dimanche 12 août 2012

MARIE MOREL A LA CHAPELLE DES URSULINES A QUIMPERLE


Marie Morel et le le chant de la vie, Marie Morel EST le chant de la vie.
Il faut aller à Quimperlé passer des heures dans cette somptueuse exposition .
Il faut plonger dans chaque tableau, se perdre dans les détails ....




Qui mieux qu' Odette Ducarre, sa mère, pouvait écrire sur le travail-passion de Marie ?

Voici un texte rédigé en avril 2012 :

Ma fille


" Le petit atelier, une grotte oppressante… Les stalactites de dentelle, de ficelle et de rubans, les filaments d’étoupe. Cartons, images, photographies, étoffes froissées. Des mots sont écrits à l’encre noire sur des boîtes : médailles de mon papa, articles sur Marie Morel, bouts de tissu, noir blanc, trucs pour les collages, tulle, poussière, matières. D’autres boîtes sont empilées en fouillis avec des livres et des plumes d’oiseau.

Une ampoule nue, au bout d’un fil, éclaire un recoin.

Il n’y a plus de plancher bas, plus de plancher haut. Il n’y a plus de murs, c’est comme si le dépôt de fondation montait jusqu’au ciel.

La fenêtre est murée par l’accumulation. Je sais que de l’autre côté il y a le dehors : un jardin ! Au milieu, pas tout à fait au centre, un peu sur la droite près des framboisiers, un enclos, de terre noire. Les salades, les haricots, la menthe dessinent un tableau vert. À l’angle, la touche rouge des fraises, l’été.

Le carré est encadré par des piquets piqués dans la terre. Ce sont des petits bouts de bois précautionneusement alignés par Marie, bien comme il faut sur les quatre côtés.

Plus loin, le vieux pommier. Après c’est la campagne, et la montagne.

Dans la « caverne » Marie entasse les trésors avec le fourbi. Des cartons emplis de dessins et de lettres de Louis Pons, de Pierre Bourgeade, d’Ernest Pignon-Ernest, de Jean Rustin, des peintures de Maurice Fanciello, des photographies de Claude Alexandre… Et encore ce qui n’est pas visible, caché ou enfoui dans le dédale.

Elle invente des étoiles pour sa crypte, dessine des nus, des corps éparpillés, des arbres, des oiseaux. Des oiseaux il y en a partout. Les nuages d’images sont traversés par des corneilles.

À trois ans, invitée des grands espaces, elle peignait sur les murs.

Nous nous perdons là où elle se trouve à l’aise, tranquille, assise sur un coussin fripé. Elle est belle, elle a l’air sage.

C’est dans le recoin éclairé par l’ampoule nue qu’elle réalise les petits formats.

À portée de la main les trouvailles à foison. Les photographies de ses « adorés » : les morts et les vivants.

Les pastels usés, frottés, sont devenus sales en petits morceaux cassés. Les pinceaux trempent, avec les branches et les porte-plume dans des pots.

On n’entend pas la pluie. La caverne est molletonnée par l’épaisseur de l’entassement.

Les plis, les nœuds nous retiennent. Nous ne pouvons pas sortir de cette sacristie païenne.

L’ombre.

Dans le grand atelier, c’est une autre histoire…

Un immense châssis est posé sur le sol. Une planche sert de passerelle pour travailler d’un bout à l’autre. Marie est parfois couchée sur le tableau. Les artistes de l’action painting peignent par terre, et souvent avec un balai. La peinture de Marie Morel n’est pas une peinture gestuelle, instinctive. Le résultat n’est pas aléatoire. Elle dirige, conduit son œuvre, souvent elle en fait un récit. C’est de la peinture et de l’écriture.

Les tableaux de Marie sont construits. Je ne sais pas si, avant de commencer, elle a une vision de l’œuvre terminée ou si l’œuvre se bâtit au fur et à mesure.

Avec une application minutieuse.

Au dos du tableau il y a le titre, comme celui d’un roman : descriptif préambule à la narration.

Le jour, la nuit, ici ou là, elle travaille. Elle porte avec elle ses pastels et ses encres.

Elle joue du piano, ou de la flûte traversière, ou encore du violoncelle, selon…

La couleur chez Marie n’est jamais celle du tube. Elle mélange toujours les couleurs entre elles, 50 % de blanc de titane, 30 %  à 70 % de noir, et une ou deux autres couleurs selon le tableau. Elle peut rajouter des poudres inconnues glanées dans les allées.

On en a le tournis comme avec le disque de Newton pour l’addition des couleurs.

Elle sait ce qui va s’ensuivre…

Avec ce brun Van Dick qui lui fut un temps indispensable.

Le rouge cochenille, le noir de Mars, beaucoup de noir de Mars, il est plus chaud que le noir d’ivoire.

Parfois ce sont les bleus, le tumultueux bleu de Prusse qui s’impose, s’installe, se répand, domine, à la façon du noir dans les dessins de Michaux, ou même dans ceux de Victor Hugo.

La peinture de Marie Morel raconte.

Elle montre, elle s’implique, elle crie, elle dénonce, elle aime, elle peint la vie. Sa propre vie.

Pierre Szekely le disait bien : l’art est là pour témoigner, crier gare, crier grâce !

Marie est libre. Elle se veut témoin des silences, des poisons, des opprobres.

Elle nous prévient que le ciel peut tomber.

Elle ne peint jamais les villes. La perspective ne l’intéresse pas. Le solfège la passionne.

Petite fille, elle dessinait des plans de maison. Ce n’étaient pas des habitacles inhabitables, mais des maisons pour de vrai, comme dans les descriptions de Bachelard : de la cave au grenier.

J’écoute La Petite Fille sage de Poulenc, et je n’entends plus.

Je suis absorbée par les régions souterraines, les questionnements continuels de l’œuvre de Marie Morel. Un univers visionnaire de rêves et de délires.

Un regard intérieur.

Alors je retourne aux forêts, aux bateaux bleus, aux coquelicots et aux oiseaux !

Ils nichent dans presque tous les tableaux. Ils sont apaisants, même morts.

Les femelles avec des petits plein le ventre et parfois, dans l’œuf, ce n’est pas un oiseau.

Ils sont peints avec des bleus si doux, des becs roses. Ils piaillent ou s’endorment dans des lacs couleur d’opale ".


























" Elle nous prévient que le ciel peut tomber ."
Elle nous prévient mais nous protège aussi .Comme si chaque petite case faisait écran, faisait barrage .
Cette exposition fait du bien, cette exposition rassure et imaginer Marie travaillant sans relâche est pour moi réconfortant . Comme si en tricotant tous ces menus objets, elle nous protégeait un peu des drames évoqués, des douleurs suggérées .
Comme si en dénonçant les horreurs elle les empêchait d'arriver, elle les dénonce certes mais les encercle, les engage ... Le travail de Marie est indispensable, le travail de Marie est essentiel .

MARIE MOREL FOR EVER VRAIMENT ....



L'exposition est visible jusqu'au 30 septembre



* LE SITE DE MARIE

* MARIE MOREL ET LES GRIGRIS

(cliquer sur les liens)

Tous les jours sauf le mardi de 14h30 à 19h
(l’été de 10h à 12h et de 14h30 à 19h).
30 Rue Jules Ferry
Tél.02.98.39.28.44

Prix : 2 euros (1euro pour les enfants)
gratuit le vendredi

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