dimanche 6 mars 2022

LES ARTISTES QUE J'AIME VUS PAR JEAN-LOUIS CLARAC


JEAN-LOUIS CLARAC a eu la gentillesse de m'envoyer les poèmes qu'il a écrit en 2019 sur des artistes qu'il aime et que j'aime ....





ROHO


Au-dedans du dedans

Au dehors du dehors 

À la loupe au télescope

Dans l’abondance des couleurs

Le monde fourmille de signes sans limites

Pigmentés texturés embrouillés débrouillés

Imbrications dans la profondeur des bleus

Surgissements du tréfonds des rouges


C’est un voyage en soi

Et dans le monde

L’invitation à partir à revenir

À s’imprégner des paysages et des êtres

Sans frontières entre les règnes

Une échappée belle

Entre le feu de la vie

Et la tendresse des silhouettes

Au pli même des hallucinations

Quand l’amour du Tout se découvre


Tout vient de l’arbre

Tout vient de l’incommensurable

Transmutation de son énergie

Dans les missives dévoilant

Les lettres d’un alphabet inconnu

Tout vient de la source inventive

Tout va vers l’indéterminé vivant


Le doigt posé sur la contrainte

Les pôles santé et justice mis au placard

Fragilisent le mental mais se déploie

La monstration de la profondeur humaine

Où normal et non normal dépassent

Leurs différences


Entre l’infiniment petit et la démesure

Un espace se lève où

Les vivants prennent place

Au dedans du dedans

Au dehors du dehors

Dans la résille du réel

 






Véronique DOMINICI


Sérénité et figement

Des visages duels

Ils nous ignorent

Ne nous regardent pas

Pourtant dans leur indéfini

Regard

Une part de nous-mêmes

Flotte

Comme une brume

Enveloppe

Des mystères prêts au dévoilement


Portraits féminins

Aux yeux ouverts sur le lointain

Yeux perdus dans le vague

Intimes et hors de soi

S’écoule la douceur des reflets

En constellations de beautés

Dans la brillance

Scrutation d’un désir indécis

Dans l’ombre de la brillance

Lente apparition de l’envers du visage


Portraits en creux de l’enfance

Comme le jaillissement des aléas

Griffée par les ronciers des émotions

Effleurée par le papillon de l’innocence


Échappé du confinement

Le lièvre paysage promène le monde

À moins qu’il en soit le jouet

Pour aller toujours plus loin là-bas

Le cheval crinière rouge toise

Le visage et peut-être nous-mêmes


Toisons d’ébène où se perdent

Les questions fondatrices de la vie

Chevelure absorbant dans sa touffeur

Rousse l’énigme du visage

Dans la mise en boite s’installe

Le trop plein des recels

Mémoires enfouies

Sous les strates des temps passés






Annie G MALLET


Êtres dilatés et denses

Au point de rupture

Excroissances mouvementées

De la matière terre

Entre mate et lustrée

Pétrie dans le creuset des bouleversements


Les créatures

Le cœur sur la main

Affirment leur sororité


Elles ont un nom ces créatures

Vénus

Vénus intemporelles

Venus du plus loin des âges

Leurs corps tout

En plis et replis

Bosses et creux

Angles et rondeurs

Attestent de la permanence du temps à l’œuvre

Nient la linéarité de l’existence

Exhibent l’impermanence de leur être


Vont-elles

Ces femmes

À l’image de leur pensée émergeante

Hors du crâne

Diffusant leur amour explosif

Vont-elles

Hors d’elles

Meurtries des violences humaines

Des plaies inhumaines

Vont-elles

Ces femmes en déséquilibre

En un pied de nez aux usages et coutumes

Mettre en mouvement

Une phase inédite de la liberté


Déjà leurs allures dansantes défient la pesanteur

Déjà les bras agrippent l’air

Gestes ouverts sur l’insondable

Où fleurissent des promesses

De belle humanité

 






