vendredi 12 octobre 2012

LES CERFS DE JOSEPH KURHAJEC

" Né en 1938 aux Etats-Unis d’une famille originaire de Tchécoslovaquie, Joseph Kurhajec a grandi en harmonie avec la nature (son père était éleveur de visons) et son enfance amérindienne est une source particulièrement riche qui alimente sa création.
Joseph Kurhajec qui vit une grande partie de l’année à Paris s'exprime depuis plus de 40 ans dans différents domaines tels que la sculpture, le modelage, le dessin, le collage, la peinture... Cet artiste intuitif, sauvage et généreux, symbolise fréquemment son ressenti en réalisant de puissantes créations, primitives, chamaniques, inquiétantes, d’une très grande force.
La terre cuite côtoie la fibre, la fourrure, l’os, et la plume. La pierre, la corde et la peau de reptile s’associent pour donner naissance à des créatures fétiches. Le monde animal très présent dans son œuvre est généralement porteur du drame de la folie destructrice humaine."

Jean-Michel Chesné



(exposition Mauriac)
 
(Joseph vu par Apolline)














Cet été à Saint Sever du Moustier j'ai eu la joie de rencontrer Joseph Kurhajec, nous avions rencontré ses oeuvres tout au long de notre périple,  à Mauriac tout d'abord puis à Bélaye .
Il m' a montré un ouvrage présentant ses sculptures de cerfs et dit qu'il aimait tout particulièrement ce texte d'Edward Bryant écrit sur lui en 1990.
Mon amie Isabelle a pris la peine de le traduire pour Les Grigris  et le voici aujourd'hui en français .


La sculpture récente de Joseph Kurhajec par Edward Bryant


" Kurhajec est un sculpteur sauvage et généreux, créateur de sculptures redoutables et affirmatives qui mordent à pleines dents dans notre complaisance fin de siècle. Cri dans le désert des années 90, Kurhajec embrasse la vie avec une soif primitive d’un monde plus simple, fondé sur le rêve impossible du retour aux valeurs de base. C’est avec entrain qu’il tient son rôle de vagabond expressionniste, travaillant intuitivement pour donner forme à ces forces obscures, primitives et mystérieuses à l’intérieur du mythe, de la légende, du soi, du rêve et de la croyance. Indépendant par rapport au consensus stylistique, il crée avec une franchise individualiste et brute d’une grande vigueur. A la lisière de l’évangélisme artistique, son travail récent nous incite à reconsidérer ces prémisses impensables pour survivre après le déluge, la pluie de feu, quand l’art sera au service de l’émotionnel, de l’irrationnel, du magique. Des fétiches, des masques, des guerriers en armes, des têtes bâillonnées, et la folie expressive des matériaux nous préviennent d’une ère post-mortem plutôt que postmoderne.

Ces travaux dirigés vers l’émotion, imposant agressivement une prémisse non esthétique à la fois dans le concept et la réalisation, prennent leurs sources dans diverses expériences intenses de l’artiste, dans sa vie comme dans son art. On a peut-être trop interprété le fait que Kurhajec soit né dans une ferme de visons du Wisconsin, où étant enfant il fut en contact constant avec le cycle de la vie fataliste, du chaton affectueux au manteau de fourrure chic. En 1960, alors qu’il étudiait avec le sculpteur sur métal Leo Steppat à l’université du Wisconsin, il fut très impressionné par une exposition de fétiches du Congo, à l’Institut d’Art de Chicago. « A partir de ce moment, je suis passé de l’assemblage par soudure aux fétiches. Je ressentis un fort désir de mettre cette qualité vitale de spiritualité dans mon travail, qui a pris depuis une nature fortement religieuse. Comme les fétiches africains, mes œuvres prennent vie ici et maintenant, d’une manière inexplicable et paradoxale, comme si une part primitive de l’esprit soutenait de nouvelles mémoires ancestrales capables de menacer notre faiblesse complaisante. J’ai fait mienne une recherche de la vérité, de l’esprit, ce mystère spirituel, la magie de l’art, la présence sacrée. »

En 1961, après avoir obtenu son mastère d’art au Studio d’Art de l’Université du Wisconsin, Kurhajec passa deux mois à Mérida, dans le Yucatan (Mexique), pour étudier la culture maya et sa puissante imagerie visuelle. De retour à Racine dans le Wisconsin, il ouvrit sa propre galerie, « la Nouvelle Génération », où il exposa ses premières sculptures fétiches, des figures humaines enveloppées et liées qu’il appela « art momifié ». A cette époque, il eut connaissance de l’avant-garde d’artistes polémiques de Chicago, surnommés ironiquement « la liste des monstres » pour leurs images expressionnistes pressantes, dont Léon Golub, Nancy Spero, Cosmo Campolli, H.C. Westermann, Richard Hunt... Il s’intéressa aussi à l’imagerie caustique créée à partir de rebut industriel par le sculpteur newyorkais Richard Stankiewicz.

