vendredi 29 janvier 2010

LES FEMMES DANS L'ART BRUT

J'ai assisté le mardi 19 janvier à une conférence du cycle "création au féminin "donnée par Thierry Delcourt à l’auditorium de la Médiathèque à Reims . Le thème abordé était :" Les femmes et l’art brut " et c'est un sujet qui ne pouvait que m'intéresser .

Je me garderais bien de citer Thierry Delcourt car les notes que j'ai prises ne me le permettent pas mais j'ai passé un excellent moment et eu l'envie en rentrant à la maison de chercher (merci Google encore et toujours !) photos des oeuvres et renseignements sur les artistes citées ce soir là.

Mais tout d'abord voici la définition que JEAN DUBUFFET (grand " découvreur" de l'ART
BRUT ") a donnée :

« Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. »


Ma présentation n'est pas chronologique mais peut être ai-je voulu évoquer en premier mon coup de coeur et parler de MARIE MOREL à l'honneur à Paris à la Halle Saint Pierre ....
Je ne suis pas sûre en revanche que la définition de Dubuffet soit ici justifiée ......


* MARIE MOREL
"Depuis mon enfance merveilleuse, j'ai construit avec des petits bouts de rien ".








"Marie Morel est née le 3 septembre 1954 à Paris. Sa mère est peintre et architecte, son père est écrivain et éditeur ; dès l’enfance, Marie dessine, peint, écrit, tout naturellement dans ce terreau familial ; elle ne s’arrêtera jamais plus.
En 1962, la famille s’installe dans un hameau très isolé, « le Jas », dans les Alpes de Haute-Provence, où ses parents installent leur maison d’édition. Le climat familial est d’une grande richesse intellectuelle et artistique, avec beaucoup de rencontres et d’ouverture sur l’art, la littérature, la musique… Marie grandit dans une vie de création et de liberté, tout simplement. Le contact avec la nature est très important.
A 9 ans, ses parents l’amènent à la Biennale de peinture à Venise ; en sortant de là, Marie déclare qu’elle sera peintre.
Vers 12 ans, Marie découvre la musique avec passion. Elle jouera de la flûte traversière et du piano ; par la suite, elle essaiera le violoncelle, l’accordéon et la batterie. Elle prend aussi plaisir à faire du plongeon acrobatique et du ski, mais la plupart de son temps se passe à peindre, à écrire et à réfléchir.
Marie entre à l’école nationale du cirque à Paris ; en même temps, elle va au conservatoire de musique, car ses parents refusent qu’elle entre à l’école des Beaux-Arts (« elle avait déjà tout ce qu’il fallait » disaient-ils, « ils auraient pu l’abîmer ! ») ; elle continue à peindre et à dessiner en même temps ; et fait sa première exposition en 1977.
A 20 ans, Marie décide de faire essentiellement de la peinture, elle expose son travail de plus en plus.
Elle publie, parallèlement à son travail de peintre, une petite revue d’art : « Regard », consacrée aux peintres et aux artistes qu’elle aime.
Elle vit et travaille, depuis 1988, dans un petit village calme et isolé dans les monts du Valromey."


Découvrez son site et bien d'autres photos sur :





* YOLANDE FIEVRE




" YOLANDE FIEVRE est née à Paris en 1907. Jeune voyageuse, elle visite Amérique et vivra en Egypte quelques années. Étudiante aux Beaux-Arts de Paris, plus tard professeur aux Beaux-Arts d'Orléans, elle affirmera très tôt sa position d'autodidacte. Paulhan, Breton, Requichot, Dubuffet seront ses amis. Sa vie est jalonnée d'étapes précises mais s'interférant l'une l'autre. Dès les années 1930, elle découvre l'automatisme et abandonne définitivement tout aspect académique de la peinture. Sans cesse à la recherche du temps et du paradis perdus, elle produit une création brute, voulant à tout prix dompter et domestiquer ses démons."




