MICHEL VALIERE est ethnologue , il a connu GABRIEL ALBERT et est, en partie, à l'origine de la sauvegarde du JARDIN DE NANTILLE .
Je suis entrée en contact avec lui grâce à Claire Dumontet . Nous avons eu des contacts téléphoniques et il a accepté d'écrire pour Les Grigris ce texte, témoignage précieux d'une rencontre et d'une belle entreprise ....
Des planches de statues dans le jardin muscaté de Gabriel Albert
Approche ethnographique d'une création controversée par Michel Valière, ethnologue ©
Je suppose que l’invitation sur ce blog est liée à ma posture d’ethnographe qui aura retenu l’attention de sa pilote. Elle fait suite à mon activité en Poitou-Charentes, aux environs de Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime), en Saintonge romane, en raison de l’invention, au sens archéologique, d’un site singulier : Le Jardin de Gabriel à Nantillé. « Invention », à partir des intuitions d’un beau-frère, des audaces d’un maire rural et des initiatives d’un ethnologue-médiateur. Je remercie ici tous ceux qui ont manifesté un certain intérêt à l’œuvre de Gabriel Albert, l’un de ces « irréguliers », artiste autodidacte à la démarche isolée. En décembre 2005, lors de la journée sur les habitats poétiques au Musée de Lille-Europe, à Villeneuve d’Ascq, l’occasion m’a été offerte de commenter en public le verbatim de mon entretien avec le sculpteur modeleur de Nantillé. Plusieurs blogs, et non des moindres (Animula vagula ; puis Le Poignard subtil) devenus des références en matière d’Art brut, ont puissamment contribué à tracer le sillon de la notoriété du Jardin de Gabriel, prélude à sa reconnaissance institutionnelle comme à celle d’un plus large public que celui qui jusque-là était resté plutôt confidentiel. Ajoutons que le vendredi 17 février 2012, s’est constituée, à l’initiative de Michel Mazouin, président de l’Office de tourisme de Saint-Jean-d’Angély et de Saint-Hilaire de Villefranche, l’Association des amis du Jardin de Gabriel (préexistante d’une manière informelle depuis 2006).
Quand questionner c’est inventer
Ainsi, à la fin des années quatre-vingts, Francis Gardré, musicien, est venu me consulter à mon domicile, alors à Gençay (Vienne), en compagnie de l’un de ses amis, Gérard Beau, alors maire de la commune de Nantillé, instrumentiste également. Il s’agissait pour celui-ci de recueillir mon avis sur une question qui concernait sa commune rurale. En effet, il se montrait extrêmement préoccupé du devenir d’une petite maison, de ses meubles, d’une courette et d’un jardinet remplis de statues diverses, après la disparition naturelle des propriétaires déjà âgés. Toutes ces statues, « posées là », apparemment sans fonction aucune, paraissaient à tout un chacun assez « mystérieuses ». Francis Gardré évoquant cette période, me rappelait son propre étonnement à voir « tous ces gens qui passaient » : « Les gens ralentissaient, n’osaient pas s’arrêter parler à ce vieux monsieur dans son jardinet. » Vieux monsieur, assis sur une chaise, devant sa porte, environné de ses êtres de ciment colorés dans la masse. Ce site paraissait aux yeux de Francis « unique... unique dans la mesure où ‘il’ faisait ça par passion ; c’était pour lui, pas pour un but commercial ».
Revenant sur notre premier entretien, une quinzaine d’années plus tard, monsieur Gérard Beau me redira dans les mêmes termes, ce qu’il m’avait déjà énoncé : « J’ai eu vent que des gens de Bordeaux, d’Espagne, étaient venus pour voir monsieur Albert, pour acheter la collection. Alors j’ai eu peur de voir tout partir. » C’est donc cette crainte d’une perte pour la commune et pour la région qui, en conséquence, a motivé mon propre engagement sur la voie de la recherche d’une protection institutionnelle ; à mon avis du moment, seul un outil juridique public pouvait faire espérer une pérennisation, une inscription dans le temps des rêves de Gabriel.
Pourquoi cette crainte et cette peur de l’ancien maire d’aller lui-même directement rencontrer l’artiste ? Peur d’essuyer un refus, et lequel exactement ? N’était-ce pas plutôt la peur de l’étrangeté de ce créateur hors du commun, au cœur de la storytelling villageoise ? Peur d’une nouvelle charge communale ? Quoiqu’il en soit, c’est à partir de là que cet élu, bien conscient des difficultés à venir, amorcera un premier pas en direction des services de la Culture. Il accueillera les diverses personnes dépêchées sur place : architectes, conseiller artistique, conservateurs du patrimoine. Il s’ensuivit des visites, des rencontres, des articles dans la presse et les magazines qui se succédèrent avec un curieux effet boule de neige.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et un livre paru au printemps 2011 lui a été consacré par la Région Poitou-Charentes-Inventaire général du patrimoine culturel. Cet ouvrage est le fruit d’une observation sur une période d’une vingtaine d’années, d’une recherche documentaire, d’une campagne photographique dans la perspective d’un inventaire exhaustif, en principe, concernant un ensemble de plusieurs centaines de statues en pied et des bustes disposés dans le jardin de l’intéressé tout autour de sa petite maison, construite de ses propres mains, ainsi que les meubles principaux, comme d’ailleurs, un modèle réduit de moulin à vent décoratif à l’extérieur. Ainsi, au fil des années, a-t-on pu voir les planches de légumes se convertir peu à peu en planches de statues, à l’ombre d’un noyer et d’une treille de raisin muscaté, hélas aujourd’hui disparue.
