*** ALAIN LACOSTE
Alain LACOSTE Colle-porteur d’Images
Des
œuvres d’Alain LACOSTE furent présentées lors de la 12ième édition de ce festival « Art et
Déchirure », au printemps 2010. Depuis, suite à des problèmes de santé et
familiaux, il n’a plus exposé son travail. Cette 17ième édition du
festival est donc une belle opportunité pour redécouvrir ses petites coulures et ses grandes colleries.
Depuis
son enfance, Alain Lacoste a toujours eu plaisir à dessiner. Au début des
années soixante-dix, il se lance dans la peinture, avec ses Delvautions, en référence au peintre
belge Paul Delvaux. En 1980, il rencontre l’artiste mayennais Robert Tatin qui
l’incite à développer une œuvre plus personnelle. C’est le début d’une
production foisonnante qui durera plus de 30 ans ! Au fil des années ses
œuvres vont envahir son atelier tel un cocon. Déçu de la non reconnaissance de
son travail par les institutions artistiques (Musées, FRAC, etc.), son atelier
va devenir sa tanière.
« Je me suis trop souvent brûlé les ailes aux
vitrines des m’as-tu- vu… Et puis les artistes ne sont pas faits pour amuser la
galerie ! »
Michel Leroux
(Septembre
2019)
*** CAROLINE DAHYOT
La mer, affamée de falaise, lèche l’immense plage qui fait suite à cette ultime bravade de terre, cette poitrine dérisoire de calcaire lardée de silex, sur laquelle, plantant ses racines de béton, est la maison de CAROLINE DAHYOT.
Lovecraft aurait pu être inspiré par cette courbe sans fin qui suit l’affaissement des collines cauchoises, là où la Normandie meurt au pied de la Picardie. Il nous aurait parlé de la respiration de cette eau, de sa dangereuse caresse, de ses vagues incessantes guettant le moment.
CAROLINE DAHYOT parle d’amour et couche sans repos, vague après vague sur le kraft encollé d’images et nourri de teintes où vivent ses personnages, ses histoires de tendres rencontres, de citadelles tombées en douce pâmoison, de cœurs palpitants et d’animaux de conte de fée.
CAROLINE DAHYOT, qui a la voix douce et l’écoute attentive et craintive, est une militante implacable: ses vignettes portent son discours et font penser aux images reçues en échange de « bons points » dans une école de blouses et de tableau noir et rappellent celles qui imageaient nos provinces et le bonheur d’y vivre. Les vignettes de Caroline parlent de « l’aimable vivant » qu’il soit plante, animal ou humain et même air et eau et sont comme un écho au roman de Christiane Rochefort « Encore heureux qu’on va vers l’été ».
Texte Pierre Gentès lors de l’exposition à la Galerie Le 75
*** ANGÈLE RIGUIDEL
Née en 1970 à Lisieux, titulaire du Bac arts appliqués et BTS stylisme, elle a parallèlement suivi des cours de sculpture, de peinture, et de gravure.
Depuis 2001 elle démonte, recycle, détourne, assemble... dans un but lumineux: donner une autre vie, une dernière chance à tous ces objets qui sont souvent jetés, délaissés, qui n’ont plus leur place dans notre société.
Chaque objet est préservé, observé, pour lui trouver la meilleure mise en valeur possible sans camouflage. Elle les laisse s’exprimer, se faire écho, elle essaie de trouver des associations d'objets qui fonctionnent entre eux pour garder une cohérence de matière et de forme, physique et mécanique. Comme pour un puzzle l'assemblage se fait naturellement, le montage électrique fait partie intégrante de cette construction, tout en gardant en tête le souci du détail et une certaine finesse.
Et c’est une autre histoire qui se raconte, elle se dit médiatrice-bricoleuse de ces objets qui ont tant à dire.
Au départ, elle utilisait principalement les métaux et le verre, l'usage des matériaux s'est élargi au plastique, bois, papier, carton... chaque matière ouvre sur un nouvel univers.
L'expérimentation, l'envie de tester des associations avec ces objets qui lui tiennent tant à cœur, après tout ce temps, est devenue une addiction.
Elle a une approche matérialiste, certainement, dans une société qui consomme trop et trop vite, mais elle a aussi un lien affectif avec tous ces objets qui nous ont aidés et accompagnés tout au long de notre vie, sa démarche constitue aussi une tentative de retenir ce temps qui passe trop vite. Elle crée une cohérence entre sa nature humaine conservatrice et bordélique avec une activité constructive et créative, sensible aux problèmes d'énergie et de société.
