vendredi 14 décembre 2018

APOLLINE LEPETIT DANS UNE INTERVIEW DE JEAN-PAUL GAVARD-PERRET


Les photos d'APOLLINE LEPETIT ont rencontré la plume de JEAN-PAUL GAVARD-PERRET.
Voici aujourd'hui sur les Grigris quelques photos présentées dans l'exposition "PHOTOSCOPIE" organisée par Ghislaine Verdier de l'Oeil de la femme à barbe et cette interview ..


Avec des photos d’oeuvres de : Gabriel Albert, Pascal Audin, Rebecca Campeau, Danielle Marie Chanut, Bertrand Chenu, Chop, Évelyne Dantel, Prosper Gilis, Danielle Jacqui, Bodan Litniànski, Robert Mathey, André Pailloux, Ghyslaine et Sylvain Staëlens.













Apol­line Lepe­tit mélange une forme de sacré et sa pro­fa­na­tion pour atteindre des prin­cipes de vie aux pro­fon­deurs cachées. Le monde créé par l’artiste devient oni­rique, fabu­leux là où tout part de rebuts et de restes ou de choses vues et scé­na­ri­sées à par­tir de situa­tions de la vie quo­ti­dienne pimen­tées de réflexions en insert sur l’image et l’existence. De chi­nages d’objets, de scènes “fic­tion­nées” ou à tra­vers des errances et voyages se crée une expé­rience inté­rieure intime et mythique.
L’image se démul­ti­plie en par­tant de reliefs qui s’ouvrent à des mys­tères les moins fré­quen­tés. Chaque « objet » est reca­dré par la pho­to­gra­phie. Apol­line Lepe­tit entre­prend d’ouvrir l’espace clos ou oublié et de libé­rer une vision enfer­mée. Existe donc une mise en scène autour et dans l’image, afin de la sor­tir de ses limites pas­sées. L’artiste crée une marge à côté du réel tel qu’il est. Y appa­raissent des « trous » de lumière. Ils redes­sinent les formes issues de objets comme les situa­tions. De telles pro­po­si­tions répondent à une vision réti­nienne proche de la mémoire immé­diate du réel, mais elles res­semblent autant voire plus aux phos­phènes qui per­turbent notre per­cep­tion visuelle en un tel art sin­gu­lier et hors norme.


Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Un objec­tif pré­cis et moti­vant pour ma jour­née. Je suis réso­lu­ment noc­turne et le matin est dif­fi­cile pour moi, j’ai du mal à cou­per le fil de mes rêves, je veux tou­jours avoir la suite de ce « feuille­ton » même si je sais que je n’en gar­de­rai aucune trace au réveil.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils ont tou­jours eu trait à l’art mais ils ont régu­liè­re­ment évo­lué. Je sou­hai­tais être écri­vain, je ne pense pas m’en être tota­le­ment éloi­gnée, seule­ment j’écris aujourd’hui en images plu­tôt qu’avec des mots; je n’exclus pas de reve­nir à cette pre­mière passion.

A quoi avez-vous renoncé ?
Je tâche de renon­cer à mon désir de per­fec­tion, il me para­lyse plus qu’il ne m’apporte.

D’où venez-vous ?
D’une famille qui m’a beau­coup apporté et tou­jours soutenue.

Qu’avez vous dû “pla­quer” pour votre tra­vail ?
Pour le moment, rien du tout, j’ai la chance d’être libre et de pou­voir expé­ri­men­ter sans rien sacri­fier, c’est très enrichissant.

Com­ment définiriez-vous votre approche des objets (qui deviennent ceux de votre désir de les « scé­na­ri­ser ») ?
J’ai une approche très sen­sible aux objets, j’aime les obser­ver au plus près, cher­cher l’angle juste, sai­sir les détails ; si je devais avoir un pou­voir, je rêve­rais de pou­voir connaître leur his­toire et ce qu’ils ont tra­versé rien qu’en les tou­chant. Je suis atten­tive aux cou­leurs avant tout mais éga­le­ment aux matières, j’aime les objets qui ont vécu et qui portent les marques du temps : cra­que­lures, brû­lures, pein­ture écaillée, végé­ta­tion qui sur­git d’une fis­sure… Ce qui est neuf et lisse ne raconte pas d’histoire.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
J’aime à pen­ser que mon regard est unique et qu’il a de la valeur. Je fais pas­ser mon ins­tinct, ma sen­si­bi­lité et mon sens esthé­tique avant la maî­trise tech­nique. Je n’ai pas attendu d’avoir les outils les plus per­for­mants et les connais­sances théo­riques les plus abou­ties pour réa­li­ser ces images, elles gardent une part de spontanéité.


