Cet homme a de multiples talents, en voici quelques uns sur les Grigris aujourd'hui ....
" Bénard Michel.
Né à Reims le 17
Novembre 1946. Lauréat de l’Académie française, chevalier dans
l’Ordre des Arts et des Lettres, Poète, peintre abstrait,
essayiste, ex-animateur radio culturelle ( + de 1000
émissions) conseiller culturel et responsable d’expositions
dans divers organismes nationaux et européens, rédacteur de
nombreuses revues, fondateur de prix littéraires, il a mené des
actions avec Amnesty International, Poètes sans frontières etc,
pour la liberté d’expression des artistes et écrivains dans le
monde. Titulaire de nombreux prix, dont le Prix européen Jean
Monnet, le Prix Jean Cocteau, le Prix de poésie du Festival
d’Avignon, le Prix Wilfrid Lucas, le Prix Michel-Ange, l’Orphée
de la poésie, etc. etc.
Il a édité plus d’une
trentaine d’ouvrages et livres d’artistes, dont en bilingue
français-roumain, traduits par la poétesse et femme de lettres
Manolita Dragomir-Filimonescu, « Fragilité des signes »
éditions Augusta 2011, « Encres mêlées » éditions
Marineasa 2003, « L’alphabet de silence » éditions
Augusta 2007 et très récemment « Le regard du miroir »
éditions ArtPress 2011.
D’après lui, "l’objet
de langage en poésie est lié à celui de la musique intérieure :
le « miracle » de la poésie réanime la vie, c’est
peut-être encore la seule espérance possible encore offerte à
l’homme. Il y a dans la poésie le sens d’une imprégnation
d’infini et d’éternel. La poésie tisse ses rêves, jusqu’à
croiser l’extase."
Et cet entretien un peu long de La Revue des Arts Pluriels qui explique l'homme et l’œuvre :
Bien
délicat de pouvoir prétendre répondre à cette question en
quelques lignes, sachant que le parcours englobe déjà presque cinq
décennies.
Avantage
indéniable, mon enfance se déroula en premier lieu dans un milieu
artisanal, un père couturier spécialisé dans les habits de
soirées ou uniformes pour officiers, un oncle peintre décorateur
spécialiste de la feuille d’or, également artiste talentueux de
chevalet à ses heures libres.
Ainsi
tous le Jeudis j’allais peindre dans son atelier où j’avais tout
à disposition, vieux pinceaux, fonds des pots de peinture, cartons
et plaques de contre-plaqué et je pouvais renverser sans risque de
la peinture sur le sol sans réveiller les foudres, il y avait déjà
quelques centimètres de peinture sur le plancher.
Peintures,
sculptures, furent toujours présentes dans mon environnement.
Par
ailleurs presque tous les jours en sortant de l’école j’allais
voir un ami de mon père, peintre d’enseignes pour les
présentations des films. Chaque semaine je voyais apparaître sur
les caliquots blancs tous les portraits des acteurs de l’époque.
Et
puis très jeune environ 10 ou 12 ans j’allais seul dans les
musées, c’est là entre autre que j’ai découvert, Cranach,
Delacroix, Corot, Doré, Jongkind, Gauguin, Renoir, Sisley, Monnet,
Diez, Lhermitte etc. etc.
En
ce qui concerne l'ensemble de vos oeuvres, peut on parler d'une
approche initiatique de la vie ?
Très
attaché à la poésie, la musique, aux arts en général,
indéniablement il y a toujours eu en moi la volonté de délivrer un
message intérieur, un cheminement poético-artistico.philosophique.
J’ai toujours porté un regard particulier sur les romantiques, les
préraphaélites, les symbolistes…. car au-delà de la peinture, de
composer une œuvre plastique, il y a aussi cette volonté de
transmettre une pensées, une réflexion. D’ouvrir d’autres
portes et de donner à l’homme une possible élévation, un regard
au-delà du miroir.
Oui,
il y a en cela un engagement initiatique et surtout de restituer à
certaines œuvres une signification sacrée.
Cependant
il ne faut pas pour autant se soustraire au plaisir de composer, de
jouer avec les volumes, les couleurs, tout simplement au bonheur de
peindre, ou plus modestement d’essayer.
Puisez-vous
votre inspiration dans le quotidien, l'événementiel ou bien encore
dans l'imaginaire propre à chaque artiste?
Le
phénomène le plus banal, le plus anodin, peut déclencher en nous
une avalanche de visions, un enchevêtrement de fils de couleurs, de
mots qu’il sera nécessaire par la suite de coordonner, de démêler
afin d’obtenir une approche un peu plus cohérente.
