jeudi 8 décembre 2016

LA DANSE MACABRE DE LA FERTE-LOUPIERE





 


 













"Durant l’époque mérovingienne, la peste s’était répandue dans toute l’Europe mais avait ensuite totalement disparue aussi bien en Occident qu’en Orient. En 1346, après six siècles d’absence, elle ressurgit dans la région de la mer Noire. En effet, à Caffa, Mongols et Génois s’affrontent. Au cours du siège, les Mongols, atteints de la peste contaminent les Génois. En regagnant Constantinople, les Italiens propagent à leur tour la maladie. Cette dernière se diffuse à Messine, puis à Marseille par l’intermédiaire de galères qui débarquent en novembre 1347.
Dévastatrice, la peste qui prend la forme pulmonaire, emporte des dizaines d’habitants du port méditerranéen.
De Marseille, le fléau se répand vers le reste du pays et bientôt vers toute l’Europe. La peste atteint Paris en juin 1348 puis elle touche le sud de la Grande-Bretagne et la Flandre.
L’hiver apporte une accalmie puis la progression reprend dès le printemps 1349. Cette épidémie tue beaucoup et est d’autant plus problématique qu’elle est récurrente. La pandémie de 1348 n’est que la première apparition d’un fléau qui va revenir à intervalles réguliers tous les dix ans environ, durant plus d’un siècle.
Les populations n’ont pas conscience que le mal dont elles souffrent est dû à des causes naturelles. Elles y voient un signe de la colère de Dieu et cherchent des responsables. Inévitablement, les groupes marginaux de la société sont désignés comme victimes expiatoires. Les Juifs sont les premières cibles de cette colère. Accusés d’avoir empoisonné les puits, ils font l’objet de massacres répétés en France, en Suisse et en Allemagne.
Les catholiques organisent des pèlerinages pour conjurer l’ire divine. Les «flagellants », adeptes de la pénitence et de la flagellation en public, font leur apparition.  Le pape Clément VI incite les fidèles à plus de modération et condamne les flagellants en octobre 1349.
La peste fait disparaître en quelques mois, entre un tiers et la moitié de la population européenne. Une estimation plus précise est difficile. Seuls les registres de baptêmes et des enterrements a permis de prendre la mesure du désastre. Mais tous les calculs aboutissent à un minimum de 40% de décès dans chaque village.
Les plus riches et les mieux nourris sont moins touchés par le fléau. Le plus grave est que les enfants sont emportés en priorité ce qui aura de graves conséquences sur la démographie pour les années à venir. La maladie fait d’autant plus de ravages qu’elle touche une population qui souffre déjà de la famine et de la guerre.
En ce siècle de troubles, la mort est omniprésente. Du point de vue économique, les conséquences de la peste sont très graves. Faute d’hommes, il y a une totale désorganisation de la production. Les champs sont en friche et des villages entiers abandonnés. La main d’œuvre se raréfie partout et si il y a une hausse des salaires, il y a également une hausse de l’inflation.
Il faudra attendre la seconde moitié du XVe siècle pour que l’impact du fléau soit en partie réparé. Mais la mort reste présente partout dans la vie quotidienne et la vie religieuse. C’est de cette époque que date la fameuse danse macabre qui orne les murs de l’église de la Ferté Loupière. La mort est présente partout dans la vie quotidienne et la vie religieuse. Son église abrite la plus célèbre fresque murale de la Puisaye, l’une des treize danses macabres que l’on connaisse en France.