La profusion créatrice de Gabriel Albert n’a pas manqué d’interpeller, tout d’abord son environnement immédiat, et en particulier ses concitoyens, mais aussi les édiles, sans parler des nombreux voyageurs empruntant, en limite des communes de Bercloux et de Nantillé, la route départementale 129 sur l’ancien tracé de la voie romaine reliant les villes de Poitiers et de Saintes. Les statues, parquées dans l’enclos grillagé de la maison, au lieu-dit Chez Audebert, semblent s’adresser aux passants par un geste de salut, un regard ou une mimique. En cela, le jardinier de statues a pu être qualifié d’inspiré de bord de route, et par delà être désigné, disons-le sans esprit de polémique, un peu rapidement comme un artiste sinon naïf, en tout cas ressortissant, dit-on parfois, à l’Art brut.
Un ethnographe dans le jardin d’un habitant-paysagiste
On aura compris que mon implication dans la recherche du maintien de ce site et des statues sur place est liée à mon appartenance à un réseau familial disons de parentèle et de clientèle. Rien auparavant ne me prédisposait, du point de vue professionnel, à intervenir sur un domaine réputé appartenir exclusivement au champ artistique. Toutefois, depuis de longues années déjà, l’art populaire (ou déclaré tel) est censé tomber dans l’escarcelle des ethnologues, bien que, comme on peut le voir dans les musées d’ethnographie, dits aussi d’arts et traditions populaires, on ne puisse pas toujours trancher entre l’intérêt pour une certaine perfection formelle d’un objet et celui de sa valeur représentative pour le groupe social qui l’a imaginé, l’a élaboré, l’a rejeté, parfois recyclé, enfin réformé et voué à l’oubli avant une redécouverte éventuelle, une artification probable et souvent une patrimonialisation.
Ainsi, je me suis d’abord familiarisé avec les lieux, le jardin, par des visites successives, impromptues, puis en me faisant reconnaître par les propriétaires des lieux. Je dois ici avouer que ma décision d’engagement en faveur de cette œuvre est littéralement née lors d’une de ces visites une fin d’après-midi d’octobre. En effet, immobilisé sous la treille de raisins muscats que je dégustais au milieu de statues généreusement colorisées par un soleil couchant dans un silence sépulchral je fus saisi d’une véritable commotion esthétique (stendhalienne). La beauté de l’instant et des œuvres s’imposaient à moi, me convaincant une fois encore, si besoin était, que vraiment « la relation physique entre les objets et les sujets fait culture », en empruntant à M.-P. Julien et C. Rosselin (2005 : p. 6). Une idée fulgurante me traversa l’esprit : tout mettre en œuvre pour sauver d’une destruction cette statuaire vraiment remarquable. Elle me parut alors relever de l’évidence, hors toute réflexion de type juridique ou économique. Je m’y appliquai donc avec le concours d’un public choisi que je supposais acquis, persuadé que des relais étaient déjà bien engagés sur le terrain pour une perception esthétique mieux partagée et une reconnaissance sociale, indispensable à toute patrimonialisation, légitimant les efforts qu’elle demande à la collectivité.
J’ai donc procédé à l’enregistrement phonographique d’un entretien empirique portant sur l’itinéraire de vie de ce couple de personnes âgées, dont les expériences professionnelles. Le point de rupture était le passage à la retraite et la reconversion immédiate de cet autodidacte en « sculpteur-modeleur » auto-désigné. Le verbatim a été versé au dossier du Jardin à la Conservation des Monuments historiques à la DRAC de Poitiers, où il est éventuellement consultable. Les phonogrammes originaux seront versés, le moment venu, au Fonds Valière, à la Maison des sciences humaines et de la société à l’Université de Poitiers.
