dimanche 10 mars 2013

MICHEL BENARD : PEINTRE ET POETE

Nous avons rencontré MICHEL BENARD chez FREDERIC VOISIN et découvert son travail salle Suzanne Tourte ...
Cet homme a de multiples talents, en voici quelques uns sur les Grigris aujourd'hui ....



" Bénard Michel.
Né à Reims le 17 Novembre 1946. Lauréat de l’Académie française, chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres, Poète, peintre abstrait, essayiste, ex-animateur radio culturelle ( + de 1000 émissions) conseiller culturel et responsable d’expositions dans divers organismes nationaux et européens, rédacteur de nombreuses revues, fondateur de prix littéraires, il a mené des actions avec Amnesty International, Poètes sans frontières etc, pour la liberté d’expression des artistes et écrivains dans le monde. Titulaire de nombreux prix, dont le Prix européen Jean Monnet, le Prix Jean Cocteau, le Prix de poésie du Festival d’Avignon, le Prix Wilfrid Lucas, le Prix Michel-Ange, l’Orphée de la poésie, etc. etc.
Il a édité plus d’une trentaine d’ouvrages et livres d’artistes, dont en bilingue français-roumain, traduits par la poétesse et femme de lettres Manolita Dragomir-Filimonescu, «  Fragilité des signes » éditions Augusta 2011, « Encres mêlées » éditions Marineasa 2003, « L’alphabet de silence » éditions Augusta 2007 et très récemment « Le regard du miroir » éditions ArtPress 2011.
D’après lui, "l’objet de langage en poésie est lié à celui de la musique intérieure : le « miracle » de la poésie réanime la vie, c’est peut-être encore la seule espérance possible encore offerte à l’homme. Il y a dans la poésie le sens d’une imprégnation d’infini et d’éternel. La poésie tisse ses rêves, jusqu’à croiser l’extase."












Et cet entretien un peu long de La Revue des Arts Pluriels qui explique l'homme et l’œuvre :

Pourquoi la peinture, et quel a été votre parcours artistique jusqu'à ce jour?
 
Bien délicat de pouvoir prétendre répondre à cette question en quelques lignes, sachant que le parcours englobe déjà presque cinq décennies.
Avantage indéniable, mon enfance se déroula en premier lieu dans un milieu artisanal, un père couturier spécialisé dans les habits de soirées ou uniformes pour officiers, un oncle peintre décorateur spécialiste de la feuille d’or, également artiste talentueux de chevalet à ses heures libres.
Ainsi tous le Jeudis j’allais peindre dans son atelier où j’avais tout à disposition, vieux pinceaux, fonds des pots de peinture, cartons et plaques de contre-plaqué et je pouvais renverser sans risque de la peinture sur le sol sans réveiller les foudres, il y avait déjà quelques centimètres de peinture sur le plancher.
Peintures, sculptures, furent toujours présentes dans mon environnement.
Par ailleurs presque tous les jours en sortant de l’école j’allais voir un ami de mon père, peintre d’enseignes pour les présentations des films. Chaque semaine je voyais apparaître sur les caliquots blancs tous les portraits des acteurs de l’époque.
Et puis très jeune environ 10 ou 12 ans j’allais seul dans les musées, c’est là entre autre que j’ai découvert, Cranach, Delacroix, Corot, Doré, Jongkind, Gauguin, Renoir, Sisley, Monnet, Diez, Lhermitte etc. etc.

En ce qui concerne l'ensemble de vos oeuvres, peut on parler d'une approche initiatique de la vie ?

Très attaché à la poésie, la musique, aux arts en général, indéniablement il y a toujours eu en moi la volonté de délivrer un message intérieur, un cheminement poético-artistico.philosophique. J’ai toujours porté un regard particulier sur les romantiques, les préraphaélites, les symbolistes…. car au-delà de la peinture, de composer une œuvre plastique, il y a aussi cette volonté de transmettre une pensées, une réflexion. D’ouvrir d’autres portes et de donner à l’homme une possible élévation, un regard au-delà du miroir.
Oui, il y a en cela un engagement initiatique et surtout de restituer à certaines œuvres une signification sacrée.
Cependant il ne faut pas pour autant se soustraire au plaisir de composer, de jouer avec les volumes, les couleurs, tout simplement au bonheur de peindre, ou plus modestement d’essayer.

Puisez-vous votre inspiration dans le quotidien, l'événementiel ou bien encore dans l'imaginaire propre à chaque artiste?

