" La commune de Penmarch offre la particularité de ne pas être centrée sur un bourg, mais d’être partagée entre trois agglomérations : Tréoultré, Kérity, et Saint-Guénolé.
Penmarch signifie « tête de cheval » ( penn, tête, et march, cheval ). D ailleurs, la presqu’ile, dans son ensemble s’appelait autrefois le cap Kaval, mots que l’on fait venir du bas latin caput caballi. Ils servent encore aujourd’hui à distinguer le hameau de Beuzec-cap-Caval de son homonyme Beuzec-cap-Sizun.L’animal qui a donné son nom à ces lieux est une ancienne divinité des Celtes.Elle s’est perpétuée, à l’époque chrétienne, sous le masque légendaire du roi Marc, ou plutôt March. Le roman de Tristan, son neveu, et d’Iseult, son épouse, ont rendu ce nom célèbre : les trouvères du Moyen Age ont fait de lui un oncle affectueux et un mari, en somme, assez compréhensif. La tradition armoricaine, en revanche, a gardé du roi Marc un souvenir plus proche du mythe ancien.
March, était roi de Poulmarch. Il possédait un cheval sans pareil qui filait comme le vent et pouvait traverser la mer elle-même. Aussi le nommait -on Morvarch, le « cheval de mer » et le roi l’aimait plus encore que son propre royaume. Or, un jour que le souverain chassait, il se mit à suivre une biche d’une grande beauté. Mais plus il forçait l’allure, plus la bête augmentait la sienne. Il fit tant et si bien, cependant, qu’il parvint au rivage , sur la baie de Douarnenez, près de l’endroit où s’élevait autrefois la ville d’Ys. Lorsqu’elle se vit acculée aux vagues, la biche s’arrêta et se mit à gémir. Il en fallait beaucoup plus pour émouvoir le roi March ; il banda son arc et tira. Alors se passa une chose incroyable : la flèche, avant d’atteindre son but, revint sur elle même et frappa son cheval en plein cœur. Fou de rage, March se dégagea du corps de sa monture et se précipita le couteau, à la main, sur la biche. Mais il n’y avait plus de biche : à sa place se tenait une jeune femme, une couronne de goémon ceignant ses cheveux d’or. C’était Ahès, que d’autres nomment Dahut, fille de Gradlon et princesse d’Ys, celle-là même qui, un soir de débauche, avait laissé son galant ouvrir sur la ville les Portes de la Mer.
« March, dit-elle, roi de Poulmarch, puisque tu es venu sur ma trace, rapide comme le feu, et que tu as cru mettre la main sur moi, qui ne t’ai jamais rien fait, de cet instant tes oreilles seront semblables à celles de l’animal qui t’avait porté jusqu’à maintenant.» Alors elle toucha la tête de March et disparut dans la mer. Désormais affublé des oreilles et de la crinière de son cheval, le roi fut l’homme le plus malheureux de la terre. Il se cacha dans son palais et ne voulut plus voir personne. Seul un barbier pénétrait chaque semaine auprès du souverain. Mais il n’en revenait jamais : pour avoir connu le secret, il était aussitôt mis à mort. A ce régime, le royaume de Poulmarch fut assez rapidement privé de coiffeurs, et il fallut faire appel au dernier d’entre eux, le propre frère de lait du roi, nommé Yeunig. Or celui-ci possédait des ciseaux merveilleux, après le travail desquels les cheveux ne repoussaient plus. Il s’en servit pour March qui, dans sa joie, se contenta de faire promettre à Yeunig de ne parler à personne de son infirmité. Le jeune barbier aimait son maître, mais il était bavard, et le secret lui pesa bientôt terriblement. Il lui devint même si insupportable qu’il ne put s’empêcher de le raconter à quelqu’un, voire à quelque chose, pour s’en décharger. Il se méfia des vagues, il se méfia du vent, mais il ne se méfia pas du sable. Il y creusa un large trou et , s’y cachant la tête, il prononça tout bas les mots interdits : « March a les oreilles de son cheval Morvarch. »A quelque temps de là, le roi maria sa fille et, à cette occasion, il accepta de paraître en public. La crinière