mardi 21 juillet 2020

NUDSUS ET MOLAS DU PANAMA AU MUSEE LABENCHE A BRIVE

Le collectionneur Matthieu Péronnet est à l'origine d'une fascinante exposition à Brive au musée Labenche.
Je lui dois ce texte et les photographies que je suis heureuse de présenter aujourd'hui sur les Grigris. 



"Chez les Gunas, guérir implique à la fois la connaissance des plantes médicinales et de faire appel au monde des esprits. Le NUDSU, construction de l’esprit autant que statuette de bois, permet au patient de rester connecté au processus de guérison au travers d’un système de croyance auquel la communauté entière croit. Le NUDSU peut être utilisé par un guérisseur ou appartenir à un membre du foyer Guna qu’il protège. Ces NUDSUS, aux formes plus ou moins riches, sont présentés dans une scénographie originale accompagnée de Molas colorés (sculptures sur tissus produites traditionnellement par les femmes amérindiennes Gunas)."












 Ce nudsu, statuette en bois à usage thérapeutique et protectrice du foyer, montre un travail de taille remarquable. Il présente notamment des incisions sur le torse et les côtes, un léger fléchissement de la nuque et une expression intériorisée qui suggère la douleur. Le léger rictus de la bouche exprime une profonde affliction et dénote du talent du sculpteur.
 
L’un des premiers peuples amérindiens autochtones abordés par les Européens il y a 500 ans fut le peuple Guna ; la rencontre, dévastatrice, eut lieu en 1502 à l’embouchure du fleuve Atrato à l’extrême nord-ouest de l’actuelle Colombie.


Les Guna subirent violemment la colonisation espagnole : épidémies, massacres, travaux forcés. Durant cette période, les Guna furent refoulés du bassin du fleuve Atrato vers l'intérieur de la forêt du Darién, établissant des communautés le long des hautes vallées des rivières Tuira et Chucunaque. C'est à cette époque que l'histoire orale des Guna, enseignée au travers du babigala (« le Chemin du Père », également traduit par « Là d'où nous venons ») passe du récit mythique des origines à l'histoire des événements passés.

Le XIXe siècle marqua une longue période d'accalmie durant laquelle les Guna virent leur territoire abandonné par les Européens, à l’exception de quelques expéditions scientifiques recherchant un tracé idéal pour le futur canal interocéanique. C’est durant cette période de stabilité, où l’obligation de se cacher disparut, que les communautés Guna migrèrent progressivement de la forêt du Darién vers l’archipel de San Blas, sur la côte atlantique.

La migration des Guna vers les îles côtières de San Blas s'accompagna d'une intensification des contacts avec les missionnaires, les commerçants, les fonctionnaires panaméens et les militaires américains basés dans la zone du canal de Panama. La réalisation de ce canal va d'ailleurs indirectement déterminer le statut socio-politique actuel des Guna.  En février 1925, les Guna se rebellent contre la politique assimilationniste du gouvernement panaméen. Suite à la médiation des États-Unis, l’État de Panama et les représentants des Guna signèrent un traité au terme duquel Panama accorda un statut d’autogestion et d'autodétermination au territoire Guna. Enfin, en 1938, la région est reconnue par l’État panaméen en tant que comarca (« région autonome ») indigène, reconnaissant ainsi son intégrité territoriale.

Aujourd'hui, la majorité des Guna vivent donc dans la comarca de Gunayala (voir carte). Ce territoire est constitué d'environ 300 îles ou îlots et d'une bande côtière d'environ 250 km de long sur moins de 10 km de large, délimitée à l'ouest par le rio Mandinga, à l'est par la frontière colombienne et au sud par une cordillère de collines relativement peu élevées mais escarpées. La comarca de Gunayala regroupe 40 communautés insulaires, 8 communautés côtières et 2 communautés à l'intérieur des terres, pour une population totale d'environ 30000 Guna. Dans sa totalité, la population guna, incluant les Guna partis chercher du travail dans le reste du Panama (principalement Panama City et Colón), est estimée à environ 80000 individus.

En ce qui concerne leur relation avec les écosystèmes, les Guna – hommes et femmes – naviguent quotidiennement entre les îles où ils demeurent et la terre ferme, à bord de petites pirogues. Les îles abritant leurs villages sont presque toujours situées à l'embouchure de l'une des vingt rivières réparties le long du littoral de Gunayala et qui fournissent l'eau douce aux Guna. C'est également près des embouchures des rivières, à l'orée de la forêt, que sont situés les cimetières des villages. Les Guna conservent des relations étroites – matérielles et symboliques – avec la forêt, espace originel et domaine du « Maître des grands arbres ».

Depuis la conquête de leur autonomie, les Guna ont appris à composer avec l’adversité, non sans transigeance ni sans menaces pour l’avenir. Ils ont cependant réussi à préserver intactes leur culture et leur cohésion sociale avec une capacité remarquable à décider par eux-mêmes de ce qu'il est bon d’intégrer dans leur existence ou pas. Leur spiritualité, incroyablement complexe, fondée sur l’idée que le monde physique est sous-tendu et animé par le monde de l’esprit, n'y est pas étrangère.

Cette exposition explore deux versants de la manière dont les Guna – hommes et femmes – transcrivent leur vision du monde dans des artefacts du quotidien. Les nudsus, statuettes de bois utilisées dans des rituels de guérison, sont sculptés par des hommes aux compétences reconnues. Chaque Guna possède au sein de la maisonnée un nudsu qui assure sa protection. Les molas, plastrons de tissus cousus selon la technique de l'appliqué-inversé (couches d'étoffes superposées formant des motifs par ablation du tissu supérieur), sont confectionnés et portés traditionnellement par les femmes guna.

Aujourd'hui encore, molas et nudsus continuent à « écrire » le babigala.

là d'où nous venons.



Matthieu au milieu de ses statuettes

26 Bis Boulevard Jules Ferry
19100 Brive-la-Gaillarde


LE SITE DU MUSÉE

(cliquer)

Ouverture du mercredi au lundi de 12h à 18h 
Dimanche de 15h à 18h 
Fermé le mardi
Tél. 05 55 18 17 70 -museelabenche.fr


Afin de respecter les mesures barrières, 10 visiteurs seulement en même temps.

L'entrée est gratuite.

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