vendredi 8 août 2014

CHEZ PIERRE ALBASSER ET GEHA

Avoir la chance et le grand privilège de pénétrer chez des artistes, passer une soirée chez PIERRE  ALBASSER ET GEHA découvrir les créations de l'un, de l'autre, entrevoir la concentration de PIERRE au travail, admirer le classement, les différents rangements de GEHA des dessins de son mari, par tailles, par années , se rendre compte que celle-ci a réalisé des tables basses de papiers déchirés, de petites sculptures alors qu'on ne ne connaissait que ses gravures et cet art postal remarquable qui fait la joie de ses correspondants, se régaler d'un repas et d'un menu sirène à 4 mains car ici tout se joue à deux et l'on sent et devine que c'est cette union qui rend cette force créatrice incomparable .
S'amuser de synonymes car si l'on cherche au mot travail on découvrira les mots accouchement, cheminement, besogne, mission et l'on sait que dans cette maison il y a un peu de tout cela !
Il y a beaucoup d'amour et l'amour du travail bien fait, il y a la folie des dessins de PIERRE  transfigurée par GEHA, il y a de petits dessins éparpillés qui deviennent de fabuleux petits ouvrages, il y a des classeurs entiers de merveilles colorés, il y a des petits découpages, je devrais dire des petits déchirages, de toutes sortes qui deviendront de bien belles lettres... il y a beaucoup à voir dans cette maison !































Et pour accompagner mes photos aujourd'hui ce texte de Geha datant de décembre 2012 et intitulé " Cinq kilos"  :

« Cinq kilos, le poids d’un nourrisson », déclara au téléphone l’amie et instigatrice d’une collecte auprès d’une classe d’école qui avait réuni vieux Bic, stylos et crayons rongés. Peut-on imaginer le nombre de pages frustrées de mots ou de feuilles privées de dessins enfantins ? Le destinataire du colis tomba des nues en recevant ce poupon des mains de la factrice.
La métaphore du bébé est très proche de la réalité telle que nous l’avons vécue et la vivons encore. Nous considérons la créativité (l’œuvre graphique) de Pierre comme notre deuxième enfant. C’est un gosse de vieux, issu des turbulences sociétales qui sapent les lois anciennes. Pour notre couple, c’est la mère qui sema la petite graine que le père porteur accoucha sur son lit de couleurs. Le calendrier affichait l’année 1992.
Au début, une boîte à chaussures suffisait comme couffin d’où sortait son premier babillage, des miniatures naïves finement tracées. Le bébé se faisait les dents sur des Bic bleus ou rouges, parfois vert épinard, pour inventer ses petits mots à lui, déposés sur des cartons aux dimensions réduites. Ne pas oublier les renforts cartonnés, maintenant disparus, des tablettes de chocolat, des délices d’invention graphique.
Ensuite, j’ai proposé d’autres saveurs à tester, par exemple un assortiment de stylos feutre aux teintes vives. Moue dubitative avant de consommer en cachette. Cette habitude, d’œuvrer en secret avant de dévoiler le résultat, perdure.
L’enfant s’est développé sans histoires hormis celles mises en images. On pouvait juste lui trouver une certaine instabilité. Car après des moments de calme application venaient des périodes d’agitation bruyante, celles-là suivies de phases d’une nonchalance enjouée. Fallait-il intervenir et brider cette insouciance féconde, lui imposer un maintien de bienséante singularité ou lui inculquer la monoculture, ce mirage de la reconnaissance ?
Je me suis mise à trier et à ranger son bavardage ininterrompu : au moins un grand classeur de bureau par an pour une sélection de petits formats. Avec le septième millésime, comme pour marquer le passage à l’âge de la raison, le Musée de Bègles invita Pierre à montrer son travail. Ce fut l’entrée à la grande école, la grande émotion. Cet évènement fut un encouragement à persévérer, aussi et surtout pour moi qui sentais dans les dessins une force que seule une liberté totale peut faire naître.
Le môme a fait les quatre cents coups et même d’avantage. Aux classeurs conservant les petits dessins se sont joints des books avec la crème des formats plus importants. Certains supports dépliés dépassent largement les contenants choisis. Pour ses dix ans, nous lui avons offert une collection de bandes dessinées : les «  éditions banales » créées en 2002. Ces tout petits livres, montages de bandes de papier pliées, contiennent les perles de son imagination graphique, assorties à quelques mots malicieux.
L’âge ingrat venu, le gars en a fait voir de toutes les couleurs. Telles les éruptions acnéiques, il laissait surgir des images déroutantes, à renfort d’encres pour imprimantes par exemple. Les gens avertis lui fournissaient tant de rebuts censés pouvoir encore servir pour dessiner. L’encre en question est très fluide et elle sèche tellement vite. Il faut l’appliquer sans hésiter, tracer sans réfléchir et l’image jaillit, forcément, du ventre. Comme la lave d’un volcan. Un ami lointain l’appelle d’ailleurs gentiment Monsieur Volcano. Après ses crises de colère, il retrouve vite sa vraie nature qui est douce et tendre comme un crayon Lyra.
Le jeune homme s’est musclé, il a pris du poids et de l’envergure. Il est devenu plutôt envahissant : les archives débordent jusque dans mon bureau, sa production occupe les murs de la maison, ses sous-verre garnis encombrent les placards. On dirait un coucou qui veut toute la place dans le nid.
Par souci de pérennité, les vieux parents songent à lui trouver une fiancée, c’est-à-dire un musée ou une collection acceptant une donation (dot ?) assez importante de ces travaux. Jusqu’à maintenant ont passé que des amourettes, avec deux naïves dont l’une à Nice et l’autre à Laval.
J’en suis à la fois déçue, pour lui, et soulagée. Il me serait très pénible de me séparer de ce trésor que constitue l’œuvre graphique cachée entre nos murs – et qui pèse des tonnes d’émotions."




Ce  texte a été tiré à 15 exemplaires en janvier 2013 avec des illustrations de Pierre, il se trouve dans la maison d'édition L'Amateur .

PIERRE ALBASSER ET LES GRIGRIS DE SOPHIE

(cliquer sur le lien)

Les photos des dernières créations de PIERRE demain sur les Grigris !


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