L’imaginaire
bien entendu est incontournable car il est le pigment, le liant qui
orchestre, dirige, met en place ou plutôt essaie d’organiser.
L’inspiration n’est
soumise à aucune loi, elle est comme l’amour, elle nous tombe
dessus souvent lorsque nous nous y attendons le moins.
Tel est un
des aspects du grand mystère de l’acte de création.
Néanmoins
le reflexe de l’inspiration s’entretient par le fait de demeurer
en éveil, curieux, dans l’étonnement permanent, elle est une
discipline au quotidien qui doit rester naturelle, on ne provoque pas
l’inspiration, mais il faut toujours sillonner dans le champ de
l’attention du déclic possible.
Ne surtout
pas la laisser fuir, vite la saisir, la fixer, la matérialiser, le
talent s’il est au rendez-vous fera peut-être le reste.
Tentez-vous
de créer une continuité dans votre travail de peintre, en vous
imposant des sujets thématiques, articulés les uns aux autres ?
L’œuvre
d’un artiste indépendamment de sa discipline évolue, se
transforme au fil des ans, par la technique, le métier, la mutation,
le cheminement, les influences, car tout n’est que successions
d’influences des menhirs de Carnac en passant par les cathédrales
gothiques jusqu’ aux tours de la Défense.
Une œuvre
s’étend sur toute une vie et se métamorphose constamment selon le
rythme de travail du son créateur et des éléments extérieurs de
la vie qui la façonnent.
Pour
prendre mon expérience, à l’origine j’étais d’un classicisme
des plus déconcertants, dessin, travail sur le motif, paysages,
natures mortes etc. etc.
Très vite l’onirisme
prit le pas, le symbolisme, le visionnaire, petit à petit vint
l’abstrait à l’huile, puis se profilera le collage pur, ensuite
la technique mixte où se trouvent mes repères en pouvant y associer
diverses formes d’expressions
Ce qui
correspond plus à mon besoin de poésie ! Et voilà, les deux
disciplines se sont jumelées !
Avez-vous
des critères personnels de sélection pour le choix du médium, des
couleurs… à employer pour la création d’une œuvre ou est-ce
votre seule intuition qui vous guide ?
Pour être
franc je n’ai pas de réels critères de sélections de mes médiums
ou autres matériaux pour travailler. Cela est variable selon les
périodes et le choix des techniques.
J’ai eu mes périodes
de dessin, chine, pastel gras, aquarelle, gouache etc. etc.
Désormais
je traite mes sujets en technique dite « mixte »
où j’emploie et associe un peu tous les matériaux, huile,
acrylique, brou de noix, carton, papier, tissu, imprimé, encre etc.
etc.
Je ne m’impose plus
vraiment de règles, ni de loi, sinon celle de la liberté.
En respectant toutefois
certains critères de qualité, code personnel et marque de respect
de respect pour l’amateur ou l’éventuel acheteur.
Comment
vous est venue l'idée d’allier écriture et peinture?
Très tôt
assez libre et livré plus ou moins à moi-même, pour cause de
situation familiale en déchirure, j’étais déjà un rêveur
solitaire, indépendant plus précisément et j’allais seul
régulièrement dans les musées et lieux de lecture, où je fus
toujours attiré par la peinture, la sculpture et beaucoup par les
manuscrits anciens, les vieux livres, les enluminures, les icônes
etc. etc.
Ma
« vocation »
picturale si l’on peut dire, fût déclenchée devant un
« Saint Jérôme au désert »
œuvre d’un peintre flamand anonyme, toujours visible aujourd’hui
au musée des Beaux Arts de Reims. Je lui rends souvent fidèlement
une petite visite.
Puis un
jour mon père m’offrit une grosse encyclopédie illustrée où en
page centrale, il y avait la coupe d’une abbaye, avec toutes les
fonctions des moines, mais surtout il y avait la coupe d’une
cellule de moine enlumineur. Ce fût alors comme une sorte de
révélation, non pas monacale, mais je retrouvais rassemblé et dans
l’unité tout ce que j’aimais.
Les
livres, les manuscrits, l’écriture, les parchemins, la peinture
enluminée, la paix, le retrait du monde, dont la folie m’inquiétait
déjà à l’époque, l’isolement sans pour autant me couper
entièrement de la société qui est aussi une source
d’enrichissements, d’échanges, de partages.
Alors je
dis à mon père : « C’est ça
que je veux être ….! » il me
dit : « Moine ? »
Je lui dis : « Non, ça
enlumineur.. »
Depuis le virus ne m’a
jamais quitté, il n’a même fait que croître et embellir.
