jeudi 23 février 2012

LE GOUT DES PEPINS DE POMME DE KATHARINA HAGENA





Plus les mailles se distendaient dans la mémoire de Bertha, plus gros devenaient les fragments de souvenirs qui s'échappaient à travers . Plus la confusion progressait dans sa tête, plus extravagantes devenaient les choses qu'elle tricotait , des choses dont les bords, parce qu'elle laissait continuellement des mailles de côté, en entrecroisait d'autres ou en tricotait de nouvelles, croissaient et se recroquevillaient en tous sens, béaient et feutraient en se défaisant de partout .
Ma mère avait rassemblé les tricots de Bootshaven et les avait emportés chez elle . Elle les conservait dans un carton rangé dans l'armoire de la chambre à coucher . Un jour, j'étais tombée dessus par hasard, j'en avais retiré les sculptures de laine, et c'est avec des sentiments mitigés, balançant entre amusement et effroi, que je les avais étalées, une à une, sur le lit de mes parents. Ma mère est arrivée sur ces entrefaites, je n'habitais plus chez mes parents et Bertha était déjà à la maison de retraite. Nous avons passé un moment à contempler les monstres de laine.
- Que veux-tu, a dit ma mère comme pour s'excuser, tout le monde a besoin d'un endroit où conserver ses larmes .
Et là-dessus elle a remis le carton à sa place, dans l'armoire. Et plus jamais il n'a été question entre nous des tricots de Bertha .




Lu et aimé dans LE GOÛT DES PÉPINS DE POMME DE KATHARINA HAGENA ...

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