J’apprendrai ainsi que Gabriel Albert est né au Pin de Nantillé , le 19 octobre 1904, et qu’il est y resté jusqu’à l’âge de vingt-deux ans, en 1926. Puis il s’installe à Chez Audebert au mois de mai 1941/1942. Avec son épouse, ils demeuraient auparavant à La Tranche, commune d’Asnières (Charente-Maritime) où il avait « débuté à la terre », dans une famille de cultivateurs. Puis, il a fait, ce sont ses mots, « un peu de tout ». Au début de la guerre, il avait succédé à son beau-père comme laitier, avec des chevaux, mais aussi, pour l’anecdote, avec un gazo, au bois, « c’était une combine », selon lui. Soit dit, entre parenthèses, qu’une autre passion de sa vie, outre le modelage de statues, c’étaient les moteurs. C’est ce qui lui a fait « grand plaisir » dans la vie. « Vous pouvez pas vous imaginer le plaisir que j’avais quand ça tournait... un moteur pour moi, c’était... un dieu ! Un moteur, n’importe quel moteur !... Oh oui, j’aime les moteurs, ce qui fait du potin ; ce qui fait du bruit ! » Étonnante d’ailleurs cette confidence sur la conception d’un « dieu objet » (1988), forgée par le désir et l’imaginaire de cet homme se confrontant avec passion et ténacité à la matière brute. En tout état de cause, force est de reconnaître que cette expression et nombre de ses créations signent un certain sens du sacré chez lui, « sacré » dont le sociologue et philosophe Roger Caillois dit qu’il apparaît « comme une catégorie de la sensibilité » (1983 : p.18). Malheureusement, Gabriel ayant été plutôt peu enclin au « narratif », je n’en saurai guère davantage sur sa « fiction » encore moins sur sa sensibilité que l’on ne peut que ressentir pourtant à la fréquentation assidue de son œuvre. Sans doute, donnait-il à entendre qu’il aurait aimé et tout aussi bien pu collectionner avec la même passion dévorante les moteurs, voire en inventer de nouveaux, bricolés à sa manière. Sans souci du modèle, de la matière ou de l’usager autre que lui-même, le créateur de son propre univers, circonscrit aux limites de son espace vital ! Pas davantage de l’utilisation, apparemment indifférent à toute préoccupation pratique (Lévi-Strauss, 2008, p. 590 et passim) ! Je subodore que, finalement, c’est bien cette insularité intellectuelle et créatrice dans sa propre société, qui questionne les siens et les voisins, interpelle ses contemplateurs de passage, intrigue ses observateurs bienveillants dont l’ethnologue attentif à ne pas se laisser prendre dans le texte d’un Autre.
On l’a dit aussi scieur de long, avant de commencer son métier principal de menuisier qu’il cessera le jour même de sa retraite, non sans avoir vendu ses machines et ses outils, ce qui ne manqua pas de surprendre, voir ainsi un artisan se défaire de ses instruments de travail. Je dis « principal » puisqu’il avait installé une station de distribution de carburants – où l’on retrouve le goût des moteurs ! – devant sa porte, souvenir inscrit dans le jardin et sanctuarisé par une disposition de statues, notamment de bustes, qui respecte le plan de circulation des voitures sur ce lieu de ravitaillement routier.
En fait, il était surtout ébéniste, parce que pour la charpente, me dit-il, « il faut être deux », ajoutant : « j’ai fait ça pour gagner ma vie, moi. » Il confia : « J’aimais pas la culture, alors je suis passé tout doucement... » Il opta donc pour un autre métier plus attrayant à ses yeux. Il fera lui-même ses meubles, dont un petit buffet en « ormeau galeux », précisera son épouse, dont il a « pris le modèle sur un catalogue » avouera-t-il. C’est elle encore qui résumera son itinéraire à partir de leur mariage : « Quand on s’est mariés, alors il a cultivé les terres avec moi, il a fait le laitier pendant quelques années, il a quitté, parce que nous sommes venus ici soigner une tante. Alors il a quitté toute la terre, on les a données à faire, et puis, ici, il a fait la menuiserie. Et après la menuiserie, à sa retraite, alors il s’est mis dans l’idée de faire ses statues. »
Il remplira ainsi son jardin d’environ 420 pièces figuratives dont des animaux, sans stylisation ni schématisme. Une vingtaine d’entre elles disparaîtront, basses œuvres de voleurs qui n’ont pas hésité à escalader les grillages à l’arrière de la parcelle. On comprendra qu’une clôture plus solide s’est vite avérée nécessaire. Par ailleurs, compte tenu des injures du temps, et notamment de la fameuse tempête, dite « de 1999 », qui a mis à mal plusieurs éléments, une étude sur l’état sanitaire de la statuaire semble tout aussi nécessaire, préalable à toute initiative de restauration et d’accueil d’un public.