Corinne BECOT


Sur le fil du rêve

S’accrochent les rêves

Sur le tamis des rêves

Les lambeaux de réalités

Tremblent en silence


Quand déchets rebuts

Et autres trouvailles de bordilles

Se métamorphosent

Se subliment

Dans les trophées dans les totems

Il ne reste plus qu’à errer

Entre les configurations

Les concrétions

Les enchaînements

Fantastiques

Des matières transfigurées

Il ne reste plus qu’à se perdre

Dans les entrelacs de ce peut-être

Nouveau monde

Forêt dressée tressée

Des projections internes

Sait-on s’il s’agit de

La survivance de l’avant monde

Du surgissement de l’outre monde

De l’anticipation d’un autre monde

De la préfiguration d’un après monde

Quand il ne reste plus

Qu’à divaguer

Dans la trame

Où apparaissent

Les visions marginales

Des univers abyssaux

Terriens

Éthérés


Où le songe devient chair

Où le réel frissonne

Au moindre souffle de l’utopie

Quand petitesse et grandeur perdues de l’espace

Se jouent de nous






Bernard LE NEN


Ils nous observent

Nos doubles

Que nous essayons de cacher

De cacher à nous-mêmes

Nous observent de biais

Perçoivent en nous l’ombre qui nous suit


L’œil voit ce que nul autre ne voit

Ou ne veut voir

L’inquiétante étrangeté de chacun

Dans le miroir

L’étrangeté

De ce que nous sommes


Regards acerbes

Regards ironiques

Regards placides

Regards hors cadre

De ces êtres penchés vers l’extérieur

Vers le monde

Vers nous-mêmes


Nos doubles soudain là

Portent le monde insolite

Grouillant de tant de fantasmes

Monde à fleur de monde

À distance infinitésimale

Et quand même infinie


Entre fluidité et rigidité

Dans le no man’s land

Où étrangement s’écoulent

Les preuves de la vie

Ces êtres vont et viennent

S’emmêlent

S’entremêlent

Se mélangent

Ni anges ni bêtes


Humains

En d’autres termes

Nous-mêmes

 

 





Anita LOISEL


Elles forment l’assemblée des femmes

L’écorce épaisse et tendre

Elles sont faites des glaises

De la forêt primaire


Elles se campent

Le corps-racines puisant de la terre

Les flots d’énergie vitale


Elles dressent leurs corps

Crient fierté et prestance

Elles vont dans le monde

Affirmer leur être


À l’épreuve des empreintes du temps

Le corps ridé craquelé

Scarifié troué

Tout en circonvolutions

Tout en cicatrices

Elles vivent


Parfois brisées

Morcelées torturées

Elles gisent

À l’abandon

Mais

Femmes impérissables

Elles vont elles viennent

Malgré les cassures

Malgré les ruptures

Malgré les embûches

Toujours debout

Leurs fines têtes évanescentes ne sont que

Cris à peine audibles

Lancés dans la cacophonie ambiante


Sous l’œil des oiseaux

Protecteurs hiératiques

À l’orée de leurs ombres

Elles vagabondent

Ces femmes-terres

Ces femmes-arbres

En quête d’avenir

 






Stéphane CÉRUTTI


Éloge et louange

De la gratuité érigée en nécessité

Incitation à manier l’archet

Sur les cordes sensibles des machines

Créatrices d’illusions


Invitation à frôler

À toucher

À tourner

Invitation à mesurer

La nécessité sans raison

De la matière sonore

Des instruments de musique

Oscillant à la moindre vibration


Le silence de l’instrument

Fait écho

Au mouvement de l’évasion intérieure

Au mouvement rieur

De l’esprit qui s’égare


Les essences des bois

Diffusent alentour

Leurs molécules naturelles


Mélange des sensations

Entre couleur et nudité

Tensions vers la subversion des moulins

À l’affût du tremblement de l’imaginaire

Brassage des émotions

Eparpillées aux mille vents de l’esprit malin

Détournement

Contournement

Retournement jusqu’à

L’incarnation de l’objet rêvé


L’esprit malin immisce sa ruse

Dans l’agencement des sculptures

Qui tournent sans fin

Sans raison autre que

Rendre hommage

Aux forêts chantournées

De l’art ludique





 

ISE


C’est un monde

Où se trament des contes

Manigancés par des sphinges

Aux yeux de méduses


Leurs corps tissent

Des paysages célestes

Des étagements de matières filées

Qui brouillent la vision


De ces êtres se déverse l’onde

D’un étonnement fabuleux

Sur la nature ouverte ou close

Du dévidement de la vie


De leurs ventres eux-mêmes enceints

S’écoulent d’autres mondes infimes

Où des visages étonnés

Cherchent notre propre saisissement


Ces figures nous épient

Elles nous appellent

Nous interpellent

Dans leur silence aussi profond

Que magicien


Le carrousel du monde

Brode une faune foisonnante

Tout en or

Se faufile se défile le temps

Défigé qui se répand

En pluies vermeilles


Rondes débridées

Regards furtifs

Trésors d’histoires romancées

Dans l’épaisseur des gestes dégingandés


Dans l’ourlet des légendes

Aux pliures des êtres

L’arc-en-ciel des dorures et moirures

Trace la mouvance émouvante

De l’écheveau de la vie

 

 