Elle a une approche curieuse vis-à-vis de chaque objet, sans a priori. On remarque un cheminement néanmoins, les objets ne se racontent pas de la même façon dans le temps, la manière dont elle appréhende les mêmes objets entre le début de sa démarche et aujourd'hui a évolué. Il y a une chronologie qui a son importance également dans la globalité de son travail : chaque pièce a sa place.
La poésie issue de ces objets est perçue par les personnes sensibles, qui aiment se plonger dans l’enfance, être interpelées, amusées et émues.
Louise Simon
*** CATHERINE LEGRAND
L’errance
L’errance est le fil de mes obsessions, elle me fait me perdre et me retrouver sans cesse. Comme moi, mes personnages sont en constants déplacements, ils errent dans leur propre histoire, on ne sait s’ils sont en fuite ou bien en quête.
Orienté vers l’art officiel, mon travail a d’abord été conforme à l’enseignement que j’avais reçu dans les écoles d’art… Mais mon chemin m’a conduit très tôt vers un hôpital psychiatrique, tout d’abord comme artiste, puis comme art thérapeute. C’est à ce moment là que l’art singulier s’est imposé à moi, comme une évidence. La psychanalyse avait, elle aussi, croisé mon chemin.
J’ai choisi de m’exprimer autrement, en laissant des mains à l’ouvrage, inspirées par les matières et animées par une forte nécessité intérieure, d’aller de la mise en forme à l’idée et non de l’idée vers la mise en forme… Sans doute la Gelstaltung de Hans Prinzhorn.
Catherine Legrand
*** MIGAS CHELSKY
MA DÉMARCHE
Je viens du collage et pour cette raison, je me sens bien plus à l’aise à devoir rassembler et ordonner des éléments épars dans une composition esthétique qu’à démarrer un tracé sur une toile immaculée (pratique que j’adopte pourtant avec mes dessins que j’entreprends toujours de manière aléatoire).
J’aime les amoncellements de vieux éléments (objets qui ont vécu ou détritus émouvants), les boîtes à trésors, les greniers, les brocantes, voire les poubelles.
Je suis fasciné par les matières fatiguées, patinées : la ferraille attaquée par la rouille (qui donne des couleurs si extraordinaires !), le bois, le cuir etc.
Quand je réalisais mes photomontages, je puisais dans des piles de revues, des boîtes de photos ou de morceaux de photos classés arbitrairement par thèmes ou par couleurs, des éléments que je tentais de rapprocher pour qu’il se passe quelque chose au niveau du sens et de l’esthétique. Cela se faisait en suivant une idée ou en la recherchant.
Aujourd’hui, je fabrique des maisons délabrées, abandonnées, isolées sur et avec du carton ondulé. J’aime ce matériau pour sa « générosité » : sa matière et ce qu’il m’offre quand il est dénudé, lacéré, froissé, percé… et puis il y a de la dérision dans ce carton !
A côté des maisons, je crée des êtres hybrides avec mes dessins, des personnages grotesques composés de bric et de broc avec mes figurines et mes masques assemblés de matériaux divers.
Je travaille sur des thèmes que j’essaie d’explorer à la frontière de la réalité et de l’imaginaire en adoptant, au départ, des images simples enfantines comme les bonshommes, les maisons, les arbres…
*** ERIC DEMELIS
Le terrain de jeu d’Éric Demelis se situe
aux limites, en lisière de plusieurs univers : ni art savant ni produit
d’une quelconque expression art-brutiste, ni bande dessinée ni
dessin classique, ni réaliste ni onirique, ni drolatique ni sérieux… et,
cependant, quand même un peu tout ceci à la fois… Ce sont cette
indéfinition définitive et cette instabilité essentielle qui nous
attirent et nous captivent. On pressent que ses compositions sont
porteuses de sens mais le décryptage en est difficile. On soupçonne
cependant une logique inflexible derrière tous ces montages, un peu à la
façon dont Raymond Roussel construisait ses récits. Mais les rails en
mou de veau portant la statue de l’ilote en baleines de corset fuient
dès que l’on s’efforce d’en appréhender la signification…
On décèle, dans les dessins d’Éric Demelis, qu’ils soient réalisés en solo ou en duo, la manifestation d’angoisses sous-jacentes, de peurs refoulées, qui s’enracinent dans les mythes et les nostalgies d’un passé plus ou moins distant. Ils révèlent la difficile expérience d’une vie, en perpétuelle tension entre être et paraître, entre agir et observer, entre implication et contemplation, ce qui faisait dire à Sartre : « La vie, c’est une panique dans un théâtre en feu. » Et quand il faut sauver les meubles devant la menace de l’incendie, l’artiste fait le choix de se retirer avec ses fantasmes et ses regrets plutôt que de prendre le risque de repartir d’une page blanche.
