dimanche 16 février 2014

" CERTAINES N'AVAIENT JAMAIS VU LA MER" DE JULIE OTSUKA



" L'écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l'auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis un homme qu'elles n'ont pas choisi.
C'est après une éprouvante traversée de l'océan Pacifique qu'elles rencontrent pour la première fois à San Francisco leur futur mari. Celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.
A la façon d'un chœur antique, leurs voix s'élèvent et racontent leurs misérables vies d'exilées ... leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail dans les champs, leurs combats pour apprivoiser une langue inconnue, la naissance de leurs enfants, l'humiliation des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire ... Une véritable clameur jusqu'au silence de la guerre. Et l'oubli."




 " Ils possédaient des talismans qui les protégeaient. Un bouchon rouge. Une bille de verre. Une carte postale représentant deux beautés russes déambulant le long de la rivière Songhua, envoyée par un oncle stationné en Mandchourie. Ils avaient des plumes blanches porte-bonheur qu'ils emportaient partout avec eux dans leurs poches, et des cailloux enveloppés dans des chiffons doux qu'ils conservaient dans des tiroirs - pour les prendre entre leurs mains juste un instant, le temps que s'évanouisse l'angoisse. Ils avaient des mots secrets qu'ils se murmuraient à eux-mêmes lorsqu'ils avaient peur . Des arbres préférés où ils grimpaient quand ils voulaient être seul. Que tout le monde s'en aille. Ils avaient leurs sœurs favorites entre les bras desquelles ils s'endormaient aussitôt . Des grands frères haïs avec lesquels ils refusaient qu'on les laisse seuls. Il me tuerait . Des chiens dont ils étaient inséparables et auxquels ils pouvaient confier ce qu'ils ne pouvaient dire à personne . J'ai cassé la pipe de papa et je l'ai enterrée sous un arbre. Ils avaient leurs propres règles. Il ne faut jamais dormir avec son oreiller au nord. (Hoshiko s'était endormie avec son oreiller tourné vers le nord, au beau milieu de la nuit elle avait cessé de respirer et elle était morte.)
Il avaient leurs propres rituels . Il faut toujours jeter du sel là où passe un vagabond. Ils avaient leurs propres croyances. Quand on  voit une araignée le matin, ça signifie qu'on va avoir de la chance. Si on s'allonge après avoir mangé, on se transforme en vache. Si on porte un panier sur la tête, on s'arrête de grandir . Une fleur toute seule signifie la mort.


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