L’univers imaginaire d’un sculpteur-modeleur
Chez Gabriel Albert, s’accumulent les souvenirs d’une vie à se chercher professionnellement, mais aussi au plan artistique et culturel. Son milieu, ses apprentissages empiriques : « J’ai tout le temps aimé ça, le travail manuel... Je faisais ça ‘naturellement’. Je faisais toutes espèces de petits engins. » « Jusqu’à un violon ! ». « J’ai fait un fusil ! » Puis il précisera : « C’était un violon à une corde, seulement ! » Curieux de tout, il était aussi « musicien » et jouait de la clarinette « en ébène ». Quand il était « garçon » dira-t-il, « ça était mon travail avec, pendant quinze ans... J’allais jouer aux bals ; je faisais les bals. » « J’avais seize ans environ, et j’ai arrêté quand on s’est mariés. » « On était cinq ou six musiciens dans le pays, on jouait ensemble. D’autres fois, on jouait tout seul. Souvent tout seul. » Ils étaient tous du coin : Le Pin, Chez Audebert. Il se souvient avoir appris la musique à Ébéon, avec monsieur G. Quant au répertoire de ce musicien de village, auquel moi-même je m’intéressais, il me répondra avec le sourire : « Eh oui. Sûrement. Ça, on n’oublie jamais ! On ne peut pas oublier ça ! J’ai joué des valses, pour commencer, des valses... Pas de quatre, scottish, mazurka, les quadrilles, les Lanciers, les marches pour aller boire un coup... »
Il était en fait comme ça le sculpteur-modeleur Gabriel, vif et enjoué, sensible à la musique, à ses sonorités, mais aussi amateur du bruit des moteurs, et pourtant davantage porté à la création d’êtres muets, murés dans l’éloquence de leur silence, silence où il se complaisait dans la contemplation sans fin de ses propres œuvres. Parmi elles figure sa propre effigie, en bleu de chauffe, double mètre dans une poche latérale, le crayon dans l’autre, adossée à une cloison de son atelier tout de tôle ondulée. Il y voisinait avec le génial Pasteur, savant bienfaiteur du peuple, représenté dans la même posture et cela le réjouissait. Bien d’autres personnages illustres, tels des gens du spectacle vivant, du cinéma, du monde politique et militaire figurent dans le jardin, mais aussi de bien moins recommandables à l’instar de Landru, figé la main au front pour signifier sa honte pour ses forfaits, comme le glosera l’artiste en ma présence, lors d’une de nos visites partagées. Un groupe de huit danseuses, réalisées vers 1982, et disposées sur un cercle, a fait l’objet d’un vol de quatre d’entre elles. Seraient-elles les plus gracieuses ? les moins pesantes et donc les plus faciles à enlever ?
Le monde paysan est lui aussi mis en représentation avec des personnages parfois en costumes régionaux, parfois caricaturés à la façon du dessinateur saintongeais Barthélemy Gautier. Des scènes de genre ont également été reproduites, avec en premier chef, auprès de l’atelier, l’Angélus de J.-F. Millet, un incontournable du milieu rural. Retenons encore, la fable enfantine du Corbeau et du Renard, ou encore le conte de Blanche-Neige et des sept nains.
Il ne s’agit pas ici de passer en revue les fiches dressées par le service patrimoine du Conseil général et celles dues à l’Inventaire (Allard et Ourry, 2009) que l’on peut découvrir en ligne en même temps que les photos des statues in situ, des vues de l’atelier, des données techniques de fabrication, mais de donner un point de vue d’ensemble. Nous devons comprendre que Gabriel Albert, s’appuyant sur une iconographie aléatoire, non organisée, glanée au gré du temps dans son environnement familier, puise en fait, pour sa création, ou plus justement, en reprenant Marc Augé (1997), pour sa « recréation culturelle », dans une totalité symbolique, à savoir le complexe « imaginaire et mémoire collectifs » de la collectivité humaine à laquelle il appartient, et qui constituent pour lui comme pour tout un chacun une source d’élaboration et de créations discursives.
Vous trouverez une bibliographie établie par Michel Valière en annexe dans la partie " commentaires" ....
* LES GRIGRIS DE SOPHIE ET LE JARDIN DE GABRIEL
(cliquer sur le lien)
Je suis entrée en contact avec lui grâce à Claire Dumontet . Nous avons eu des contacts téléphoniques et il a accepté d'écrire pour Les Grigris ce texte, témoignage précieux d'une rencontre et d'une belle entreprise ....
Des planches de statues dans le jardin muscaté de Gabriel Albert
Approche ethnographique d'une création controversée par Michel Valière, ethnologue ©
Je suppose que l’invitation sur ce blog est liée à ma posture d’ethnographe qui aura retenu l’attention de sa pilote. Elle fait suite à mon activité en Poitou-Charentes, aux environs de Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime), en Saintonge romane, en raison de l’invention, au sens archéologique, d’un site singulier : Le Jardin de Gabriel à Nantillé. « Invention », à partir des intuitions d’un beau-frère, des audaces d’un maire rural et des initiatives d’un ethnologue-médiateur. Je remercie ici tous ceux qui ont manifesté un certain intérêt à l’œuvre de Gabriel Albert, l’un de ces « irréguliers », artiste autodidacte à la démarche isolée. En décembre 2005, lors de la journée sur les habitats poétiques au Musée de Lille-Europe, à Villeneuve d’Ascq, l’occasion m’a été offerte de commenter en public le verbatim de mon entretien avec le sculpteur modeleur de Nantillé. Plusieurs blogs, et non des moindres (Animula vagula ; puis Le Poignard subtil) devenus des références en matière d’Art brut, ont puissamment contribué à tracer le sillon de la notoriété du Jardin de Gabriel, prélude à sa reconnaissance institutionnelle comme à celle d’un plus large public que celui qui jusque-là était resté plutôt confidentiel. Ajoutons que le vendredi 17 février 2012, s’est constituée, à l’initiative de Michel Mazouin, président de l’Office de tourisme de Saint-Jean-d’Angély et de Saint-Hilaire de Villefranche, l’Association des amis du Jardin de Gabriel (préexistante d’une manière informelle depuis 2006).
