J'ai eu la chance lors de ma visite de l'exposition Marcel Storr le samedi 28 janvier d'assister à d'émouvantes projections proposées par Pierre-Jean Würtz et l’association Hors Champ de Nice, une sorte de mini festival de courts-métrages sur divers bâtisseurs sauvages de France ou d’ailleurs.
Ce jour là j'ai vu et aimé " Les châteaux de planches de Richard Greaves" , de Philippe Lespinasse .
J'aimerais aujourd'hui vous parler de cet homme étonnant et de ses maisons délirantes .
« Tout ce que je fais ici, c’est pour mieux dormir. »
Richard Greaves
" Richard Greaves (1952, Montréal) érige des cabanes qui semblent au bord de l’effondrement. Pareilles à des châteaux de cartes, elles fraient avec l’utopie et défient les lois de la pesanteur. Célébrant l’asymétrie et bannissant l’angle droit, elles font voler en éclats les normes et les principes de construction.
Ces édifices mettent en évidence tassement et déformation, deux tares au regard de l’architecture conventionnelle. Ils nous font basculer dans un monde irréel et mettent à l’épreuve nos sens et nos perceptions.
Depuis 1989, l’artiste autodidacte québécois Richard Greaves se consacre à la création d’un vaste environnement architectural en constante expansion. Celui-ci est situé en Beauce, au Québec. L’œuvre se déploie dans une forêt, sur un terrain qu’il a acquis avec des amis et où il a élu domicile.
L’environnement est constitué d’une vingtaine de cabanes et d’abris réalisés à partir de granges abandonnées vouées à la démolition ou à l’oubli. Richard Greaves procède en trois temps : il les démembre d’abord pièce par pièce, rapatrie ensuite ces divers éléments sur son site et, enfin, reconstruit, seul, à sa manière, en n’employant aucun instrument de mesure et en faisant usage uniquement de corde de nylon. Une multitude de sculptures faites à l’aide d’objets glanés au rebut parsèment également le terrain."
Paskal JULOU en 2003 a écrit un bel article sur ce " Bâtisseur indiscipliné "
" Richard Greaves récupère des maisons en bois promises à la destruction pour les reconstruire dans son domaine.
Depuis 1979, il en a re(dé)construit plus d’une quinzaine.
Visite guidée par l’artiste.
Je suis allé rendre visite à Richard Greaves par une journée ensoleillée en août dernier. De Montréal, j’ai pris un autobus et j’ai dû mettre mon vélo dans la soute, car aucun transport en commun n’accède à son village.
Je suis arrivé chez lui, seul et à vélo. Je frappe à la porte et il m’ouvre. La Chose est rare, car il a horreur des touristes. Il a peur que son travail et ses propos soient mal interprétés, alors il préfère se cacher et regarder les gens se promener et se faire leur propre idée du lieu. Il laisse à sa compagne le soin de s’occuper des visiteurs. Par chance, avec moi, il se montre très accueillant, car il a été étonné de me voir arriver à vélo par une chaleur de plomb. Il m’offre un verre d’eau et m’invite à le suivre pour visiter son domaine.
Tout en marchant, il me raconte qu’il ne boit pas, ne fume pas et qu’il se sent bien dans sa peau. Âgé de 50 ans, grand et sec, Richard Greaves a l’air plus jeune que son âge et il en est très fier. Il est très heureux chez lui, loin des citadins trop stressés qui ne prennent pas le temps de vivre, de regarder la nature. Il sait de quoi il parle, car jusqu’en 1979, il a vécu à Montréal où il a travaillé comme cuisinier. Ne supportant plus d’avoir un patron, il a préféré se retirer à la campagne. Il reçoit de l’aide sociale et ça lui suffit. Il a même refusé le chèque du premier prix décerné par l’Association des arts indisciplinés cet été ! Il n’aime pas l’argent !
On marche parmi l’herbe longue et touffue (il n’a plus le temps de la couper). Ici et là sont installés des tas d’objets disposés comme des totems. Ordinateurs, radiateurs, frigos, vélos, télés, vêtements, chaises, seaux, bouts de bois et de fer. Mais ceci ne donne qu’une petite idée de son travail, car le plus étonnant ce sont ses maisons.
La première que je découvre est un choc ! J’ai l’impression qu’elle va s’écrouler. Les murs sont de travers, les lois de la gravité farouchement défiées. Cette chose semble tenir debout comme par miracle. Je pénètre avec lui à l’intérieur, nous ressortons par la fenêtre de l’étage et descendons pour rejoindre le sol. Ce n’est pas une maison en paille tirée des Trois Petits Cochons, c’est du solide ! Les murs en bois, totalement de travers sont aussi habillés de divers objets de récupérations : disques, boîtes, chaussures, roues, tuyaux, tissus, jouets…
Pour l’amateur d’art brut, ce bidonville est un pur concentré de folie humaine totalement enthousiasmant !
Nous continuons notre promenade et arrivons devant un arbre immense. Richard Greaves me dit que c’est le plus grand arbre de la forêt. C’est là dans l’arbre, à plus de cinq mètres du sol qu’il met son linge à sécher. Faire le Tarzan, rien de tel pour garder la santé !
