Au début du XXe siècle en Islande, Karitas, jeune femme issue d’une
famille modeste, jure qu’elle sera seule maîtresse de son destin. Vouée à
saler le poisson comme ses sœurs, elle rêve de changer de vie et de
devenir peintre. Entre ses espoirs et la dure réalité de la vie, Karitas
s’acharne et construit sa vie, laissant vibrer les premiers cris
féministes d’un pays où la tradition est un manifeste.
Née en 1949 en Islande, Kristin Marja Baldursdottir est l’auteur de quatre romans, d’un recueil de nouvelles et d’une biographie. Karitas, sans titre est son premier roman traduit en français.
Le soleil émerge de la mer.
La surface de l'océan est rouge acajou.
Le ciel violet foncé.
Les deux couleurs s'illuminent, si lentement que nous ne le percevons pas, mais nous sentons combien notre esprit devient de plus en plus clair à chaque minute, jusqu'à ce qu'il nous abandonne, aspiré par un rayon qui s'est formé sur la mer étale, se précipite à une vitesse vertigineuse dans cette boule d'or rouge en fusion.
Le bonheur emplit nos cœurs.
(...) Le matin est doux et délicieux.
Puis le soleil se lève, majestueux, comme un prince de conte de fées qui s'éveille d'un enchantement.
Le fjord et les montagnes deviennent des pierres précieuses.
Nous sommes comme hypnotisés, osons à peine respirer tant que se déroule ce somptueux spectacle de création du monde.
Enfin je bouge la tête, regarde la campagne vers l'intérieur du fjord, vois la citadelle des elfes flamboyer, notre maison orange près de l'estuaire et mon linge sur les fils, jaune doré et enjoué.
Nous réalisons combien tout a été dur pour nous trois, et nos yeux se remplissent de larmes. Malgré tout, nous avons surmonté chaque épreuve. Orphelines de père, lutté aux côtés de notre mère, supporté les accès de folie de la fille de ferme, regardé notre maison se dissoudre, croupi des jours entiers dans une cale nauséabonde, vomi tripes et boyaux, dormi dans un grenier à poisson tout un été, souffert le martyre à cause des plaies du hareng, de l'eau et du froid, perdu le meilleur parti des Fjords de l'Ouest, et nous sommes encore debout, droites comme des falaises dans l'océan glacé. N'avons jamais émis une plainte, jamais murmuré, mais aujourd'hui, c'est le moment de le faire, et qui sait quel avenir nous attend toutes trois, aurons-nous jamais un bon mari et des enfants comme toutes les femmes normales? Sommes nous condamnées par notre destin à nous sacrifier? Comme nous l'avons fait. Par obéissance envers notre mère.
Le chaos arrive, il est tout au fond de moi, il viendra lorsque j'aurai pu peindre longtemps en étant seule avec moi-même.
Tu partiras vers l'art. Il t'a appelée. Ce sera un long voyage, et sur ta route se trouveront trolls et embûches. Et lorsqu'enfin tu atteindras la montagne bleutée qui s'élève, magnifique, au milieu des autres massifs bleu-noir, tout se refermera derrière toi et tu seras prisonnière à vie. Mais cette captivité t'apportera souvent plus de bonheur que la liberté.
Née en 1949 en Islande, Kristin Marja Baldursdottir est l’auteur de quatre romans, d’un recueil de nouvelles et d’une biographie. Karitas, sans titre est son premier roman traduit en français.
Le soleil émerge de la mer.
La surface de l'océan est rouge acajou.
Le ciel violet foncé.
Les deux couleurs s'illuminent, si lentement que nous ne le percevons pas, mais nous sentons combien notre esprit devient de plus en plus clair à chaque minute, jusqu'à ce qu'il nous abandonne, aspiré par un rayon qui s'est formé sur la mer étale, se précipite à une vitesse vertigineuse dans cette boule d'or rouge en fusion.
Le bonheur emplit nos cœurs.
(...) Le matin est doux et délicieux.
Puis le soleil se lève, majestueux, comme un prince de conte de fées qui s'éveille d'un enchantement.
Le fjord et les montagnes deviennent des pierres précieuses.
Nous sommes comme hypnotisés, osons à peine respirer tant que se déroule ce somptueux spectacle de création du monde.
Enfin je bouge la tête, regarde la campagne vers l'intérieur du fjord, vois la citadelle des elfes flamboyer, notre maison orange près de l'estuaire et mon linge sur les fils, jaune doré et enjoué.
Nous réalisons combien tout a été dur pour nous trois, et nos yeux se remplissent de larmes. Malgré tout, nous avons surmonté chaque épreuve. Orphelines de père, lutté aux côtés de notre mère, supporté les accès de folie de la fille de ferme, regardé notre maison se dissoudre, croupi des jours entiers dans une cale nauséabonde, vomi tripes et boyaux, dormi dans un grenier à poisson tout un été, souffert le martyre à cause des plaies du hareng, de l'eau et du froid, perdu le meilleur parti des Fjords de l'Ouest, et nous sommes encore debout, droites comme des falaises dans l'océan glacé. N'avons jamais émis une plainte, jamais murmuré, mais aujourd'hui, c'est le moment de le faire, et qui sait quel avenir nous attend toutes trois, aurons-nous jamais un bon mari et des enfants comme toutes les femmes normales? Sommes nous condamnées par notre destin à nous sacrifier? Comme nous l'avons fait. Par obéissance envers notre mère.
Le chaos arrive, il est tout au fond de moi, il viendra lorsque j'aurai pu peindre longtemps en étant seule avec moi-même.
Tu partiras vers l'art. Il t'a appelée. Ce sera un long voyage, et sur ta route se trouveront trolls et embûches. Et lorsqu'enfin tu atteindras la montagne bleutée qui s'élève, magnifique, au milieu des autres massifs bleu-noir, tout se refermera derrière toi et tu seras prisonnière à vie. Mais cette captivité t'apportera souvent plus de bonheur que la liberté.
il faut absolument que je lise ce livre...tu sais vraiment nous mettre l'eau à la bouche, merci Sophie!
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