On décèle, dans les dessins d’Éric Demelis, qu’ils soient réalisés en solo ou en duo, la manifestation d’angoisses sous-jacentes, de peurs refoulées, qui s’enracinent dans les mythes et les nostalgies d’un passé plus ou moins distant. Ils révèlent la difficile expérience d’une vie, en perpétuelle tension entre être et paraître, entre agir et observer, entre implication et contemplation, ce qui faisait dire à Sartre : « La vie, c’est une panique dans un théâtre en feu. » Et quand il faut sauver les meubles devant la menace de l’incendie, l’artiste fait le choix de se retirer avec ses fantasmes et ses regrets plutôt que de prendre le risque de repartir d’une page blanche.
Louis Doucet, août 2015
*** CHRISTOPHE
« Regarder une œuvre d’art demande des efforts d’abandon même si les sculptures de Christophe fluides et épurées ne semblent pas à première vue requérir cette peine. Mais il
n’existe pas de style simple.
De ses virées chez les ferrailleurs, les vignerons, les scieries, les forêts, les barrages, les carrières ou sur la plage, il glane cette matière si diverse, usée, salie, rongée, abandonnée, familière et reconnue avec laquelle il dévoilera la poésie d’un monde vivant, invraisemblable et proche de la réalité. Christophe sculpte, soude, lime, bois et métaux érodés, assemble les matériaux insolites, fossiles surgis d’une émotion lointaine. Son œuvre ne s’évertue pas à délivrer un message, à dénoncer, elle invite le spectateur à transcender une réalité devenue obscure à force de visibilité…
Christophe, l’enchanteur, exprime une poésie intimiste, vibrionnante d’ailes, celles des oiseaux, des avions, de l’ange gardien, emblèmes de la libération, de l’allègement, de l’accession à la spiritualité…
Un artiste n’est ni sage ni paisible. Mais il peut grâce à son talent rendre au monde la sérénité, la douceur, le calme et la volupté…
Dénuées de cynisme, les sculptures de Christophe, nous invitent à une émotion délicate et singulière. Son œuvre n’est jamais ludique mais empreinte d’un humour caustique et salvateur essentiel pour vivre, créer. »
Extraits d’un texte de Brigitte Gudimard, paru dans un catalogue de la galerie Lange en Allemagne.
*** JEAN BRANCIARD
Le glanage devient création
L’artiste Jean Branciard présente ainsi l’origine de ses créations : « J’ai commencé à bricoler autour de la récup dans les années 90 en emménageant dans une maison en pleine campagne. Dans la maison il y avait de la place et un tas de matériaux laissés par les précédents locataires. Autour de la maison de quoi faire de belles balades avec des vignes où je pouvais trouver du fil de fer et des fossiles.
Je n’ai aucune formation artistique mais j’ai toujours dessiné et peint. Quand j’étais magasinier dans une usine de froid, à mes heures perdues, avec des cartons, des rouleaux et des fils de fer, je bricolais des jouets pour mon fils et ma nièce. Depuis longtemps, je suis attiré par les artistes alliant l’humour, la fantaisie et l’imagination comme Jérôme Bosch, Jean Tinguely, Louise Bourgeois, Andy Goldsworthy, Pablo Picasso, Reiser… »
« Conçues à partir de matériaux chargés d’une histoire propre et récupérés au hasard, les compositions de Jean Branciard sont de véritables véhicules de rêves éveillés. »
Myriam Liaudet
C’est en 1995, pour répondre à un projet d’exposition, que j’ai
commencé à découper des bouts de carton et des matériaux divers pour les
agencer en relief selon l’ordonnance de mes tableaux, dans des boîtes.
Je n’avais pas oublié qu’adolescent j’avais eu le désir d’être du monde
du théâtre, côté décors et accessoires. Mes boîtes sont vite devenues un
prolongement essentiel à ma peinture: même point de vue frontal sans
perspective ni profondeur ni hors champ. C’est un espace plastiquement
clos pour un discours sur des espaces clos et où se joue un théâtre
existentiel.