* SIMONE LE CARRE GALLIMARD







Ce superbe texte d' Alain Vircondelet " Séraphine de la peinture à la folie ":

"Qui se souvient encore de Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis née au village d'Arcy, dans l'Oise le 2 septembre1864 et morte le 11 décembre 1942, à l'asile psychiatrique de Clermont-de-l'Oise, puis enterrée à la fosse commune?
Qui se souvient de cette vie cachée, de ce destin prodigieux qui fit d'une humble femme de ménage, un des plus stupéfiant peintre halluciné du XXe siècle, rarement exposée aux cimaises des plus grands musées du monde qui pourtant la conservent dans leurs réserves ? Par quel étrange destin, est-elle rayée du monde, oubliée des histoires de l'art, comme si le passage par la démence avait tout brûlé derrière elle, ou bien comme si l'exposition de ses tableaux risquait de provoquer un incendie ? Que dire de ses délires qu'elle a retranscrits dans sa solitude d'internée, de son silence obstiné à l'égard des autres malades, de son refus de peindre, à jamais ? Que penser de cette peinture incomparable, complètement inédite, venue de quelles secrètes contrées d'âme, remontées de quels gouffres obscurs ? Quelles forces l'ont conduite pour réaliser ces vastes compositions florales et à qui étaient-elles dédiées ?Que serait-elle devenue si elle n'avait rencontré un jour un des plus fameux esthète de son siècle, Wilhelm Uhde, qui la guida et la protégea jusqu'à ce que la folie s'emparât d'elle ? Que seraient devenus ces petits tableaux qu'elle exécutait et échangeait contre de la nourriture ? Auraient-ils connu le même destin que ceux qu'elle composa plus tard, vastes et puissants, pourchassés au nom de l'art dégénéré , par les nazis ?Quelle tendresse et quels émerveillements se cachent derrière ce visage fruste et rustique ? Quel est le secret de ces mains, lourdes et épaisses, qui ont tant ciré de parquets et frotté de linge dans les lavoirs glacés, capables cependant d'inventer de telles fleurs ? Quels appels confie-t-elle à ses bouquets ? Que veut-elle nous dire, elle qui ne sait pas bien s'exprimer ? Et si la folie de Séraphine, qui l'a plongée dans la nuit la plus totale, dans l'absence du jugement, avait été le passage obligé à l'avènement de ses chefs-d'œuvre ? Et s'il avait fallu traverser tant de douleurs pour atteindre au secret ? "


Grâce au film de Martin Provost avec Yolande Moreau , SERAPHINE est sortie de l'oubli .










" Madge Gill se disait guidée par un esprit du nom de « Myrninerest » (que l’on a l’habitude de considérer comme la transcription de My Inner Rest [Self] : Mon Moi Profond). Elle travaillait la nuit, très faiblement éclairée, rapidement, de manière quasiment hallucinée, au crayon noir ou de couleur. Elle a aussi produit des broderies et des écrits. L’un de ses chefs-d’oeuvre est une robe, que l’on peut voir à la Collection de l’art brut de Lausanne. Sa manière consiste en un enchevêtrement vertigineux d’ornementations instinctives et proliférantes parsemé de visages féminins (que l’on a pu interpréter comme des autoportraits ou des représentations de sa fille disparue)" .










" Rosemarie Koczÿ peint au doigt des toiles de grand format, réalise des cahiers à l'encre de Chine, des pastels, des aquarelles, des lithographies, des sculptures et des collages. Elle dessine avec ses deux mains sur des papiers artisanaux de différentes origines. Ses œuvres qui privilégient le blanc et le noir expriment la souffrance liée à la condition humaine. Elle brosse également des portraits de ses parents et amis disparus pendant la guerre, leur rendant ainsi hommage et témoignant de la barbarie qui eut lieu durant cette période noire de l'histoire. Elle a également écrit de nombreux récits sur l'histoire de sa famille.