L’inspiration ne se dirige pas, ne se maîtrise pas, elle s’impose et ne repose sur aucune règle elle est une fleur de liberté qui peut vous surprendre à tout instant du jour et de la nuit et en tout lieu !
Le phénomène le plus banal, le plus anodin, peut déclencher en nous une avalanche de visions, un enchevêtrement de fils de couleurs, de mots qu’il sera nécessaire par la suite de coordonner, de démêler afin d’obtenir une approche un peu plus cohérente.
L’imaginaire bien entendu est incontournable car il est le pigment, le liant qui orchestre, dirige, met en place ou plutôt essaie d’organiser.
L’inspiration n’est soumise à aucune loi, elle est comme l’amour, elle nous tombe dessus souvent lorsque nous nous y attendons le moins.
Tel est un des aspects du grand mystère  de l’acte de création.
Néanmoins le reflexe de l’inspiration s’entretient par le fait de demeurer en éveil, curieux, dans l’étonnement permanent, elle est une discipline au quotidien qui doit rester naturelle, on ne provoque pas l’inspiration, mais il faut toujours sillonner dans le champ de l’attention du déclic possible.
Ne surtout pas la laisser fuir, vite la saisir, la fixer, la matérialiser, le talent s’il est au rendez-vous fera peut-être le reste.


Tentez-vous de créer une continuité dans votre travail de peintre, en vous imposant des sujets thématiques, articulés les uns aux autres ?

 L’œuvre d’un artiste indépendamment de sa discipline évolue, se transforme au fil des ans, par la technique, le métier, la mutation, le cheminement, les influences, car tout n’est que successions d’influences des menhirs de Carnac en passant par les cathédrales gothiques jusqu’ aux tours de la Défense. 
Une œuvre s’étend sur toute une vie et se métamorphose constamment selon le rythme de travail du son créateur et des éléments extérieurs de la vie qui la façonnent.
Pour prendre mon expérience, à l’origine j’étais d’un classicisme des plus déconcertants, dessin, travail sur le motif, paysages, natures mortes etc. etc.
Très vite l’onirisme prit le pas, le symbolisme, le visionnaire, petit à petit vint l’abstrait à l’huile, puis se profilera le collage pur, ensuite la technique mixte où se trouvent mes repères en pouvant y associer diverses formes d’expressions
Ce qui correspond plus à mon besoin de poésie ! Et voilà, les deux disciplines se sont jumelées !


Avez-vous des critères personnels de sélection pour le choix du médium, des couleurs… à employer pour la création d’une œuvre ou est-ce votre seule intuition qui vous guide ?

Pour être franc je n’ai pas de réels critères de sélections de mes médiums ou autres matériaux pour travailler. Cela est variable selon les périodes et le choix des techniques.
J’ai eu mes périodes de dessin, chine, pastel gras, aquarelle, gouache etc. etc.
Désormais je traite mes sujets en technique dite « mixte » où j’emploie et associe un peu tous les matériaux, huile, acrylique, brou de noix, carton, papier, tissu, imprimé, encre etc. etc.
Je ne m’impose plus vraiment de règles, ni de loi, sinon celle de la liberté.
En respectant toutefois certains critères de qualité, code personnel et marque de respect de respect pour l’amateur ou l’éventuel acheteur.


Comment vous est venue l'idée d’allier écriture et peinture?

Tout nous vient de l’enfance ou beaucoup tout du moins !
Très tôt assez libre et livré plus ou moins à moi-même, pour cause de situation familiale en déchirure, j’étais déjà un rêveur solitaire, indépendant plus précisément et j’allais seul régulièrement dans les musées et lieux de lecture, où je fus toujours attiré par la peinture, la sculpture et beaucoup par les manuscrits anciens, les vieux livres, les enluminures, les icônes etc. etc.
Ma « vocation » picturale si l’on peut dire, fût déclenchée devant un «  Saint Jérôme au désert » œuvre d’un peintre flamand anonyme, toujours visible aujourd’hui au musée des Beaux Arts de Reims. Je lui rends souvent fidèlement une petite visite.
Puis un jour mon père m’offrit une grosse encyclopédie illustrée où en page centrale, il y avait la coupe d’une abbaye, avec toutes les fonctions des moines, mais surtout il y avait la coupe d’une cellule de moine enlumineur. Ce fût alors comme une sorte de révélation, non pas monacale, mais je retrouvais rassemblé et dans l’unité tout ce que j’aimais.
Les livres, les manuscrits, l’écriture, les parchemins, la peinture enluminée, la paix, le retrait du monde, dont la folie m’inquiétait déjà à l’époque, l’isolement sans pour autant me couper entièrement de la société qui est aussi une source d’enrichissements, d’échanges, de partages.
Alors je dis à mon père : «  C’est ça que je veux être ….! » il me dit : « Moine ? » Je lui dis : «  Non, ça enlumineur.. »
Depuis le virus ne m’a jamais quitté, il n’a même fait que croître et embellir.
D’où cette association, ce jumelage peinture, signes des écritures, idéogrammes dans mes modestes réalisations.