D’où
cette association, ce jumelage peinture, signes des écritures,
idéogrammes dans mes modestes réalisations.
L’art a depuis son
origine, toujours été rattaché à l’homme, je songe ici par
exemple à l’art pariétal, aux fresques primitives jusqu’aux
graphes ou tags qui embellissent ou souillent nos cités.
A mon sens
si l’art contient des facettes incontournables dans
l’épanouissement ou le développement de la vie des hommes, en
aucun cas je ne pense qu’il soit vital.
Il y a hélas dans
l’existence des hommes des situations beaucoup plus urgentes !
Lorsque
vous êtes tenaillé par la misère, la faim, la guerre, la maladie,
l’art perd de sa patine, il a peu de signification. L’essentiel
de l’existence est ailleurs, le principe de survie indispensable.
Le vital est là me semble-t-il !
La
nécessité de subsistance domine l’idée même de l’art, qui
dans ce cas ne peut apparaître que comme un luxe dérisoire.
Toutefois l’art est
inséparable de l’évolution des civilisations.
Il peut
même prendre une signification salvatrice. Mais en aucun cas il
n’est vital, il ne demeure qu’un prolongement complémentaire, un
possible sécurisant.
Lorsque
vous exposez, voulez-vous avant tout faire réfléchir le visiteur,
l'intriguer, voire le déranger, lui apporter un peu de beauté...
ou plus simplement lui plaire ?
En aucun
cas je ne recherche l’intrigue, la provocation, ni n’impose la
réflexion à tout prix, je préfère permettre au visiteur le soin
de se laisser porter, de donner toute liberté à son imaginaire, de
ne pas se poser trop de questions et de peut-être se sentir bien
avec une œuvre, de trouver une correspondance, un lieu commun dans
la forme, la couleur, la symbolique. Je me garde bien de vouloir
prouver quoi que ce soit, combien même si j’imprègne les
fragments de ma vision dans mes travaux.
Le
visiteur doit y retrouver sa part de rêve, et de beauté, un peu de
paix aussi, ou alors il poursuit son chemin.
Vouloir plaire
absolument est un reflexe égocentrique et une grossière erreur.
J’exécute
mes compositions sans me poser de questions, je tente de réaliser ce
que je ressens, ce qui me convient, le visiteur est libre, l’art ne
peut pas être imposé, il n’est que suggestion sans plus.
Si l’on
me pose des questions je réponds au mieux, selon l’intérêt ou
l’orientation des dites questions, c’est tout ! Je n’ai
rien à prouver, ni à démontrer.
Croyez-vous
que l'acte de création aide à mieux comprendre le mécanisme du
comportement humain et de la pensée analytique de chacun ?... en
d’autres termes, pensez-vous que la création permet d’appréhender
l’être dans toute sa complexité ?
Indiscutablement
l’acte de création, contribue à mieux faire comprendre le
mécanisme humain puisqu’il lui est inhérent.
L’art
est une projection de l’intérieur, un reflexe génétique, il est
une espèce d’autoportrait, de révélation du principe de vie.
La
résultante de la création permet absolument de mieux se rapprocher
de la conscience humaine, car l’art contient à divers degrés
toute l’histoire et le fonctionnement de l’humanité.
Il
est une sorte de baromètre de l’état d’une période ou
civilisation.
Il
suffit de regarder autour de nous, ce que certains courants de l’art
actuel nous proposent pour être édifiés sur la situation de la
société, donc de l’art par extension.
L’art
est un révélateur à degrés multiples et à modulations
variables !
L'univers
de l'Abstrait, est-il pour vous synonyme de Porte ouverte sur une
inventivité réelle et prometteuse ?
La
notion du concept de l’univers abstrait commence à dater puisque
son développement remonte dans les années 1910 avec Kandinsky qui
écrivit «
Du spirituel dans l’art »
L’abstraction
en fait n’est qu’un moyen d’expression parmi d’autres, car à
bien y réfléchir l’abstraction existe depuis la nuit des temps,
dans toutes les particules de la création dans l’infiniment grand
comme dans l’infiniment petit.
Le
simple détail d’une œuvre classique, d’un objet ancien, d’une
pierre, d’un fragment végétal, un reflet sur l’eau, une ombre
portée et déjà nous sommes au cœur de l’abstraction.
Un
coup de pinceau de Vermeer, Rembrandt, Chardin, et aussi abstrait
qu’un coup de pinceau de Soulage, Hartung, Zao-Wou-Ki ou de
Riopelle.
L’abstraction
n’est donc qu’une autre façon de ressentir, de regarder, de
recomposer ou de recréer.
Cela
peut modifier notre façon de voir ou de percevoir.