MARGOT


Chevelures en méandres

Forêts labyrinthiques

Vanité déprise

Le regard est noué

Au kaléidoscope des sens

Impermanence des paysages intérieurs


Instant permanent

Le regard est noué

Aux visages vulvaires

Que fixent

Que médusent

Les yeux clos ou déclos


Esprits embroussaillés

Hypnose

Envoûtement

Inquiétante quiétude

Jaillie de l’épaisseur

Des mythes originels


Silhouettes prises

Dans le trémail végétal

Émergence des visages

Dans le fouillis organisé


Un monde nait

Qui fourmille de mondes

C’est le palimpseste

À l’infini

Fruit de la saturation gestuelle


C’est l’atomisation

Du monde

Dans ses variations

Dans ses vibrations

Jusqu’au vertige

Quand on ne sait plus

Si l’on entre dans ce monde

Où si le monde entre en soi

Quand le réseau des sens

Embrouille les repères

 






Jean-Michel CHESNÉ


Au cœur du visible

Dans les filets des songes

Ils nous regardent

Ils se laissent voir

Ces animhumains

Ces humanimaux

Sans qu’on puisse les apprivoiser


Ces animhumains ces humanimaux

Vibrionnent jusqu’à l’ivresse

Propagée en nous-mêmes


Pris dans les entrelacements

Des veines et des artères de la vie

Ils se figent en visages insaisissables

Ils se liquéfient en corps fantastiques


Tout change

Tout s’interrompt

Leur écrin de dentelles

Les protège d’eux-mêmes

Au cœur du visible


Dans les larges prédelles

Qui saturent l’espace

Où se perd la vision

Ces créatures fractales

Cachent et laissent voir

À la fois

L’exubérance de la vie

La démesure perpétuelle du vivant

Faunes et flores en parade

Masques à profusion

De la luxuriante nature


Un monde étrange

Au cœur du visible

Un monde-paysage

Affole les sens

Érige l’hybridation

En principe de vie

 

 





Monique LE HINGRAT


Mondes en apparition

Aux frontières du réel

Habités par des êtres

Énigmatiques


Une aura volée à l’éden

Ou aux enfers

Embrume ces ectoplasmes


Entre champs de ruines

Sans cesse répétés

Et chants de bruines

Grises et bleues

Des fantômes surgissent

Du fond de l’enfance

Entendons-nous leurs cris

Qui les tordent

Dans l’absence de douleur


Leurs cris inaudibles

Est-ce en nous

Qu’ils diffusent

La singularité

Démultipliée

Singularité en équilibre

Entre peur et sérénité


En écho

Un halo d’harmonie

Entre gris et bleu

Enveloppe les êtres sans visage

Âmes errantes sans dieux

Âmes errantes sacrées

Les êtres vaguent

Dans la dilatation de leur ombre

D’où émergent les traces

D’or furtif et permanent


La vague déferlante

De leurs apparitions tremblées

Nous submerge

D’un trouble aussi discret

Que profond 

 

 






Françoise CUXAC


À fleur de réel

Un monde sous-jacent sommeille

Prêt à sourdre

Prêt à dévoiler

Ses paysages visibles et fantastiques


Entre veille et rêve

Se répand dans la lisière trouble

L’effluve des êtres étranges

Nourris de nos rêves


Métamorphoses à l’infini

Invitation à franchir le seuil

Entre l’onirique et le visible

Entre monde ténébreux et monde éclatant


Venus du fond des mythologies

Nés du creux des cosmogonies

Éclosent les êtres hybrides

Fantasmes empruntés

Aux histoires de l’enfance

Inénarrables ineffaçables implicites


Palpitation des vies si mystérieuses

Grouillantes de tant d’esprits animaux

Pérennes et éphémères

Les éléments modèlent modulent

Ces idoles zoomorphes

Ces idoles anthropomorphes


Dans la robe de la matière

Sexes seins yeux bustes cœurs peaux lèvres

Le corps des êtres grandit l’étrangeté

Se déversent se répandent leurs sensuelles étreintes


Offrandes dans les mailles moléculaires

De la moelle de la carnation

Ces êtres vivent en chacun de nous

Marchent dans la forêt des connivences

Dans les sous-bois des silences

Au cœur de l’humanité


Jean-Louis Clarac a écrit tous ses poèmes en situation, dans le temps de l'exposition de la BHNVolcanique.  C'est un challenge que Jean-Louis s'impose : écrire à partir des œuvres exposées, sur deux mois, donc ici en octobre et novembre 2019. 

 

JEAN-LOUIS CLARAC ET LES GRIGRIS DE SOPHIE

ET ICI

(cliquer)



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