C'est en 1424 qu'est peinte la première danse macabre sur les murs du charnier du cimetière des Saints Innocents à Paris. Le charnier  a été détruit en 1669, et les corps du cimetière transférés aux Catacombes, juste avant la révolution française.  L'imprimerie inventée par Gutemberg en 1454, ne va pas tarder à la faire diffuser, d'abord en France puis dans toute l'Europe, puisqu'en 1485 l'éditeur parisien Guyot Marchant reproduit sur papier la danse macabre des St Innocent avec son texte en français. D'autres éditeurs publient des danses macabres, en particulier Lerouge, imprimeur vers 1500 à Chablis dans l'Yonne, puis installé à Troyes en1510.
Après la dernière édition de Nicolas Le Rouge (1531), on ne retrouve pas de trace de la Danse macabre à  Troyes jusqu’à ce qu’elle apparaisse dans certains inventaires de stocks de libraires, à partir de 1623. La plus ancienne édition de colportage conservée date de 1641. Après cette date, elle sera constamment rééditée par les deux grandes familles rivales d’imprimeurs de la Bibliothèque bleue, les Oudot et les Garnier, et par leur successeur Baudot, jusqu’en 1840. Même si le texte est progressivement retouché, si les bois sont remplacés au fur et à mesure qu’ils deviennent inutilisables, le modèle initial resta ainsi presque inchangé pendant près de quatre siècles.
Les femmes, exclues dans les premières danse macabre, apparaissent dans le courant du XVIe siécle et ont même leur propre danse macabre, reproduite dans l'ouvrage de Lerouge.

La danse macabre de La Ferté Loupière

C'est à partir de ces livres, comme modèle, que sont peintes sur les murs des églises des danses macabres. Celle de la Ferté Loupière est la copie conforme, en plus petite, de celle reproduite par Lerouge

Dans l'édition de Lerouge la danse macabre représente 32 couples mort-vif
alors que celle de La Ferté n'en compte que 19 couples. En sont absents les personnages figurant au milieu de la danse macabre, représentant le clergé intermédiaire et la haute bourgeoisie qui naturellement n'étaient pas présente à l'époque à La Ferté Loupière.
Outre cette absence, il y a 3 différences avec l'édition papier,:
-le roi représenté sous les traits de François 1er
-  le duc habillé également en costume d'époque
-  -la danse macabre est ouverte par 3 squelettes sur le mur contre 4 dans l'édition papier.

L'église de la Ferté Loupière dédiée à St Germain, fut construite au XII siècle et subit un certain nombre d'aménagements au XV è et XVI è siècle, en particulier, par la volonté de Pierre de Courtenay et de son épouse Perrine de la Roche entre l'année de son mariage, 1471,  et celle de sa mort 1504. C'est au cours de ces trente trois années que le mur intérieur nord de cette église fut décoré de peintures, réalisés sur enduit sec, ultérieurement recouvertes de badigeon, puis mise à jour, en 1910, par le marquis de Tryon-Montalembert et par l'abbé Mertens. Ces peintures ont été retaurées en 1953.
L'église de St Germain comporte 4 peintures murales:
- Le Dict des Trois Morts et des Trois Vifs, thème fréquemment représenté dans les églises de Puisaye, 
- La Danse Macabre qui se déroule, sur près de vingt cinq mètres, son cortège de vivants escortés par la Mort, suit le Dict des Trois Morts et des Trois Vifs.
- Saint Michel terrassant le démon, en dessous de la danse macabre

- la Vierge de l’Annonciation, en dessous de la danse macabre


La Danse Macabre
La Danse Macabre suit le "Dict des trois morts et des trois vifs". Elle court sur 25 m de mur et met en scène 42 personnages. Cette danse macabre du XVe siècle (des squelettes entraînent des hommes dans leur ronde) avait choqué parce qu’elle plaçait tout le monde à égalité face à la mort, ecclésiastiques comme gens du peuple. Le pape l’avait donc fait recouvrir. Résultat : la fresque a traversé les siècles sans trop d’encombre.

De gauche à droite : Sous un arc, l'auteur assis écrit sur un parchemin. Trois squelettes musiciens jouent respectivement de la cornemuse, de l'orgue portatif et de la harpe. Ensuite suivent 19 couples mort-vif. Nous avons complété leur représentation de la peinture murale par le texte figurant sur la réédition de Lerouge de 1700 accolé à chaque couple, dialogue entre la mort et le personnage , avec en dessous la représentation du couple sur l'ouvrage de Lerouge pour voir la ressemblance. A remarquer que la peinture murale de la Danse Macabre de La Ferté Loupière, ne respecte pas toujours la règle d'un  homme de robe suivi d'un laïque, qui est systématique dans l'édition de Lerouge.

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Merci Jean-Christophe Humbert pour cette belle idée de visite !


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