Où tra­vaillez vous et com­ment?
En pho­to­gra­phie, tout est affaire de ren­contres : ren­contre avec un objet, un endroit, une per­sonne… Autre­fois, j’étais plu­tôt en errance, à la recherche d’un objet qui cap­te­rait mon regard, j’allais par­tout avec mon appa­reil photo.
Avec mon tra­vail sur l’art hors-les-normes, la situa­tion est dif­fé­rente : l’errance devient par­cours, ma mère orga­nise notre périple et nous par­tons ensemble à la ren­contre de ces lieux inso­lites et de ces per­sonnes excep­tion­nelles, ce n’est plus du tout une expé­rience soli­taire. Je tâche de gar­der une trace de ces lieux magni­fiques qui évo­luent sans cesse et dis­pa­raissent par­fois, mais ce n’est pas un tra­vail docu­men­taire pour autant…

Quelles musiques écoutez-vous ?
Je suis assez éclec­tique, mais j’écoute énor­mé­ment de bandes ori­gi­nales de films : j’aime les musiques ins­tru­men­tales qui per­mettent à mon ima­gi­na­tion de vaga­bon­der, de me racon­ter des his­toires, de res­sen­tir des émo­tions fortes. J’écoute et je chante aussi beau­coup de vieilles chan­sons fran­çaises, musiques de ma mère qui m’accompagnent depuis l’enfance. J’ai décou­vert plus tar­di­ve­ment mais avec délice le rock et le métal, j’aime quand il se mêle de folk… Ma plus grande révé­la­tion musi­cale de ces der­niers mois est Hei­lung, c’est la pre­mière fois que j’ai pleuré pen­dant un concert.

Quel film vous fait pleu­rer ?
J’ai mis beau­coup de temps à pleu­rer devant les films, je trou­vais même cela un peu ridi­cule, autre­fois ! Ça m’est arrivé pour la pre­mière fois à 15 ans et depuis je pleure régu­liè­re­ment devant toutes sortes de films, comme si ça avait ouvert une vanne et que je m’autorisais enfin cette émo­tion… J’ai aussi com­mencé à étu­dier le cinéma à cette période, j’ignore si ça a par­ti­cipé à déve­lop­per ma sen­si­bi­lité cinématographique.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
N’importe quel livre de Pierre Bot­tero. Cet auteur a pro­fon­dé­ment mar­qué mon ado­les­cence, ces écrits m’ont accom­pa­gnée et donné de la force quand j’en avais le plus besoin, ils réson­naient pro­fon­dé­ment avec ma sen­si­bi­lité. Son décès acci­den­tel m’a bou­le­ver­sée, je ne sau­rais pas dire à quel point, j’ai eu l’impression de perdre un sou­tien pré­cieux et les livres qu’il a lais­sés sont en quelque sorte deve­nus ma béquille pour plu­sieurs années…

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La Bre­tagne, plus pré­ci­sé­ment le Finis­tère. C’est un endroit qui m’évoque la mer, des rochers aux formes mys­té­rieuses, que j’associe à des sou­ve­nirs d’enfance et à des contes, comme la légende du roi Marc’h.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Du maté­riel tech­nique pour réa­li­ser des films sur les artistes dans les meilleures condi­tions. Je peux faire sans, je ferais mieux avec !

Que défendez-vous ?
Je suis fémi­niste et je le reven­dique. Je suis sen­sible aux injus­tices et l’une de mes pre­mières révé­la­tions à ce sujet, c’est l’absence des femmes dans mon édu­ca­tion artis­tique : où sont les autrices, les femmes peintres, les sculp­trices, les réa­li­sa­trices dans mes cours d’art, de cinéma et de lit­té­ra­ture ? J’aime énor­mé­ment les ini­tia­tives comme les Jour­nées du Matri­moine, qui rap­pellent que les femmes sont créa­trices, qu’elles ont plei­ne­ment par­ti­cipé à l’Histoire.
L’art hors-les-normes m’a aussi per­mis de croi­ser la route de femmes fortes et affir­mées, dans leurs créa­tions comme dans leurs vies.
Elles sont mon inspiration.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je trouve qu’elle condamne à voir l’amour comme quelque chose de dou­lou­reux, ça ne me convient pas, je pré­fère envi­sa­ger l’amour comme un par­tage, quelque chose d’épanouissant, où l’on peut gran­dir ensemble… S’oublier au pro­fit de l’autre n’est pas for­cé­ment une preuve d’amour, c’est même plu­tôt un bon départ pour une rela­tion toxique.

Et celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Cette cita­tion ne m’évoquait rien. J’ai cher­ché sa ver­sion anglaise… la phrase pro­non­cée par Woody Allen la plus proche que j’ai pu trou­ver en anglais est « I don’t know the ques­tion, but sex is defi­ni­tely the ans­wer. » (« Je ne connais pas la ques­tion, mais le sexe est assu­ré­ment la réponse »)
Si j’ai eu besoin de cher­cher, c’est pro­ba­ble­ment parce que je ne fai­sais pas confiance à Allen pour com­men­cer… main­te­nant je sais que je ne fais pas confiance aux tra­duc­teurs non plus ! Je pense que je pré­fère les ques­tions et les recherches aux réponses automatiques.

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés pour lelitteraire.com, le 29 novembre 2018.




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L'INTERVIEW DE JEAN-PAUL GAVARD PERRET


PHOTOSCOPIE ET LES GRIGRIS DE SOPHIE 


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D'autres photos d'APOLLINE LEPETIT seront présentées à LA FABULOSERIE PARIS dans le cadre de l’exposition de DANIELLE MARIE CHANUT 52 rue Jacob à Paris jusqu'au 10 janvier 2019

"A l’origine des livres détournés, la rencontre fortuite entre une créatrice espiègle et une planche d’anatomie trop abiméee pour être vendue. Pendant des jours dans son atelier Danielle Marie assemble, coupe, triture, colle : cuir, papier, sable, coquillages, os, objets divers ramassés tout au long d’une vie d’antiquaire « collecteuse ». Le premier livre-sculpture était né.
Un livre détourné de son chemin de livre, un livre sublimé."








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