Quand questionner c’est inventer
Ainsi, à la fin des années quatre-vingts, Francis Gardré, musicien, est venu me consulter à mon domicile, alors à Gençay (Vienne), en compagnie de l’un de ses amis, Gérard Beau, alors maire de la commune de Nantillé, instrumentiste également. Il s’agissait pour celui-ci de recueillir mon avis sur une question qui concernait sa commune rurale. En effet, il se montrait extrêmement préoccupé du devenir d’une petite maison, de ses meubles, d’une courette et d’un jardinet remplis de statues diverses, après la disparition naturelle des propriétaires déjà âgés. Toutes ces statues, « posées là », apparemment sans fonction aucune, paraissaient à tout un chacun assez « mystérieuses ». Francis Gardré évoquant cette période, me rappelait son propre étonnement à voir « tous ces gens qui passaient » : « Les gens ralentissaient, n’osaient pas s’arrêter parler à ce vieux monsieur dans son jardinet. » Vieux monsieur, assis sur une chaise, devant sa porte, environné de ses êtres de ciment colorés dans la masse. Ce site paraissait aux yeux de Francis « unique... unique dans la mesure où ‘il’ faisait ça par passion ; c’était pour lui, pas pour un but commercial ».
Revenant sur notre premier entretien, une quinzaine d’années plus tard, monsieur Gérard Beau me redira dans les mêmes termes, ce qu’il m’avait déjà énoncé : « J’ai eu vent que des gens de Bordeaux, d’Espagne, étaient venus pour voir monsieur Albert, pour acheter la collection. Alors j’ai eu peur de voir tout partir. » C’est donc cette crainte d’une perte pour la commune et pour la région qui, en conséquence, a motivé mon propre engagement sur la voie de la recherche d’une protection institutionnelle ; à mon avis du moment, seul un outil juridique public pouvait faire espérer une pérennisation, une inscription dans le temps des rêves de Gabriel.
Pourquoi cette crainte et cette peur de l’ancien maire d’aller lui-même directement rencontrer l’artiste ? Peur d’essuyer un refus, et lequel exactement ? N’était-ce pas plutôt la peur de l’étrangeté de ce créateur hors du commun, au cœur de la storytelling villageoise ? Peur d’une nouvelle charge communale ? Quoiqu’il en soit, c’est à partir de là que cet élu, bien conscient des difficultés à venir, amorcera un premier pas en direction des services de la Culture. Il accueillera les diverses personnes dépêchées sur place : architectes, conseiller artistique, conservateurs du patrimoine. Il s’ensuivit des visites, des rencontres, des articles dans la presse et les magazines qui se succédèrent avec un curieux effet boule de neige.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et un livre paru au printemps 2011 lui a été consacré par la Région Poitou-Charentes-Inventaire général du patrimoine culturel. Cet ouvrage est le fruit d’une observation sur une période d’une vingtaine d’années, d’une recherche documentaire, d’une campagne photographique dans la perspective d’un inventaire exhaustif, en principe, concernant un ensemble de plusieurs centaines de statues en pied et des bustes disposés dans le jardin de l’intéressé tout autour de sa petite maison, construite de ses propres mains, ainsi que les meubles principaux, comme d’ailleurs, un modèle réduit de moulin à vent décoratif à l’extérieur. Ainsi, au fil des années, a-t-on pu voir les planches de légumes se convertir peu à peu en planches de statues, à l’ombre d’un noyer et d’une treille de raisin muscaté, hélas aujourd’hui disparue.
La profusion créatrice de Gabriel Albert n’a pas manqué d’interpeller, tout d’abord son environnement immédiat, et en particulier ses concitoyens, mais aussi les édiles, sans parler des nombreux voyageurs empruntant, en limite des communes de Bercloux et de Nantillé, la route départementale 129 sur l’ancien tracé de la voie romaine reliant les villes de Poitiers et de Saintes. Les statues, parquées dans l’enclos grillagé de la maison, au lieu-dit Chez Audebert, semblent s’adresser aux passants par un geste de salut, un regard ou une mimique. En cela, le jardinier de statues a pu être qualifié d’inspiré de bord de route, et par delà être désigné, disons-le sans esprit de polémique, un peu rapidement comme un artiste sinon naïf, en tout cas ressortissant, dit-on parfois, à l’Art brut.
Un ethnographe dans le jardin d’un habitant-paysagiste
On aura compris que mon implication dans la recherche du maintien de ce site et des statues sur place est liée à mon appartenance à un réseau familial disons de parentèle et de clientèle. Rien auparavant ne me prédisposait, du point de vue professionnel, à intervenir sur un domaine réputé appartenir exclusivement au champ artistique. Toutefois, depuis de longues années déjà, l’art populaire (ou déclaré tel) est censé tomber dans l’escarcelle des ethnologues, bien que, comme on peut le voir dans les musées d’ethnographie, dits aussi d’arts et traditions populaires, on ne puisse pas toujours trancher entre l’intérêt pour une certaine perfection formelle d’un objet et celui de sa valeur représentative pour le groupe social qui l’a imaginé, l’a élaboré, l’a rejeté, parfois recyclé, enfin réformé et voué à l’oubli avant une redécouverte éventuelle, une artification probable et souvent une patrimonialisation.
