JEAN-LOUIS CLARAC a eu la gentillesse de m'envoyer les poèmes
qu'il a écrit en 2019 sur des artistes qu'il aime et que j'aime ....
ROHO
Au-dedans du dedans
Au dehors du dehors
À la loupe au télescope
Dans l’abondance des couleurs
Le monde fourmille de signes sans limites
Pigmentés texturés embrouillés débrouillés
Imbrications dans la profondeur des bleus
Surgissements du tréfonds des rouges
C’est un voyage en soi
Et dans le monde
L’invitation à partir à revenir
À s’imprégner des paysages et des êtres
Sans frontières entre les règnes
Une échappée belle
Entre le feu de la vie
Et la tendresse des silhouettes
Au pli même des hallucinations
Quand l’amour du Tout se découvre
Tout vient de l’arbre
Tout vient de l’incommensurable
Transmutation de son énergie
Dans les missives dévoilant
Les lettres d’un alphabet inconnu
Tout vient de la source inventive
Tout va vers l’indéterminé vivant
Le doigt posé sur la contrainte
Les pôles santé et justice mis au placard
Fragilisent le mental mais se déploie
La monstration de la profondeur humaine
Où normal et non normal dépassent
Leurs différences
Entre l’infiniment petit et la démesure
Un espace se lève où
Les vivants prennent place
Au dedans du dedans
Au dehors du dehors
Dans la résille du réel
Véronique DOMINICI
Sérénité et figement
Des visages duels
Ils nous ignorent
Ne nous regardent pas
Pourtant dans leur indéfini
Regard
Une part de nous-mêmes
Flotte
Comme une brume
Enveloppe
Des mystères prêts au dévoilement
Portraits féminins
Aux yeux ouverts sur le lointain
Yeux perdus dans le vague
Intimes et hors de soi
S’écoule la douceur des reflets
En constellations de beautés
Dans la brillance
Scrutation d’un désir indécis
Dans l’ombre de la brillance
Lente apparition de l’envers du visage
Portraits en creux de l’enfance
Comme le jaillissement des aléas
Griffée par les ronciers des émotions
Effleurée par le papillon de l’innocence
Échappé du confinement
Le lièvre paysage promène le monde
À moins qu’il en soit le jouet
Pour aller toujours plus loin là-bas
Le cheval crinière rouge toise
Le visage et peut-être nous-mêmes
Toisons d’ébène où se perdent
Les questions fondatrices de la vie
Chevelure absorbant dans sa touffeur
Rousse l’énigme du visage
Dans la mise en boite s’installe
Le trop plein des recels
Mémoires enfouies
Sous les strates des temps passés
Annie G MALLET
Êtres dilatés et denses
Au point de rupture
Excroissances mouvementées
De la matière terre
Entre mate et lustrée
Pétrie dans le creuset des bouleversements
Les créatures
Le cœur sur la main
Affirment leur sororité
Elles ont un nom ces créatures
Vénus
Vénus intemporelles
Venus du plus loin des âges
Leurs corps tout
En plis et replis
Bosses et creux
Angles et rondeurs
Attestent de la permanence du temps à l’œuvre
Nient la linéarité de l’existence
Exhibent l’impermanence de leur être
Vont-elles
Ces femmes
À l’image de leur pensée émergeante
Hors du crâne
Diffusant leur amour explosif
Vont-elles
Hors d’elles
Meurtries des violences humaines
Des plaies inhumaines
Vont-elles
Ces femmes en déséquilibre
En un pied de nez aux usages et coutumes
Mettre en mouvement
Une phase inédite de la liberté
Déjà leurs allures dansantes défient la pesanteur
Déjà les bras agrippent l’air
Gestes ouverts sur l’insondable
Où fleurissent des promesses
De belle humanité
Corinne BECOT
Sur le fil du rêve
S’accrochent les rêves
Sur le tamis des rêves
Les lambeaux de réalités
Tremblent en silence
Quand déchets rebuts
Et autres trouvailles de bordilles
Se métamorphosent
Se subliment
Dans les trophées dans les totems
Il ne reste plus qu’à errer
Entre les configurations
Les concrétions
Les enchaînements
Fantastiques
Des matières transfigurées
Il ne reste plus qu’à se perdre
Dans les entrelacs de ce peut-être
Nouveau monde
Forêt dressée tressée
Des projections internes
Sait-on s’il s’agit de
La survivance de l’avant monde
Du surgissement de l’outre monde