Et ce texte de l'artiste :

" Marie-Rose LORTET s’intéresse à l’entremêlement des mailles, et a recours à la technique du tricot dont elle transcende l’usage domestique au travers de créations profondément originales. En témoignent ses « masques », de dimensions réduites, aux expressions caricaturales, tantôt souriants ou moqueurs, tantôt inquiétants ou angoissés. Pièces plus grandes, ses « territoires de laine » sont réalisés d’un seul tenant, sans esquisse préalable. Elle y narre des histoires, nées de son imagination, dans un chaos de couleurs chatoyantes.
L’artiste entreprend simultanément des créations tridimensionnelles, sculptures en fils rigidifiés au sucre ou à la résine. Ces labyrinthes et réseaux inextricables de fils et de nœuds évoquent des enveloppes, des formes de vêtements ou de maisons. Ces structures aériennes jouent avec subtilité sur la transparence, la légèreté, la mouvance et suscitent une émotion et une poésie encore renforcées par la suggestion des titres donnés aux œuvres. Ses créations jouent avec subtilité sur la magie des pleins et des vides et sur la poésie de la transparence et de la lumière.
« C’est le temps déraisonnable qui rythme les longs cheminements à travers boucles et nœuds, de mon travail. C’est une façon de construire simultanément le fond, les signes et le dessin qui s’y inscrivent, se fabriquent en même temps que l’écriture se développe. L’existence de ce fond intervient, se déroule au fur et à mesure que la pensée dicte les mots. C’est une acrobatie sans filet".





* HELENE REIMANN


" Née en Silésie, Hélène Reimann fut mariée et eut sept enfants. Internée à plusieurs reprises, elle échappa aux nazis en se réfugiant chez une de ses filles. Plus tard elle dut être internée à Bayreuth. C’est là qu’elle commença son œuvre. La plupart de ses premiers dessins furent détruits par le personnel alors qu’elle tentait de les dissimuler sous son oreiller ou sous ses draps, jusqu'au jour où le Pr. Boëker prit la direction de l'hôpital et interdit désormais de rien jeter. Hélène Reimann ne quitta jamais Bayreuth. Elle y mourut à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. Elle avait elle-même expliqué au Pr. Boëker qu'elle devait sauvegarder dans sa mémoire ce qu'elle ne pouvait plus voir du monde extérieur ; ainsi dressait-elle, pour ne pas perdre le fil avec son passé, l'inventaire implacable de tout ce qui avait fait partie de sa vie et consacrait-elle ses énergies à dessiner tout ce qui lui revenait à l’esprit. Pour Hélène Reimann, il n'est question que de se remémorer la forme d'une jupe, d'une chaussure ou d'un fauteuil, de les avoir à vue au point de ne pas même penser à mettre en scène le corps que revêt la robe ou le pied habillé par la chaussure. Bavardage ininterrompu, comme il est écrit dans son dossier médical, obsédante litanie qu’elle prolonge de feuille en feuille avec ici un meuble piégé dans des perspectives angulaires, là une fleur ouverte sur son pistil, plus loin un mannequin sans tête, un pantalon sur des talons aiguilles ou encore un profil, le sien sans doute, avec son chignon impeccable. Sa production est considérable. Dépouillée, sévère à l’extrême, elle est généralement traitée en noir et blanc. "




* ZELDA FITZGERALD

"Zelda connut une enfance dorée .Adolescente, son tempérament de feu et sa beauté, lui valent quantités d'admirateurs. Agée de 18 ans, elle rencontre son futur mari,Francis Scott Fitzgerald , alors lieutenant. Deux ans plus tard le couple se marie et a une petite fille. A la sortie du premier roman de Scott , le couple connaît une ascension fulgurante. Evoluant dans les cercles huppés, le couple devient la coqueluche de New York et mène une vie effrénée. Si Scott se noie dans l'alcool, Zelda , elle, tente d'exister à travers l'écriture et la danse, passion qui finit par devenir une véritable obsession. Mais bientôt l'argent vient à manquer et leur couple bat de l'aile. Zelda, fragile et instable, séjourne à plusieurs reprises dans des cliniques. Lors d'un de ses séjours, elle fait la connaissance d'Edouard Jozan, un jeune et pilote, qui deviendra son amant. En 1932, elle publie son seul et unique roman 'Save Me the Waltz'. Cela déplaît à son mari qui considère cette publication comme un affront à son propre travail. Jusqu'à la mort de Scott en 1940, la relation du couple ne fera qu'empirer. En 1948, Zelda Fitzgerald meurt tragiquement dans l'incendie de l'hôpital psychiatrique où elle est internée. "



(Thierry Delcourt l'associe à Unica Zürn, Sonia Delaunay et parle d'elles comme " des muses vampirisées" )