Ainsi, je me suis d’abord familiarisé avec les lieux, le jardin, par des visites successives, impromptues, puis en me faisant reconnaître par les propriétaires des lieux. Je dois ici avouer que ma décision d’engagement en faveur de cette œuvre est littéralement née lors d’une de ces visites une fin d’après-midi d’octobre. En effet, immobilisé sous la treille de raisins muscats que je dégustais au milieu de statues généreusement colorisées par un soleil couchant dans un silence sépulchral je fus saisi d’une véritable commotion esthétique (stendhalienne). La beauté de l’instant et des œuvres s’imposaient à moi, me convaincant une fois encore, si besoin était, que vraiment « la relation physique entre les objets et les sujets fait culture », en empruntant à M.-P. Julien et C. Rosselin (2005 : p. 6). Une idée fulgurante me traversa l’esprit : tout mettre en œuvre pour sauver d’une destruction cette statuaire vraiment remarquable. Elle me parut alors relever de l’évidence, hors toute réflexion de type juridique ou économique. Je m’y appliquai donc avec le concours d’un public choisi que je supposais acquis, persuadé que des relais étaient déjà bien engagés sur le terrain pour une perception esthétique mieux partagée et une reconnaissance sociale, indispensable à toute patrimonialisation, légitimant les efforts qu’elle demande à la collectivité.
J’ai donc procédé à l’enregistrement phonographique d’un entretien empirique portant sur l’itinéraire de vie de ce couple de personnes âgées, dont les expériences professionnelles. Le point de rupture était le passage à la retraite et la reconversion immédiate de cet autodidacte en « sculpteur-modeleur » auto-désigné. Le verbatim a été versé au dossier du Jardin à la Conservation des Monuments historiques à la DRAC de Poitiers, où il est éventuellement consultable. Les phonogrammes originaux seront versés, le moment venu, au Fonds Valière, à la Maison des sciences humaines et de la société à l’Université de Poitiers.
J’apprendrai ainsi que Gabriel Albert est né au Pin de Nantillé , le 19 octobre 1904, et qu’il est y resté jusqu’à l’âge de vingt-deux ans, en 1926. Puis il s’installe à Chez Audebert au mois de mai 1941/1942. Avec son épouse, ils demeuraient auparavant à La Tranche, commune d’Asnières (Charente-Maritime) où il avait « débuté à la terre », dans une famille de cultivateurs. Puis, il a fait, ce sont ses mots, « un peu de tout ». Au début de la guerre, il avait succédé à son beau-père comme laitier, avec des chevaux, mais aussi, pour l’anecdote, avec un gazo, au bois, « c’était une combine », selon lui. Soit dit, entre parenthèses, qu’une autre passion de sa vie, outre le modelage de statues, c’étaient les moteurs. C’est ce qui lui a fait « grand plaisir » dans la vie. « Vous pouvez pas vous imaginer le plaisir que j’avais quand ça tournait... un moteur pour moi, c’était... un dieu ! Un moteur, n’importe quel moteur !... Oh oui, j’aime les moteurs, ce qui fait du potin ; ce qui fait du bruit ! » Étonnante d’ailleurs cette confidence sur la conception d’un « dieu objet » (1988), forgée par le désir et l’imaginaire de cet homme se confrontant avec passion et ténacité à la matière brute. En tout état de cause, force est de reconnaître que cette expression et nombre de ses créations signent un certain sens du sacré chez lui, « sacré » dont le sociologue et philosophe Roger Caillois dit qu’il apparaît « comme une catégorie de la sensibilité » (1983 : p.18). Malheureusement, Gabriel ayant été plutôt peu enclin au « narratif », je n’en saurai guère davantage sur sa « fiction » encore moins sur sa sensibilité que l’on ne peut que ressentir pourtant à la fréquentation assidue de son œuvre. Sans doute, donnait-il à entendre qu’il aurait aimé et tout aussi bien pu collectionner avec la même passion dévorante les moteurs, voire en inventer de nouveaux, bricolés à sa manière. Sans souci du modèle, de la matière ou de l’usager autre que lui-même, le créateur de son propre univers, circonscrit aux limites de son espace vital ! Pas davantage de l’utilisation, apparemment indifférent à toute préoccupation pratique (Lévi-Strauss, 2008, p. 590 et passim) ! Je subodore que, finalement, c’est bien cette insularité intellectuelle et créatrice dans sa propre société, qui questionne les siens et les voisins, interpelle ses contemplateurs de passage, intrigue ses observateurs bienveillants dont l’ethnologue attentif à ne pas se laisser prendre dans le texte d’un Autre.