C’est
l’insaisissable limite entre la figuration et l’abstraction, le
figuré et le suggéré
L’abstrait
n’est finalement que le fruit de l’évolution ou de la
métamorphose du passé
Quel regard posez-vous sur le monde actuel de l'Art ?
L’art
que l’on veut nous imposer n’est plus qu’un produit
manufacturé, un effroyable marché de dupes orienté par quelques «
goldens boys des arts »
faisant la pluie et le beau temps de la cote ou de la décote.
Tous
les dés sont pipés et l’art ne se reconnaît plus dans cette
grande entreprise multinationale où un concepteur appartenant au
système fait travailler des équipes (seul aspect positif, la
création de quelques emplois) sur ses projets «
concepts ».
Mais
où sont les artistes, les vrais créateurs, élaborant leurs œuvres
de A à Z ?
Dans
cet aspect du monde de l’art actuel et de ses suiveurs de « l’art
officiel »
d’état ne m’intéresse pas vraiment.
A
quelques exceptions particulières, car il serait absurde de faire
une généralité, de bons artistes existent partout, même dans un
système qui a fait de l’art une « grande
putain » !
Quel
intérêt portez-vous à vos contemporain?
Il
me semble avoir résumé ce que j’en pense dans le chapitre
précédent, mais j’oserais dire encore, qu’il est grand temps
que l’on arrête de nous faire prendre des vessies pour des
lanternes, et de cesser de faire l’apologie et de monter au pinacle
comme étant l’œuvre du siècle «
un bidet souillé et ébréché perché en équilibre sur une chaise
dépaillée »
Si
ma mémoire est bonne, il me semble me souvenir qu’un jour le grand
sculpteur Ipousteguy avait dit à propos de l’art officiel dont-il
a été pratiquement exclu en France :
« …/… que si l’on voulait faire un musée d’art
moderne, il suffisait simplement de construire une verrière sur une
décharge publique, et le résultat escompté serait obtenu…/… »
Et
pour conclure, pensez-vous que dans le domaine de la création, tout
n’a pas déjà était fait, dit ? Croyez-vous qu’il y ait encore
des pratiques artistiques à découvrir ?
Bien
entendu que dans le domaine de la création tout a été dit, tout a
été fait, ou presque depuis les époques les plus reculées, mais
tout reste à transformer, à modifier, à corriger, à réinventer,
l’art n’est qu’un enchainement permanent, une longue suite
d’influences et de mutations. Je songe entre autres à l’art
infographique où nous découvrons des réalisations absolument
merveilleuses, certes nous sommes dans un domaine virtuel, mais il a
l’avantage d’exister comme la photographie et nous y trouvons de
réels talents.
Par
contre une chose est certaine, il existe encore en parallèle au
système officiel, et de plus en plus, des artistes dignes de ce nom,
qui possèdent un vrai métier et l’intelligence de la main, qui
reviennent à d’authentiques valeurs en restituant une
signification humaine à l’art et au beau avec toutes ses
différences et personnalisations.
Afin
que l’art puisse donner à l’homme la clé de sa métamorphose,
il s’avère nécessaire de le resacraliser !
LE SITE DE MICHEL BENARD
(cliquer sur le lien)
Pas du tout d'accord sur le fait que l'art ne soit pas vital, car si l'on réduit le vital à la seule nécessité des fonctions organiques d'un être humain, on brise la dimension de l'esprit qui est en lui, et c'est une catastrophe.
RépondreSupprimerDire "Lorsque vous êtes tenaillé par la misère, la faim, la guerre, la maladie, l’art perd de sa patine, il a peu de signification. L’essentiel de l’existence est ailleurs, le principe de survie indispensable", eh bien, ne tient pas la route.
Nombre de personnes malades ont trouvé leur expression au travers de la peinture, combien de personnes dont la parole étouffait ont aussi par le geste trouvé un prolongement à leur corps, réussi quelques instants à laisser leurs souffrances de côté en se prenant au jeu de l'intériorité, se laissant guider dans les méandres des formes et des couleurs en une sublimation salvatrice , alors quoi ?
De surcroît, c'est aussi nier la dimension fondamentale d'un mode d'expression qui est aussi révolte, donc arme dans un monde qui ne convient pas (et ne franchissons pas la porte de tous ceux qui, sous des jougs dictatoriaux, ont dans le plus grand secret, continuer envers et malgré tout à créer...)
; non, vraiment cela ne tient pas, et c'est là un vieux cliché du "culturel", me semble-t-il du moins.
Belle découverte de cet artiste et en accord sur son regard du monde de l'art d'aujourd'hui, un grand merci,Sophie, bel après midi.
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