Pensez-vous, en tant que peintre, que l'art puisse être - aujourd'hui, un besoin existentiel vital ?

L’art a depuis son origine, toujours été rattaché à l’homme, je songe ici par exemple à l’art pariétal, aux fresques primitives jusqu’aux graphes ou tags qui embellissent ou souillent nos cités.
A mon sens si l’art contient des facettes incontournables dans l’épanouissement ou le développement de la vie des hommes, en aucun cas je ne pense qu’il soit vital.
Il y a hélas dans l’existence des hommes des situations beaucoup plus urgentes !
Lorsque vous êtes tenaillé par la misère, la faim, la guerre, la maladie, l’art perd de sa patine, il a peu de signification. L’essentiel de l’existence est ailleurs, le principe de survie indispensable. Le vital est là me semble-t-il !
La nécessité de subsistance domine l’idée même de l’art, qui dans ce cas ne peut apparaître que comme un luxe dérisoire.
Toutefois l’art est inséparable de l’évolution des civilisations.
Il peut même prendre une signification salvatrice. Mais en aucun cas il n’est vital, il ne demeure qu’un prolongement complémentaire, un possible sécurisant.


Lorsque vous exposez, voulez-vous avant tout faire réfléchir le visiteur, l'intriguer, voire le déranger, lui apporter un peu de beauté... ou plus simplement lui plaire ?

En aucun cas je ne recherche l’intrigue, la provocation, ni n’impose la réflexion à tout prix, je préfère permettre au visiteur le soin de se laisser porter, de donner toute liberté à son imaginaire, de ne pas se poser trop de questions et de peut-être se sentir bien avec une œuvre, de trouver une correspondance, un lieu commun dans la forme, la couleur, la symbolique. Je me garde bien de vouloir prouver quoi que ce soit, combien même si j’imprègne les fragments de ma vision dans mes travaux.
Le visiteur doit y retrouver sa part de rêve, et de beauté, un peu de paix aussi, ou alors il poursuit son chemin.
Vouloir plaire absolument est un reflexe égocentrique et une grossière erreur.
J’exécute mes compositions sans me poser de questions, je tente de réaliser ce que je ressens, ce qui me convient, le visiteur est libre, l’art ne peut pas être imposé, il n’est que suggestion sans plus.
Si l’on me pose des questions je réponds au mieux, selon l’intérêt ou l’orientation des dites questions, c’est tout ! Je n’ai rien à prouver, ni à démontrer.


Croyez-vous que l'acte de création aide à mieux comprendre le mécanisme du comportement humain et de la pensée analytique de chacun ?... en d’autres termes, pensez-vous que la création permet d’appréhender l’être dans toute sa complexité ?
 
Indiscutablement l’acte de création, contribue à mieux faire comprendre le mécanisme humain puisqu’il lui est inhérent.
L’art est une projection de l’intérieur, un reflexe génétique, il est une espèce d’autoportrait, de révélation du principe de vie.
La résultante de la création permet absolument de mieux se rapprocher de la conscience humaine, car l’art contient à divers degrés toute l’histoire et le fonctionnement de l’humanité.
Il est une sorte de baromètre de l’état d’une période ou civilisation.
Il suffit de regarder autour de nous, ce que certains courants de l’art actuel nous proposent pour être édifiés sur la situation de la société, donc de l’art par extension.
L’art est un révélateur à degrés multiples et à modulations variables !

L'univers de l'Abstrait, est-il pour vous synonyme de Porte ouverte sur une inventivité réelle et prometteuse ?
 
La notion du concept de l’univers abstrait commence à dater puisque son développement remonte dans les années 1910 avec Kandinsky qui écrivit «  Du spirituel dans l’art »
L’abstraction en fait n’est qu’un moyen d’expression parmi d’autres, car à bien y réfléchir l’abstraction existe depuis la nuit des temps, dans toutes les particules de la création dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit.
Le simple détail d’une œuvre classique, d’un objet ancien, d’une pierre, d’un fragment végétal, un reflet sur l’eau, une ombre portée et déjà nous sommes au cœur de l’abstraction.
Un coup de pinceau de Vermeer, Rembrandt, Chardin, et aussi abstrait qu’un coup de pinceau de Soulage, Hartung, Zao-Wou-Ki ou de Riopelle.
L’abstraction n’est donc qu’une autre façon de ressentir, de regarder, de recomposer ou de recréer.
Cela peut modifier notre façon de voir ou de percevoir.
C’est l’insaisissable limite entre la figuration et l’abstraction, le figuré et le suggéré
L’abstrait n’est finalement que le fruit de l’évolution ou de la métamorphose du passé


Quel regard posez-vous sur le monde actuel de l'Art ?