On l’a dit aussi scieur de long, avant de commencer son métier principal de menuisier qu’il cessera le jour même de sa retraite, non sans avoir vendu ses machines et ses outils, ce qui ne manqua pas de surprendre, voir ainsi un artisan se défaire de ses instruments de travail. Je dis « principal » puisqu’il avait installé une station de distribution de carburants – où l’on retrouve le goût des moteurs ! – devant sa porte, souvenir inscrit dans le jardin et sanctuarisé par une disposition de statues, notamment de bustes, qui respecte le plan de circulation des voitures sur ce lieu de ravitaillement routier.
En fait, il était surtout ébéniste, parce que pour la charpente, me dit-il, « il faut être deux », ajoutant : « j’ai fait ça pour gagner ma vie, moi. » Il confia : « J’aimais pas la culture, alors je suis passé tout doucement... » Il opta donc pour un autre métier plus attrayant à ses yeux. Il fera lui-même ses meubles, dont un petit buffet en « ormeau galeux », précisera son épouse, dont il a « pris le modèle sur un catalogue » avouera-t-il. C’est elle encore qui résumera son itinéraire à partir de leur mariage : « Quand on s’est mariés, alors il a cultivé les terres avec moi, il a fait le laitier pendant quelques années, il a quitté, parce que nous sommes venus ici soigner une tante. Alors il a quitté toute la terre, on les a données à faire, et puis, ici, il a fait la menuiserie. Et après la menuiserie, à sa retraite, alors il s’est mis dans l’idée de faire ses statues. »
Il remplira ainsi son jardin d’environ 420 pièces figuratives dont des animaux, sans stylisation ni schématisme. Une vingtaine d’entre elles disparaîtront, basses œuvres de voleurs qui n’ont pas hésité à escalader les grillages à l’arrière de la parcelle. On comprendra qu’une clôture plus solide s’est vite avérée nécessaire. Par ailleurs, compte tenu des injures du temps, et notamment de la fameuse tempête, dite « de 1999 », qui a mis à mal plusieurs éléments, une étude sur l’état sanitaire de la statuaire semble tout aussi nécessaire, préalable à toute initiative de restauration et d’accueil d’un public.
L’univers imaginaire d’un sculpteur-modeleur
Chez Gabriel Albert, s’accumulent les souvenirs d’une vie à se chercher professionnellement, mais aussi au plan artistique et culturel. Son milieu, ses apprentissages empiriques : « J’ai tout le temps aimé ça, le travail manuel... Je faisais ça ‘naturellement’. Je faisais toutes espèces de petits engins. » « Jusqu’à un violon ! ». « J’ai fait un fusil ! » Puis il précisera : « C’était un violon à une corde, seulement ! » Curieux de tout, il était aussi « musicien » et jouait de la clarinette « en ébène ». Quand il était « garçon » dira-t-il, « ça était mon travail avec, pendant quinze ans... J’allais jouer aux bals ; je faisais les bals. » « J’avais seize ans environ, et j’ai arrêté quand on s’est mariés. » « On était cinq ou six musiciens dans le pays, on jouait ensemble. D’autres fois, on jouait tout seul. Souvent tout seul. » Ils étaient tous du coin : Le Pin, Chez Audebert. Il se souvient avoir appris la musique à Ébéon, avec monsieur G. Quant au répertoire de ce musicien de village, auquel moi-même je m’intéressais, il me répondra avec le sourire : « Eh oui. Sûrement. Ça, on n’oublie jamais ! On ne peut pas oublier ça ! J’ai joué des valses, pour commencer, des valses... Pas de quatre, scottish, mazurka, les quadrilles, les Lanciers, les marches pour aller boire un coup... »
Il était en fait comme ça le sculpteur-modeleur Gabriel, vif et enjoué, sensible à la musique, à ses sonorités, mais aussi amateur du bruit des moteurs, et pourtant davantage porté à la création d’êtres muets, murés dans l’éloquence de leur silence, silence où il se complaisait dans la contemplation sans fin de ses propres œuvres. Parmi elles figure sa propre effigie, en bleu de chauffe, double mètre dans une poche latérale, le crayon dans l’autre, adossée à une cloison de son atelier tout de tôle ondulée. Il y voisinait avec le génial Pasteur, savant bienfaiteur du peuple, représenté dans la même posture et cela le réjouissait. Bien d’autres personnages illustres, tels des gens du spectacle vivant, du cinéma, du monde politique et militaire figurent dans le jardin, mais aussi de bien moins recommandables à l’instar de Landru, figé la main au front pour signifier sa honte pour ses forfaits, comme le glosera l’artiste en ma présence, lors d’une de nos visites partagées. Un groupe de huit danseuses, réalisées vers 1982, et disposées sur un cercle, a fait l’objet d’un vol de quatre d’entre elles. Seraient-elles les plus gracieuses ? les moins pesantes et donc les plus faciles à enlever ?