Ensuite, au fil de la promenade, je découvre d’autres maisons/cabanes plus délirantes les unes que les autres. Notamment celle qu’il a appelée «La Cathédrale »: les planches de bois partent dans tous les sens, les murs sont composés d’assemblages de portes et de fenêtres avec quelques éclats de peinture bleue sur les vitres. L’ensemble ressemble à une sorte de tipi indien géant. Cette réalisation est une de ses préférées. Plus loin, il me montre une autre maison étonnante, car totalement conventionnelle. Ici, pas de chaudière qui ne va part nulle part, pas d’amas d’images et de photos découpées et collées sur les murs. Une maison aux formes réglementaires parmi toutes les autres tordues et déformées!
Richard Greaves est un peu comme un grand voyageur qui resterait chez lui pour composer sa plage, sa mer, ses montagnes et ses maisons. Greaves ne cherche pas à être reconnu comme artiste. Au contraire, il veut rester libre et ne rentrer dans aucun circuit. Un peu comme un Robinson qui aurait trouvé le bonheur dans son île."
Ce jour là j'ai vu et aimé " Les châteaux de planches de Richard Greaves" , de Philippe Lespinasse .
J'aimerais aujourd'hui vous parler de cet homme étonnant et de ses maisons délirantes .
« Tout ce que je fais ici, c’est pour mieux dormir. »
Richard Greaves
" Richard Greaves (1952, Montréal) érige des cabanes qui semblent au bord de l’effondrement. Pareilles à des châteaux de cartes, elles fraient avec l’utopie et défient les lois de la pesanteur. Célébrant l’asymétrie et bannissant l’angle droit, elles font voler en éclats les normes et les principes de construction.
Ces édifices mettent en évidence tassement et déformation, deux tares au regard de l’architecture conventionnelle. Ils nous font basculer dans un monde irréel et mettent à l’épreuve nos sens et nos perceptions.
Depuis 1989, l’artiste autodidacte québécois Richard Greaves se consacre à la création d’un vaste environnement architectural en constante expansion. Celui-ci est situé en Beauce, au Québec. L’œuvre se déploie dans une forêt, sur un terrain qu’il a acquis avec des amis et où il a élu domicile.
L’environnement est constitué d’une vingtaine de cabanes et d’abris réalisés à partir de granges abandonnées vouées à la démolition ou à l’oubli. Richard Greaves procède en trois temps : il les démembre d’abord pièce par pièce, rapatrie ensuite ces divers éléments sur son site et, enfin, reconstruit, seul, à sa manière, en n’employant aucun instrument de mesure et en faisant usage uniquement de corde de nylon. Une multitude de sculptures faites à l’aide d’objets glanés au rebut parsèment également le terrain."
Paskal JULOU en 2003 a écrit un bel article sur ce " Bâtisseur indiscipliné "
" Richard Greaves récupère des maisons en bois promises à la destruction pour les reconstruire dans son domaine.
Depuis 1979, il en a re(dé)construit plus d’une quinzaine.
Visite guidée par l’artiste.
Je suis allé rendre visite à Richard Greaves par une journée ensoleillée en août dernier. De Montréal, j’ai pris un autobus et j’ai dû mettre mon vélo dans la soute, car aucun transport en commun n’accède à son village.
Je suis arrivé chez lui, seul et à vélo. Je frappe à la porte et il m’ouvre. La Chose est rare, car il a horreur des touristes. Il a peur que son travail et ses propos soient mal interprétés, alors il préfère se cacher et regarder les gens se promener et se faire leur propre idée du lieu. Il laisse à sa compagne le soin de s’occuper des visiteurs. Par chance, avec moi, il se montre très accueillant, car il a été étonné de me voir arriver à vélo par une chaleur de plomb. Il m’offre un verre d’eau et m’invite à le suivre pour visiter son domaine.
Tout en marchant, il me raconte qu’il ne boit pas, ne fume pas et qu’il se sent bien dans sa peau. Âgé de 50 ans, grand et sec, Richard Greaves a l’air plus jeune que son âge et il en est très fier. Il est très heureux chez lui, loin des citadins trop stressés qui ne prennent pas le temps de vivre, de regarder la nature. Il sait de quoi il parle, car jusqu’en 1979, il a vécu à Montréal où il a travaillé comme cuisinier. Ne supportant plus d’avoir un patron, il a préféré se retirer à la campagne. Il reçoit de l’aide sociale et ça lui suffit. Il a même refusé le chèque du premier prix décerné par l’Association des arts indisciplinés cet été ! Il n’aime pas l’argent !
On marche parmi l’herbe longue et touffue (il n’a plus le temps de la couper). Ici et là sont installés des tas d’objets disposés comme des totems. Ordinateurs, radiateurs, frigos, vélos, télés, vêtements, chaises, seaux, bouts de bois et de fer. Mais ceci ne donne qu’une petite idée de son travail, car le plus étonnant ce sont ses maisons.
