"Je dessine lentement avec délice. Je dessine avec une précision presque maniaque, m'imposant des règles aussi absurdes qu'inutiles. Par exemple, je trace les choses qu'il y a derrière les choses, vraiment. Je m'use les yeux à additionner les détails, collectionner les collections et y glisser ma petite musique. Le fouillis c'est la vie, l'anecdote mène aux grandes histoires.Univers poétique, souvenirs d'enfance inventée, j'installe des cabanes dans les arbres, des bateaux dans les branches et des cages à oiseaux désertes. Un univers noir et blanc de paix tranquille, artisan d'une mémoire des yeux et du cœur, j'imprime mes mondes sur des papiers couchés. Parfois, le désir de sortir de la torpeur : je glisse, caché sous les feuillages un fantasme de femme nue, de voyeur minuscule. Il faut chercher dans le dédale des traits ce morceau de cuisse ou ce sein découvert. Moi-même, j'oublie les emplacements ; je les retrouve avec délice.Mon trait est celui du graveur refoulé qui, par paresse, à choisi le papier plutôt que la feuille de métal. Pas de dessin préalable : je construis mon image de bas en haut et de gauche à droite, trait à trait. Ou, plutôt c'est le dessin qui se construit tout seul sous ma main. Il s'impose peu à peu, prend sa place et s'équilibre avec calme. Il grandit nourri de ma patience et de mon plaisir. Presque pas de couleur : elle est si rapidement envahissante, et puis les dégradés de gris peuvent être si colorés ! Quand les yeux piquent et que les cigarettes sont consumées, je découvre ce que j'ai réalisé. Plaisir de me perdre moi-même dans ce que j'ai créé, de suivre les sentiers que je me suis donné, sentir les imperfections, découvrir les erreurs, sourire aux détails cachés. Bref, refaire une histoire simple et tranquille. Un plaisir, une respiration nécessaire que je vous invite à partager. "
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