Mon travail puise dans l’Homme, ou plutôt il puise dans la question de l’Être. Qu’est-ce que l’Homme? Comment donner forme plastique au rapport esprit/matière, que font les sociétés de la matière spirituelle, de la mémoire, de la pensée, des souvenirs, de l’intelligence? Comment dire ce que sont la chair et les os, à quoi servent ces restes funestes qui jettent l’effroi?
Mes boîtes sont la métaphore de ce questionnement: souvent composées en étages dont le plus élevé comporte fréquemment une «bibliothèque», aux livres blanchis et silencieux, qui inaugure un parcours incertain vers les étages inférieurs, de plus en plus sombres, énigmatiques puis infernaux, comme une métaphore de la vie humaine.
Tout s’opacifie pour moi, hélas, dans ce passage de la lumière vers l’ombre. Cependant cette lumière qui nous vient d’en haut pourrait, je l’espère, encourager une lecture inverse: celle des zones obscures de l’Homme vers sa pleine conscience et la clarté de la connaissance.
Mon travail puise dans l’Homme, ou plutôt il puise dans la question de l’Être. Qu’est-ce que l’Homme? Comment donner forme plastique au rapport esprit/matière, que font les sociétés de la matière spirituelle, de la mémoire, de la pensée, des souvenirs, de l’intelligence? Comment dire ce que sont la chair et les os, à quoi servent ces restes funestes qui jettent l’effroi?
Mes boîtes sont la métaphore de ce questionnement: souvent composées en étages dont le plus élevé comporte fréquemment une «bibliothèque», aux livres blanchis et silencieux, qui inaugure un parcours incertain vers les étages inférieurs, de plus en plus sombres, énigmatiques puis infernaux, comme une métaphore de la vie humaine.
Tout s’opacifie pour moi, hélas, dans ce passage de la lumière vers l’ombre. Cependant cette lumière qui nous vient d’en haut pourrait, je l’espère, encourager une lecture inverse: celle des zones obscures de l’Homme vers sa pleine conscience et la clarté de la connaissance.
Marc Giai-Miniet
*** BERNARD BRIANTAIS
Bernard Briantais était-il, dans ses premiers dessins que je découvrais, naïf, art-brutiste ou singulier ?
Ce qui me retint, dans cette rencontre, fut de constater la nature
puissamment compulsive de son expression : peindre, dessiner comme on
respire, pour respirer. Je suivis l’avancée de ses productions,
tranquillement obstinée. Qui creusait. Sans jamais imiter, tricher ou
mentir. Travail du peu à peu se resserrant sur ses sujets et, pourquoi
pas, ses obsessions. Attention s’aiguisant, par exemple, sur « les gens
de peu », plus haute et altruiste que la chiche empathie : une
considération. Nul doute que cet artiste-là aime ses personnages.
Lorsque j’ai découvert les figures en volume de Bernard Briantais, j’ai
compris qu’il avait trouvé là le plus juste de son expression. Boîtes
habitées, cageots, caisses, cadres de scène, castelets, théâtres de la
vie : nous y sommes, nous sommes dans cette réalité de bric et de broc,
ce bricolage de nos vies et des vies que nous côtoyons, parfois sans les
voir, cette récupération de tout et de n’importe quoi, du magistral et
du minimal, du grandiose et de l’infime, du supraordinaire et de l’infraordinaire,
pépites et déchets, richesse et pauvreté. Parce que nous sommes tous,
entre nos ombres et nos lumières, monstres et animaux et démunis et
risibles, mais si fragiles, mais si bancals, mais si touchants, mais si
délicats.
Bernard Bretonnière (extrait de texte)
Novembre 2018
Novembre 2018
Les expositions Art et Déchirure:
Halle aux toiles de Rouen tous les jours de 11h à 19h jusqu'au 22/11
Musée art et Déchirure au C.H.du Rouvray de 11h à 19h tous les jours jusqu'au 24/11
Chapelle Saint Julien Petit Quevilly 14h à 18h tous les jours jusqu'au 24/11
LE SITE DU FESTIVAL
LE FESTIVAL ET LES GRIGRIS
(cliquer)
Merci Sophie pour ton coup de projecteur sur cette expo à Rouen !
RépondreSupprimerMichel