De l’anticipation d’un autre monde
De la préfiguration d’un après monde
Quand il ne reste plus
Qu’à divaguer
Dans la trame
Où apparaissent
Les visions marginales
Des univers abyssaux
Terriens
Éthérés
Où le songe devient chair
Où le réel frissonne
Au moindre souffle de l’utopie
Quand petitesse et grandeur perdues de l’espace
Se jouent de nous
Bernard LE NEN
Ils nous observent
Nos doubles
Que nous essayons de cacher
De cacher à nous-mêmes
Nous observent de biais
Perçoivent en nous l’ombre qui nous suit
L’œil voit ce que nul autre ne voit
Ou ne veut voir
L’inquiétante étrangeté de chacun
Dans le miroir
L’étrangeté
De ce que nous sommes
Regards acerbes
Regards ironiques
Regards placides
Regards hors cadre
De ces êtres penchés vers l’extérieur
Vers le monde
Vers nous-mêmes
Nos doubles soudain là
Portent le monde insolite
Grouillant de tant de fantasmes
Monde à fleur de monde
À distance infinitésimale
Et quand même infinie
Entre fluidité et rigidité
Dans le no man’s land
Où étrangement s’écoulent
Les preuves de la vie
Ces êtres vont et viennent
S’emmêlent
S’entremêlent
Se mélangent
Ni anges ni bêtes
Humains
En d’autres termes
Nous-mêmes
Anita LOISEL
Elles forment l’assemblée des femmes
L’écorce épaisse et tendre
Elles sont faites des glaises
De la forêt primaire
Elles se campent
Le corps-racines puisant de la terre
Les flots d’énergie vitale
Elles dressent leurs corps
Crient fierté et prestance
Elles vont dans le monde
Affirmer leur être
À l’épreuve des empreintes du temps
Le corps ridé craquelé
Scarifié troué
Tout en circonvolutions
Tout en cicatrices
Elles vivent
Parfois brisées
Morcelées torturées
Elles gisent
À l’abandon
Mais
Femmes impérissables
Elles vont elles viennent
Malgré les cassures
Malgré les ruptures
Malgré les embûches
Toujours debout
Leurs fines têtes évanescentes ne sont que
Cris à peine audibles
Lancés dans la cacophonie ambiante
Sous l’œil des oiseaux
Protecteurs hiératiques
À l’orée de leurs ombres
Elles vagabondent
Ces femmes-terres
Ces femmes-arbres
En quête d’avenir
Stéphane CÉRUTTI
Éloge et louange
De la gratuité érigée en nécessité
Incitation à manier l’archet
Sur les cordes sensibles des machines
Créatrices d’illusions
Invitation à frôler
À toucher
À tourner
Invitation à mesurer
La nécessité sans raison
De la matière sonore
Des instruments de musique
Oscillant à la moindre vibration
Le silence de l’instrument
Fait écho
Au mouvement de l’évasion intérieure
Au mouvement rieur
De l’esprit qui s’égare
Les essences des bois
Diffusent alentour
Leurs molécules naturelles
Mélange des sensations
Entre couleur et nudité
Tensions vers la subversion des moulins
À l’affût du tremblement de l’imaginaire
Brassage des émotions
Eparpillées aux mille vents de l’esprit malin
Détournement
Contournement
Retournement jusqu’à
L’incarnation de l’objet rêvé
L’esprit malin immisce sa ruse
Dans l’agencement des sculptures
Qui tournent sans fin
Sans raison autre que
Rendre hommage
Aux forêts chantournées
De l’art ludique
ISE
C’est un monde
Où se trament des contes
Manigancés par des sphinges
Aux yeux de méduses
Leurs corps tissent
Des paysages célestes
Des étagements de matières filées
Qui brouillent la vision
De ces êtres se déverse l’onde
D’un étonnement fabuleux
Sur la nature ouverte ou close
Du dévidement de la vie
De leurs ventres eux-mêmes enceints
S’écoulent d’autres mondes infimes
Où des visages étonnés
Cherchent notre propre saisissement
Ces figures nous épient
Elles nous appellent
Nous interpellent
Dans leur silence aussi profond
Que magicien
Le carrousel du monde
Brode une faune foisonnante
Tout en or
Se faufile se défile le temps
Défigé qui se répand
En pluies vermeilles
Rondes débridées
Regards furtifs
Trésors d’histoires romancées
Dans l’épaisseur des gestes dégingandés
Dans l’ourlet des légendes
Aux pliures des êtres
L’arc-en-ciel des dorures et moirures
Trace la mouvance émouvante
