C’est la première fois
qu’il revient en Russie depuis ses études aux Beaux-Arts de Leningrad. Ses « écorces brûlées », rehaussées de matières font écho à ses « bois brûlés ». À Rio,
Il expose « Imagens do Fogo » au Musée d’Art Moderne dans le cadre de
la Conférence mondiale des Nations Unies sur l’Environnement « Eco 92 ».
À Vitória, dans l’Etat de
Espírito Santo, il envisage de créer une fondation « Art et Nature » qui
porterait son nom pour y déposer son œuvre. Le projet tourne court. À Rio Branco,
dans l’état de l’Acre, il photographie la forêt dévastée et ramasse des
éléments épars qui lui serviront pour ses sculptures. Il tente de
convaincre les agriculteurs de renoncer à abattre les arbres. Menacé, il
manque de se faire tuer à plusieurs reprises. La Mairie de Curitiba et le Gouvernement du Paraná
lui dédient un Espace et élèvent un monolithe à son nom. Il rencontre
le « cacique » amérindien Raoni et s’engage pour défendre la cause des
amérindiens d’Amazonie.
1996 : À Paris,
l’exposition« Villette-Amazone » à la Grande Halle de la Villette,
véritable manifeste pour l’environnement, sous la responsabilité de
Jacques Leenhardt et de Bettina Laville présente plusieurs de ses
œuvres.
1997-2003 : Il aide son ami Roger Pic dans la sauvegarde du passage du Montparnasse,
lieu de mémoire pour de nombreux artistes du XXe siècle. Il le convainc
de faire une donation de ses œuvres à la Ville de Paris. Roger Pic
meurt en 2001. Pierre Restany, devenu vice-président de l’association du
Musée du Montparnasse, qui regroupe les occupants du passage, meurt à son tour en 2003. L’exposition « Art et Révolte » organisée dans le nouveau Musée du Montparnasse
rend hommage à son œuvre. Plusieurs lieux à son nom sont inaugurés. Il
donne des sculptures à la Ville de Paris. Elles sont désormais exposées
dans une ancienne galerie qui prend le nom d’Espace Krajcberg. Situé à quelques mètres de son propre atelier, c’est un endroit privilégié qu’il partage avec sa forêt de 10 ha à Nova Viçosa. A Curitiba, au Paraná, un musée portant son nom est ouvert dans le jardin botanique. À Nova Viçosa,
il s’active à la construction de bâtiments pour accueillir sa fondation
« Art et Nature » et sort la deuxième édition de son livre « Nature et
Révolte ».
2005-2007: À Paris,
c’est l’année du Brésil en France. La Ville de Paris organise une
grande exposition dans le Parc de Bagatelle dont elle célèbre les cent
ans d’acquisition. « Dialogues avec la Nature » dont le commissariat est
assuré par Sylvie Depondt, rend hommage à l’artiste et au militant. Des
débats franco-brésiliens sur le rôle des forêts urbaines et
péri-urbaines sont organisés. Paris, Rio et São Paulo y
participent activement. C’est pour lui l’occasion de lancer son « Cri
pour la Planète ». Une sculpture en bronze est installée sur la place de
la Vache Noire, à Arcueil. Son œuvre est présente, à l’Ambassade du Brésil, dans l’exposition « Entre Deux Lumières – artistes brésiliens en France ».
2008-2012 : Bahia
lui décerne le titre de « Citoyen Bahiano ». Il publie un livre de
photos « Queimadas » sur la déforestation, soutenu par le Gouvernement.
Il est présent dans l’exposition « O Grito – Ano Mundial da árvore » au
Palacete Das Artes Rodin. À São Paulo, il
expose au Parc Ibirapuera, reçoit le prix de la Meilleure Exposition
de l’Année par l’Association de Critiques d’Art et obtient le titre de
« Citoyen Paulistano ». A Gifu au Japon, Il reçoit le prix Enku de
Sculpture. À João Pessoa, son œuvre est présente dans « Natureza Extrema » pour l’inauguration du Musée de Estação Cabo Branco. À Paris, il reçoit la Médaille de Vermeil de la Ville de Paris pour l’ensemble de son œuvre.
2016 : À São Paulo, il est l’artiste d’honneur invité à la 32ème Biennale.
2016-2017 : À Paris
le Musée de l’Homme expose ses œuvres dans un parcours artistique qui
irrigue l’ensemble des salles permanentes récemment reconfigurées.
Rencontres et débats sur son œuvre sont organisés. L’Espace Krajcberg accueille des performances et les travaux des chercheurs du Musée de l’Homme.
LE SITE
SUR WIKIPÉDIA
UNE VIDÉO (indispensable)
AU MUSÉE DE L'HOMME
(cliquer)
L'ESPACE KRAJCBERG
Ouvert de 14h à 18h
tous les jours sauf le lundi
Fermé pendant les mois de juillet et août
Chemin du Montparnasse
21 Avenue du Maine
Paris 75015
T +33 9 50 58 42 22