n’avait pas repoussé depuis que Yeunig l’avait taillée et, sur ses oreilles, le souverain fixait un chapeau spécialement conçu pour les cacher. En outre, il se tenait sous une tente spéciale qui le protégeait du moindre souffle d’air. Lorsque après le repas de noces, on voulut danser, cinquante sonneurs de binious et de bombardes s’approchèrent pour donner le branle. On s’aperçut alors que durant la nuit, les anches de tous les instruments avaient été dérobées. Qu’à cela ne tiennent : on chercha du bois tendre pour en tailler de nouvelles, et l’on trouva sur la grève trois roseaux fraîchement poussés. Mais lorsque les sonneurs commencèrent à souffler, au lieu du son aigrelet des cornemuses, les danseurs eurent la stupéfaction d’entendre les mots fatidiques : « March a les oreilles de son cheval Morvarch.» ! Le roi, qui n’avait rien remarqué, sortait de sa tente pour donner le signal des réjouissances, quand le vent se leva d’un coup, et le décoiffa.Le voilà qui court, le voilà qui s’enfuit pour cacher sa honte, éperdu. Mais son pied glisse et sa tête frappe une roche. Un cri strident retentit : celle qui l’a poussé, c’est justement une femme-sirène, juchée sur un cheval aux oreilles d’homme. Elle crie : « Voici Morvarch, cheval de March, roi de Poulmarch. Les oreilles de Morvarch sont celles de March, et celles de March sont celles de Morvarch.» La fête ne s’en poursuivit pas moins, et le roi mort ne fut pleuré que par sa fille, son gendre et son coiffeur Yeunig. Mais le soir, quand la foule se rendit près du rocher qui lui avait brisé la tête, la pierre avait pris la forme d’une tête d’homme aux oreilles de cheval. Depuis ce jour, le pays changea de nom :on ne l’appelait plus désormais Poulmarch , mais Penmarch, la « tête de cheval ». L’oncle de Tristan avait, on le voit, de solides attaches en terre de Penmarch, et c’est sans doute pour cela que l’amant d’Iseult rendit son dernier souffle sur les rochers de ce rivage. Pour avoir bu le philtre magique, Tristan et Iseult étaient liés d’amour pour l’éternité. Cependant, la vie merveilleuse qu’ils avaient connue dans l’ile de Bretagne avait dû prendre fin, et la reine Iseult était retournée près de March, son époux, au château de Tintagel, dans la campagne d’outre-Manche. Tristan, alors, était venu s’installer à Carhaix en Armorique. Il avait pris pour femme la sœur de son compagnon Kaherdin, la jeune fille que les romans de chevalerie nomment Iseult aux blanches mains. Mais un jour, grièvement blessé, Tristan sentit la mort venir. Il envoya Kaherdin au-delà de la mer pour en ramener l’autre Iseult, qu’il n’avait point cessé d’aimer. Transporté sur la pointe de Penmarch pour y attendre son amie, il fit surveiller la mer par son épouse.Mal lui en prit : lorsque apparut la voile blanche qui signalait le succès de la mission, sa femme, jalouse, annonça qu’elle était noire. Avant que le bateau n’eut abordé, Tristan était mort de douleur, et c’est dans la mort que vint le rejoindre Iseult l’irlandaise aux cheveux blonds.La tradition ne désigne pas le lieu exact de ce tragique dénouement. On peut cependant imaginer que la vie de Tristan s’acheva au point extrême de la Tête-de-Cheval, là où les récifs portent le nom de rocher de Penmarch ; le large s’y découvre mieux à la vue et la chapelle Saint-Pierre, édifiée en avant même du phare d’Eckmühl, doit marquer précisément l’endroit légendaire. Aujourd’hui, on y voit la nuit, un feu qui brille au loin sur un écueil, la roche Menhir."
LE CERF ET LES GRIGRIS :
Voici donc une version celte de mythe de Midas, roi de Phrygie, qui avait des oreilles d'ânes (et non de cheval), mais qui avait aussi un bonnet phrygien pour les dissimuler.
RépondreSupprimerIl est vrai que dans cette version, l'échange d'oreille entre le cheval et le roi offre une variante intéressante.