samedi 28 juillet 2012

NDEBELE : L'ART D'UNE TRIBU D'AFRIQUE DU SUD


Un ouvrage à s'offrir ou offrir !









Un texte de Sophie DULUCQ :


" Ce très bel ouvrage de la photographe namibienne Margaret Courtney-Clarke, publié primitivement aux États-Unis en 1986 (Rizzoli), a contribué à faire connaître internationalement les peintures ndebele d'Afrique du Sud, ces larges figures géométriques en aplat sur les murs des concessions, ces compositions savantes aux couleurs lumineuses, aux motifs complexes rythmés de noir et de blanc.
La réunion des Musées de France a même édité un jeu de cartes inspiré de ces motifs décoratifs, en écho sans doute à une exposition qui s'est tenue il y quelques années au Centre Pompidou sur les « magiciens de la terre ».
L'ouvrage nous fait découvrir, en plusieurs centaines de photographies couleur, les créations des femmes de l'ethnie ndebele ­ ou, plus exactement, d'un sous-groupe, celui de la région du Sud-Transvaal, au nord de Pretoria et Johannesbourg.
De mère en fille, ces femmes perpétuent l'art de la peinture murale, peignant et décorant leur maison ( indlu), assumant leur condition de femmes mariées à travers cette « prérogative exclusivement féminine », dans laquelle s'affirme, picturalement et socialement, l'identité de chacune : « une épouse se distingue des autres femmes par le style de ses décorations murales, le choix des couleurs et sa technique de construction », par son inventivité, la richesse et la rigueur de ses compositions, dans un savant jeu de respect des conventions esthétiques traditionnelles et de prise de distance par rapport à ce registre commun.
L'une des grandes réussites de cet ouvrage, au-delà de l'inventaire artistique (qui aurait eu en soi sa propre justification), est de dépeindre un art décoratif populaire en mouvement, loin de toute représentation figée : Margaret Courtney-Clarke s'attache à photographier, à identifier, à faire parler les créatrices de ces œuvres, à les interroger sur leur vie quotidienne, leur formation, leurs motivations, leurs sources d'inspiration, leurs techniques, les évolutions et les adaptations récentes auxquelles elles contribuent. Elle montre ainsi comment les « valeurs occidentales » ont pénétré l'iconographie et la symbolique ndebele, tant par l'introduction de thématiques chrétiennes que par l'apparition de symboles « modernes » réappropriés (avions, ampoules électriques, antennes de télévision, poteaux téléphoniques, entrent désormais dans la décoration complexe des façades).
En effet, rejetant toute approche esthétisante ou folklorisante, Margaret Courtney-Clarke replace intelligemment l'art populaire ndebele dans le contexte historique, socio-culturel, économique et technique de l'Afrique du Sud contemporaine. Elle démontre combien cet art décoratif multiforme (peintures murales, mais aussi tissages de perles, art textile, etc.) a pâti des années destructrices de l'apartheid, de la politique des bantoustans, de l'exode rural et de l'urbanisation péri-industrielle. Une bibliographie indicative, un index des artistes rencontrées (nom et localisation), un lexique des principaux termes, fournissent des instruments précieux pour entrer plus avant dans l'univers artistique ndebele.

Notons qu'un autre ouvrage de Margaret Courtney-Clarke, consacré à l'art mural des femmes de l'ouest africain, a également été publié chez Arthaud en 1990 sous le titre " Tableaux d'Afrique" . On y retrouve cette approche esthétique, anthropologique, sociologique et historique ­ et tout simplement chaleureuse et humaine ­ qui fait la valeur de ce regard porté sur les créatrices africaines."





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