De l’écheveau de la vie
MARGOT
Chevelures en méandres
Forêts labyrinthiques
Vanité déprise
Le regard est noué
Au kaléidoscope des sens
Impermanence des paysages intérieurs
Instant permanent
Le regard est noué
Aux visages vulvaires
Que fixent
Que médusent
Les yeux clos ou déclos
Esprits embroussaillés
Hypnose
Envoûtement
Inquiétante quiétude
Jaillie de l’épaisseur
Des mythes originels
Silhouettes prises
Dans le trémail végétal
Émergence des visages
Dans le fouillis organisé
Un monde nait
Qui fourmille de mondes
C’est le palimpseste
À l’infini
Fruit de la saturation gestuelle
C’est l’atomisation
Du monde
Dans ses variations
Dans ses vibrations
Jusqu’au vertige
Quand on ne sait plus
Si l’on entre dans ce monde
Où si le monde entre en soi
Quand le réseau des sens
Embrouille les repères
Jean-Michel CHESNÉ
Au cœur du visible
Dans les filets des songes
Ils nous regardent
Ils se laissent voir
Ces animhumains
Ces humanimaux
Sans qu’on puisse les apprivoiser
Ces animhumains ces humanimaux
Vibrionnent jusqu’à l’ivresse
Propagée en nous-mêmes
Pris dans les entrelacements
Des veines et des artères de la vie
Ils se figent en visages insaisissables
Ils se liquéfient en corps fantastiques
Tout change
Tout s’interrompt
Leur écrin de dentelles
Les protège d’eux-mêmes
Au cœur du visible
Dans les larges prédelles
Qui saturent l’espace
Où se perd la vision
Ces créatures fractales
Cachent et laissent voir
À la fois
L’exubérance de la vie
La démesure perpétuelle du vivant
Faunes et flores en parade
Masques à profusion
De la luxuriante nature
Un monde étrange
Au cœur du visible
Un monde-paysage
Affole les sens
Érige l’hybridation
En principe de vie
Monique LE HINGRAT
Mondes en apparition
Aux frontières du réel
Habités par des êtres
Énigmatiques
Une aura volée à l’éden
Ou aux enfers
Embrume ces ectoplasmes
Entre champs de ruines
Sans cesse répétés
Et chants de bruines
Grises et bleues
Des fantômes surgissent
Du fond de l’enfance
Entendons-nous leurs cris
Qui les tordent
Dans l’absence de douleur
Leurs cris inaudibles
Est-ce en nous
Qu’ils diffusent
La singularité
Démultipliée
Singularité en équilibre
Entre peur et sérénité
En écho
Un halo d’harmonie
Entre gris et bleu
Enveloppe les êtres sans visage
Âmes errantes sans dieux
Âmes errantes sacrées
Les êtres vaguent
Dans la dilatation de leur ombre
D’où émergent les traces
D’or furtif et permanent
La vague déferlante
De leurs apparitions tremblées
Nous submerge
D’un trouble aussi discret
Que profond
Françoise CUXAC
À fleur de réel
Un monde sous-jacent sommeille
Prêt à sourdre
Prêt à dévoiler
Ses paysages visibles et fantastiques
Entre veille et rêve
Se répand dans la lisière trouble
L’effluve des êtres étranges
Nourris de nos rêves
Métamorphoses à l’infini
Invitation à franchir le seuil
Entre l’onirique et le visible
Entre monde ténébreux et monde éclatant
Venus du fond des mythologies
Nés du creux des cosmogonies
Éclosent les êtres hybrides
Fantasmes empruntés
Aux histoires de l’enfance
Inénarrables ineffaçables implicites
Palpitation des vies si mystérieuses
Grouillantes de tant d’esprits animaux
Pérennes et éphémères
Les éléments modèlent modulent
Ces idoles zoomorphes
Ces idoles anthropomorphes
Dans la robe de la matière
Sexes seins yeux bustes cœurs peaux lèvres
Le corps des êtres grandit l’étrangeté
Se déversent se répandent leurs sensuelles étreintes
Offrandes dans les mailles moléculaires
De la moelle de la carnation
Ces êtres vivent en chacun de nous
Marchent dans la forêt des connivences
Dans les sous-bois des silences
Au cœur de l’humanité
Jean-Louis Clarac a écrit tous ses poèmes en situation, dans le temps de l'exposition de la BHNVolcanique. C'est un challenge que Jean-Louis s'impose : écrire à partir des œuvres exposées, sur deux mois, donc ici en octobre et novembre 2019.
JEAN-LOUIS CLARAC ET LES GRIGRIS DE SOPHIE
ET ICI
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