* UNICA ZURN




" Unica Zürn à la vie tourmentée et au destin tragique, est restée trop longtemps dans l'ombre de son compagnon, l'artiste surréaliste Hans Bellmer. Presque oubliée aujourd'hui, bien qu'elle fut l'une des icônes du surréalisme, elle occupe une place tout à la fois exceptionnelle et particulière, par son oeuvre graphique et littéraire. Son oeuvre graphique et littéraire se compose d'anagrammes, de dessins automatiques et d'écrits en prose où se mêlent l'imaginaire, la fiction, et la propre réalité de sa vie, en tension permanente entre le délire et la création.Proche d'une démarche telle que celle d'Antonin Artaud, en proie à des crises vécues de l'intérieur, Unica Zürn exprime dans ses écrits, dans ses dessins et ses peintures l'illumination que lui procure en elle même ces manifestations de la folie. "






* JEANNE TRIPIER


" Jeanne Tripier (1869-1944) est née à Paris. A l'âge de cinquante-huit ans, elle se passionne pour les doctrines spirites et la divination et réalise avec ferveur des dessins, des broderies, des ouvrages tricotés au crochet, et rédige également des textes. En 1934, elle est internée dans un hôpital psychiatrique de la région parisienne, où elle poursuit ses travaux. Elle insère fréquemment dans ses textes de petits dessins réalisés à l'encre noire, violette ou bleue, à laquelle elle ajoute à l'occasion de la teinture pour cheveux, du vernis à ongles, du sucre ou des médicaments. En 1948, quatre ans après son décès, plus de trois cents dessins, une cinquantaine de broderies et environ deux mille pages de textes sont par chance sauvés de la destruction. "





"Elle a vingt-sept ans quand apparaissent ses premiers troubles psychiques . A cette époque, elle conçoit une passion imaginaire pour l’empereur.d'Autiche . D’abord hospitalisée en 1918 à l’asile de Cery-sur-Lausanne, elle sera pensionnaire de celui de la Rosière de 1920 jusqu’à sa mort. Durant les premières années de son internement, Aloïse s’enferme dans un isolement complet avec des accès de violence occasionnels. Puis elle s’adapte progressivement à la vie hospitalière - elle s‘occupera du repassage du linge. Vers 1920, elle commence à écrire et à dessiner en cachette, mais sa production est presque intégralement détruite. C’est seulement à partir de 1936 que le Pr Hans Steck, directeur de l’hôpital, et le Dr Jacqueline Porret-Forel, son médecin généraliste, commencent à s’intéresser à son œuvre. Aloïse dessine le plus souvent avec des crayons de couleur et des craies grasses, mais aussi, parfois, avec du suc de pétales ou de feuilles, ou encore avec du dentifrice. De temps en temps, elle ajoute des coupures de journaux, des papiers d’emballage de chocolats, des chromos, réalisant ainsi des sortes de collages. Le support qu’elle préfère est le papier kraft récupéré des colis. Elle dessine presque toujours le recto et le verso. A l’aide de fils de laine, elle coud entre elles les feuilles de papier pour obtenir de plus grands formats, dont certains atteignent plus de dix mètres. Le destin d’Aloïse est frappé par une mort symbolique tandis son œuvre témoigne de sa renaissance. Consommant sa rupture avec le “monde naturel ancien d’autrefois”, elle n’est plus femme de chair, “boue noire” définitivement morte, mais devient la grande ordonnatrice d’une œuvre peuplée de fleurs, de rois, de reines, de princes charmants, de princesses voluptueuses, de gâteaux et de cirques, de célèbres et légendaires histoires d’amour. D’où le paradoxe de cette immense galerie de portraits à la fois somptueux et fantomatiques, de ces masques à la fois foisonnants et inexpressifs, qui témoignent, peut-être, d’un amour impossible, ou assassiné : les visages gardent des regards vides, tous les yeux sont désespérément bleus. "









MARIE MOREL donc à la HALLE SAINT PIERRE jusqu'au 7 mars 2010 ......



http://www.hallesaintpierre.org/index.php?page=expos

2 commentaires:

  1. Très intéressant, ce site. Surpris, cependant de ne pas trouver le nom de Michel Ragon, qui a beaucoup défendu l'art brut.

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