mardi 10 janvier 2012

" GORODKA, LA VACHERIE, ET LE MANEGE DE PETIT PIERRE" PAR PATRICK MARTINAT

Le vendredi 6 janvier 2012 Le Monde numérique a publiè un article de Patrick Martinat :
"Gorodka, la Vacherie, et le manège de Petit Pierre"




" Il y a quarante ans, Pierre Shasmoukine a créé, près de Sarlat, un univers, baptisé "Gorodka", sur les bases d'une législation moins rigoureuse qu'aujourd'hui sur les permis de construire. Son imaginaire a envahi l'espace, séduit les visiteurs, et d'autres artistes, 230 en tout. Mais les interdictions se sont multipliées, et Gorodka est désormais considéré comme zone non constructible. Du coup, Pierre Shasmoukine et ses rêves d'extension meurent d'asphyxie. Et si on ne vient pas si facilement à bout des rêves d'un créateur, on peut encore détruire son monde...

Bureau des ruines

Jean-Michel Chesné, auteur d'un jardin de mosaïques et d'une grotte à Malakoff, s'intéresse depuis une vingtaine d'années aux "architectures insolites" ou jardins "artistiques". Il a dénombré à ce jour une quarantaine de sites - sans compter "les curiosités, maisons excentriques ou réalisation d'artisans rocailleurs" - dont dix-huit ont disparu tandis qu'une douzaine subsistent dans des états "très variables".

Au chapitre des pertes, les ruines de la Vacherie : à partir de 1896 dans le quartier de la Vacherie, à Troyes, un certain Auguste Bourgoin réalise un ensemble de seize tours en pierres sèches baptisé par son créateur "Ruines publiques fin de siècle" à partir de matériaux de récupération. Un "Bureau des ruines" était réservé à la conservation de ses trouvailles hétéroclites parmi lesquelles "des hallebardes, des roues de wagonnets, des pièces de canons et des statuettes dont une de Vénus, une de Jeanne d'Arc, une autre de Napoléon et une de Garibaldi...".

Le succès des premières années 1900 passé, le terrain fut morcelé et les tours détruites les unes après les autres. Reste comme témoin ultime la plus petite, perdue sur le terrain d'un lotissement, et menacée par la pousse d'un arbuste à son pied.

Mais il y a aussi des miracles : Pierre Avezard, dit Petit Pierre, à force de rêver de mécanique en gardant ses vaches du côté de Fay-aux-Loges (Loiret), avait fini par réaliser de 1937 à 1974, un manège sur trois étages conçu de bouts de ficelles, de vieux pneus, des restes d'une carlingue d'un avion allemand écrasé... Les dimanches après-midi, de Pâques à la Toussaint, à partir de 1957, le créateur avait pris l'habitude de recevoir des centaines de visiteurs qu'il taquinait de sa cabine de pilotage.

Au début des années 1980, la route tangentielle Orléans-Châteauneuf, un peu de vandalisme et quelques hivers ont commencé leur oeuvre destructrice. Mais tandis que Petit Pierre déclinait dans sa maison de retraite de Jargeau, la Fabuloserie, d' Alain et Caroline Bourbonnais, paradis des chefs-d'oeuvre d'art brut en péril (à Dicy dans l'Yonne), s'est proposé comme refuge. Le nouveau manège transporté en 1987 fut inauguré le 26 août 1989 et Petit Pierre s'éteignit le 24 juillet 1992 avec une dernière pensée pour ses outils.


http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/01/06/chefs-d-oeuvre-d-art-brut-cherchent-sauveurs_1626709_3246.html


* L'autre article de Patrick Martinat
" CHEFS-D'OEUVRES D'ART BRUT CHERCHENT SAUVEURS":
http://lesgrigrisdesophie.blogspot.com/2012/01/chefs-doeuvres-dart-brut-cherchent.html

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