Le monde paysan est lui aussi mis en représentation avec des personnages parfois en costumes régionaux, parfois caricaturés à la façon du dessinateur saintongeais Barthélemy Gautier. Des scènes de genre ont également été reproduites, avec en premier chef, auprès de l’atelier, l’Angélus de J.-F. Millet, un incontournable du milieu rural. Retenons encore, la fable enfantine du Corbeau et du Renard, ou encore le conte de Blanche-Neige et des sept nains.
Il ne s’agit pas ici de passer en revue les fiches dressées par le service patrimoine du Conseil général et celles dues à l’Inventaire (Allard et Ourry, 2009) que l’on peut découvrir en ligne en même temps que les photos des statues in situ, des vues de l’atelier, des données techniques de fabrication, mais de donner un point de vue d’ensemble. Nous devons comprendre que Gabriel Albert, s’appuyant sur une iconographie aléatoire, non organisée, glanée au gré du temps dans son environnement familier, puise en fait, pour sa création, ou plus justement, en reprenant Marc Augé (1997), pour sa « recréation culturelle », dans une totalité symbolique, à savoir le complexe « imaginaire et mémoire collectifs » de la collectivité humaine à laquelle il appartient, et qui constituent pour lui comme pour tout un chacun une source d’élaboration et de créations discursives.
Vous trouverez une bibliographie établie par Michel Valière en annexe dans la partie " commentaires" ....
* LES GRIGRIS DE SOPHIE ET LE JARDIN DE GABRIEL
(cliquer sur le lien)
BIBLIOGRAPHIE
RépondreSupprimerALLARD Thierry et OURRY Yannn (2009), Inventaire topographique du Jardin de Gabriel, Nantillé (Charente-Maritime), Poitiers, Conseil Régional Poitou-Charentes, dossiers documentaires de l'inventaire général du patrimoine culturel.
AUGÉ Marc, La Guerre des rêves. Exercices d’ethno-fiction, Paris, Seuil, 1997.
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VALIÈRE Michel, Le Conte populaire : approche socio-anthropologique, Paris, Colin, 2006.
VALIÈRE, Michel, « Le Jardin de Gabriel en devenir » et « Verbatim de l’enregistrement de Gabriel Albert réalisé le 13 novembre 1991 » dans le dossier documentaire de la conservation régionale des Monuments Historiques, Poitiers, Direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charentes, 2008.
Voici la série des questions que j'ai posées à Michel Valière :
RépondreSupprimer1) Michel Valière sur votre blog « Belvert, l’ethnologue « cultures et territoires »… » le premier article concernant Le Jardin de Gabriel remonte à avril 2006 et évoque une réunion « pour la sauvegarde du lieu et la dynamisation de cette œuvre » et le dernier article en date du 6 décembre 2011 concerne le prix des Mouettes 2011 attribué au magnifique ouvrage « Le Jardin de Gabriel ».
Je pense qu’il est impossible de résumer ici six années de travail (de combat) mais pourriez- vous tout d’abord me dire à quand remonte votre intérêt, votre amour du lieu ?
Pensez-vous que c’est parce que vous avez connu l’homme que vous avez eu le désir de sauver le site ?
2) Vous m’avez dit par téléphone que vous aviez connu Gabriel Albert. Pouvez-vous nous parler de lui ? Se vivait- il comme un artisan ou comme un artiste ? Était-il dans le besoin de créer ? Travaillait-il tous les jours ?
3) Pourriez-vous nous dire comment cet homme était perçu par les gens du village, par son entourage ?
Ses représentations de danseuses mais surtout de femmes nues ou en partie dénudées ont-elles été à l’origine de difficultés relationnelles ?
4) Devant la porte de son atelier Gabriel Albert a placé une statue à son effigie, cette statue qui tend la main au visiteur et cherche à nouer des liens avec lui est-elle à l’image de son créateur ?
Gabriel Albert était il un homme sociable, affable ?
Avait –il du bonheur à parler de son travail et l’envie de montrer ?
5) Nous avons été, ma fille et moi, subjuguées par le charme désuet des statues. Vous qui avez connu le site à ses débuts, pensez –vous que ce sentiment de tristesse si violent aujourd’hui, était déjà présent du vivant de Gabriel Albert ou celui-ci était –il un homme joyeux donnant vie à des personnages colorés ?
6 ) Un livre a été édité, un remarquable inventaire a été réalisé, que reste t’il à faire aujourd’hui pour que l’on puisse estimer Le Jardin de Gabriel sauvé ? Quel est l’avenir du lieu ? Peut-on envisager les statues à l’air libre ? Nous avons eu beaucoup de bonheur à découvrir non seulement le jardin mais l’atelier et la maison de Gabriel. Feront-ils partie de la visite ? Quand on sait l’importance des revues et des magazines dans son inspiration et qu’on découvre les piles de journaux, les outils, on est dans l’émotion et la présence presque tangible de l’homme.
7) Diriez-vous que Gabriel Albert fut un homme heureux ? Pensez-vous que ses statues lui ont apporté joie et réconfort ?
Évoquait-il parfois la pérennité du lieu ?