A ce stade des manipulations des marchés faussés de l’art, des fabrications de modes éphémères, mais exclusivement spéculatives par une poignée de financiers sans scrupules dans le monde, je demeure le plus sceptique et de la plus grande méfiance sur cette énorme usurpation que l’on a érigé au nom de l’art actuel ! Et que l’on veut nous faire avaler comme du pain béni !
L’art que l’on veut nous imposer n’est plus qu’un produit manufacturé, un effroyable marché de dupes orienté par quelques «  goldens boys des arts » faisant la pluie et le beau temps de la cote ou de la décote.
Tous les dés sont pipés et l’art ne se reconnaît plus dans cette grande entreprise multinationale où un concepteur appartenant au système fait travailler des équipes (seul aspect positif, la création de quelques emplois) sur ses projets «  concepts ».
Mais où sont les artistes, les vrais créateurs, élaborant leurs œuvres de A à Z ?
Dans cet aspect du monde de l’art actuel et de ses suiveurs de « l’art officiel » d’état ne m’intéresse pas vraiment.
A quelques exceptions particulières, car il serait absurde de faire une généralité, de bons artistes existent partout, même dans un système qui a fait de l’art une « grande putain » !


Quel intérêt portez-vous à vos contemporain?

Il me semble avoir résumé ce que j’en pense dans le chapitre précédent, mais j’oserais dire encore, qu’il est grand temps que l’on arrête de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et de cesser de faire l’apologie et de monter au pinacle comme étant l’œuvre du siècle «  un bidet souillé et ébréché perché en équilibre sur une chaise dépaillée »
Si ma mémoire est bonne, il me semble me souvenir qu’un jour le grand sculpteur Ipousteguy avait dit à propos de l’art officiel dont-il a été pratiquement exclu en France : « …/…  que si l’on voulait faire un musée d’art moderne, il suffisait simplement de construire une verrière sur une décharge publique, et le résultat escompté serait obtenu…/… »


Et pour conclure, pensez-vous que dans le domaine de la création, tout n’a pas déjà était fait, dit ? Croyez-vous qu’il y ait encore des pratiques artistiques à découvrir ?

Bien entendu que dans le domaine de la création tout a été dit, tout a été fait, ou presque depuis les époques les plus reculées, mais tout reste à transformer, à modifier, à corriger, à réinventer, l’art n’est qu’un enchainement permanent, une longue suite d’influences et de mutations. Je songe entre autres à l’art infographique où nous découvrons des réalisations absolument merveilleuses, certes nous sommes dans un domaine virtuel, mais il a l’avantage d’exister comme la photographie et nous y trouvons de réels talents.
Par contre une chose est certaine, il existe encore en parallèle au système officiel, et de plus en plus, des artistes dignes de ce nom, qui possèdent un vrai métier et l’intelligence de la main, qui reviennent à d’authentiques valeurs en restituant une signification humaine à l’art et au beau avec toutes ses différences et personnalisations.
Afin que l’art puisse donner à l’homme la clé de sa métamorphose, il s’avère nécessaire de le resacraliser !


LE SITE DE MICHEL BENARD 
(cliquer sur le lien) 
  

2 commentaires:

  1. Pas du tout d'accord sur le fait que l'art ne soit pas vital, car si l'on réduit le vital à la seule nécessité des fonctions organiques d'un être humain, on brise la dimension de l'esprit qui est en lui, et c'est une catastrophe.

    Dire "Lorsque vous êtes tenaillé par la misère, la faim, la guerre, la maladie, l’art perd de sa patine, il a peu de signification. L’essentiel de l’existence est ailleurs, le principe de survie indispensable", eh bien, ne tient pas la route.
    Nombre de personnes malades ont trouvé leur expression au travers de la peinture, combien de personnes dont la parole étouffait ont aussi par le geste trouvé un prolongement à leur corps, réussi quelques instants à laisser leurs souffrances de côté en se prenant au jeu de l'intériorité, se laissant guider dans les méandres des formes et des couleurs en une sublimation salvatrice , alors quoi ?
    De surcroît, c'est aussi nier la dimension fondamentale d'un mode d'expression qui est aussi révolte, donc arme dans un monde qui ne convient pas (et ne franchissons pas la porte de tous ceux qui, sous des jougs dictatoriaux, ont dans le plus grand secret, continuer envers et malgré tout à créer...)
    ; non, vraiment cela ne tient pas, et c'est là un vieux cliché du "culturel", me semble-t-il du moins.

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  2. Belle découverte de cet artiste et en accord sur son regard du monde de l'art d'aujourd'hui, un grand merci,Sophie, bel après midi.

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