La première que je découvre est un choc ! J’ai l’impression qu’elle va s’écrouler. Les murs sont de travers, les lois de la gravité farouchement défiées. Cette chose semble tenir debout comme par miracle. Je pénètre avec lui à l’intérieur, nous ressortons par la fenêtre de l’étage et descendons pour rejoindre le sol. Ce n’est pas une maison en paille tirée des Trois Petits Cochons, c’est du solide ! Les murs en bois, totalement de travers sont aussi habillés de divers objets de récupérations : disques, boîtes, chaussures, roues, tuyaux, tissus, jouets…
Pour l’amateur d’art brut, ce bidonville est un pur concentré de folie humaine totalement enthousiasmant !
Nous continuons notre promenade et arrivons devant un arbre immense. Richard Greaves me dit que c’est le plus grand arbre de la forêt. C’est là dans l’arbre, à plus de cinq mètres du sol qu’il met son linge à sécher. Faire le Tarzan, rien de tel pour garder la santé !
Ensuite, au fil de la promenade, je découvre d’autres maisons/cabanes plus délirantes les unes que les autres. Notamment celle qu’il a appelée «La Cathédrale »: les planches de bois partent dans tous les sens, les murs sont composés d’assemblages de portes et de fenêtres avec quelques éclats de peinture bleue sur les vitres. L’ensemble ressemble à une sorte de tipi indien géant. Cette réalisation est une de ses préférées. Plus loin, il me montre une autre maison étonnante, car totalement conventionnelle. Ici, pas de chaudière qui ne va part nulle part, pas d’amas d’images et de photos découpées et collées sur les murs. Une maison aux formes réglementaires parmi toutes les autres tordues et déformées!
Richard Greaves est un peu comme un grand voyageur qui resterait chez lui pour composer sa plage, sa mer, ses montagnes et ses maisons. Greaves ne cherche pas à être reconnu comme artiste. Au contraire, il veut rester libre et ne rentrer dans aucun circuit. Un peu comme un Robinson qui aurait trouvé le bonheur dans son île."
Anarchitect par chazblam
* Un autre film ( que je ne connais pas ) a été fait sur Richard Greaves par Bruno Decharme (10 minutes, abcd, Paris, 2005) ....
En ce moment à Paris à l 'Espace topograghie de l'Art (lieu magnifique, dépouillé et parfaitement adapté à la mise en valeur des oeuvres présentées ) se tient une très belle exposition :
" Connivences secrètes"
Dans cette exposition il est possible de découvrir six photographies de Mario Del Curto sur les cabanes de Richard Greaves .
Voici le texte de Martine Lusardy qui accompagne cette exposition :
" Sept artistes exposent leurs œuvres entre lesquelles sont tissées des «connivences secrètes», des affinités de langage, d'esthétique, de genre... Ces artistes explorent les domaines de l'art brut, de l'étrange, de la marginalité, voire même de la folie.
Anémone de Blicquy, Dado, Richard Greaves, Louis Pons, Judith Scott, Ronan-Jim Sévellec, Davor Vrankic
Ils dessinent, peignent, sculptent. Ils collectent des objets de rebuts ou puisent dans la nature traces et empreintes. Ils assemblent, collent. Expérimentateurs primitifs ou raffinés d'un grand art, explorateurs de langages archaïques, magiciens du matériau brut, ou bien même artistes professionnels volontiers libertaires, ils inventent des mondes singuliers, préférant la liberté des chemins insolites, l'audace de la marge, à «l'asphyxiante culture» que pourchassait Dubuffet.
Les sept artistes réunis dans cette exposition, forment une sorte de société secrète où les affinités ne manquent pas. Familiers de l'inconnu et de l'étrange, leurs oeuvres sont dans l'entremonde, là où se célèbrent les noces de l'art et de la folie, de la vie et de la mort, où se jouent les multiples passages de l'originaire à la culture, de l'intime à l'universel.
Leurs oeuvres, qu'elles soient austères ou délirantes, sauvages ou sophistiquées, expressionnistes ou narratives, qu'elles manient l'humour ou l'émotion, sont porteuses d'excès mais aussi de poésie et d'innovations."
D'autres photos sont visibles sur Animula Vagula , des photos prises par Louise Boucher la compagne de Richard Greaves ainsi que des nouvelles récentes du créateur !
A découvrir aussi dans la revue 303 (N° 119 - 18 euros)
Espace topographie de l'Art
15, rue de Thorigny
75003 Paris
01 40 29 44 28
de 14 à 19 h jusqu'au 15 avril .... c'est gratuit !
http://www.topographiedelart.com/
extraordinaire..!!!
RépondreSupprimerCe qui stupéfie c’est cet art qui consiste à construire du déconstruit – c’est-à-dire à fabriquer des ruines toutes neuves, sans passer par l’étape destruction.
RépondreSupprimerJe crois qu’il y a toute une tendance dans l’architecture contemporaine qui s’efforce de faire des édifices qu’on croirait en ruines alors qu’ils sont parfaitement fonctionnels. Je pense au musée Guggenheim de Bilbao, mais il y a sans doute plus pertinent comme exemple.
Question : serions-nous prêt à accepter qu’on reconstruise les monuments en ruines, par exemple le Parthénon ?