En 1963, Kurhajec s’installa à New York. Ses sculptures devinrent plus intensément subjectives, plus grandes, plus complexes, plus dures. Elles avaient fréquemment pour thème une forme organique enveloppée de fourrure et/ou de cuir, et liée de cordes ou de lanières de cuir serrées. Un tube de plastique ou un autre raccord la reliait à un solide géométrique de métal, suggérant une relation érotique interdépendante. De hautes sculptures remarquables, de forme phallique et tordues d’énergie ont une retenue étonnamment cérémonielle.

En 1963, la galerie Allan Stone à New York exposa un ensemble de ces fétiches et en 1965 elle les présenta dans une exposition individuelle. Le Musée Whitney d’Art Américain exposa la sculpture de Kurhajec dans son Exposition Annuelle de 1964 et dans « Jeune Amérique » en 1965. J’ai eu le plaisir, en tant que conservateur associé du Musée Whitney à cette époque, de choisir les œuvres de Kurhajec pour ces expositions. A la fin des années 60, Kurhajec traduisit également ses idées créatives dans les deux dimensions du collage et de l’impression en relief, utilisant une matrice de fourrures, peaux de reptiles, cheveux, tissus, plastique et autres matériaux évocateurs.


Dans les années 70, Kurhajec commença à travailler à Rome l’été, soudant de massifs guerriers recouverts de cottes de mailles de bronze et de plaques d’acier. D’autres travaux combinaient fourrure, liens et cornes d’animaux. L’un des plus frappants de ceux-ci est « Le combat », un conflit de gladiateurs impressionnant, sûrement entre des aspects amèrement opposés de la psyché humaine. En 1976, Kurhajec créa ses œuvres les plus grandes et les plus abstraites à ce jour, des sculptures géométriques monumentales juxtaposant de massives plaques d’acier noires et d’énormes blocs de marbre de Carrare montrant encore les rainures parallèles de leur extraction. Elles furent exposées sur la place Rondanini à Rome.

Au milieu des années 70, Joseph Kurhajec, sa femme, l’artiste Primarosa Cesarini-Sforza, et leurs deux fils vivaient à Rome l’hiver et se retiraient l’été dans un petit village dans le nord de l’Etat de New York, où ils convertirent l’ancien hôtel de ville en studios et en lieux d‘habitation. Dans cet environnement rural paisible, son travail connut des changements qui furent le pivot pour son travail politique ultérieur. S’intéressant au fer forgé, il rassembla des pièces de vieux matériel agricole et en martela des formes de métal, certaines incorporant des pierres, qui suggéraient des instruments de torture qu’il avait vus dans des musées européens. En 1978, il sculpta une tête de pierre schématique liée par un câble d’acier attaché à une plaque de métal déchiquetée dominant verticalement, les deux étant montés sur une base d’ardoise. Intitulé « Prisonnier », elle fut la semence de ses séries suivantes, nées de l’outrage causé par le kidnapping terroriste, la captivité et l’assassinat de l’ancien premier ministre italien Aldo Moro.

Entre 1978 et 1980, cet aiguillon amena l’expressionnisme introspectif de Kurhajec sous une lumière politique aiguë. Dans une lettre du 5 septembre 1980, il écrivit : « J’ai terminé cinq nouvelles sculptures de marbre. Le travail a pris une nouvelle direction – pour moi une direction si puissante et si juste que l’engagement m’effraie. Ces sculptures sont un constat de notre époque – l’inquiétude politique, le tumulte dans l’esprit des hommes, la lutte pour l’existence ». Ceci se référait à une série de têtes, chacune d’environ 4 pieds de haut, représentant des prisonniers politiques torturés.

Se rapprochant des portraits étrusques et romains, elles nous rappellent les survivances de notre héritage Classique, si important pour la définition de nos concepts de loi et de liberté civiles. Otages de geôliers invisibles, elles sont immobilisées, bâillonnées de fer, les yeux exorbités et les cous luttant contre l’étranglement par des colliers de fer – le non-respect des droits de l’homme personnifié. Les bases de certaines, telles des pierres tombales sont inscrites d’épitaphes. Je me Dresse pour l’Indépendance, Je me Dresse pour la Liberté. « Ce sont les prophètes de notre temps et pourtant ils sont absurdes » écrivit-il. « Comment nos prophètes peuvent-ils être bâillonnés ? ». Une des têtes cependant est celle d’un cochon fasciste casqué (littéralement), en uniforme militaire - la bouche tordue par un bâillon attaché à un collier de chien – victime de la violence de sa propre idéologie."

Le texte en anglais



*** Ce texte est important pour Joseph mais il est ancien ...
Depuis Joseph a exposé de par le monde,a  crée des oeuvres nombreuses .
Aujourd'hui commence à Brooklyn une nouvelle exposition





LE SITE DE LA GALERIE

Bientôt sur Les Grigris grâce à mon envoyée spéciale à New York des photos de cette exposition !



**** Et une autre exposition au Mexique cette fois dans la Galerie LA ESKALERA jusqu'au 7 novembre ...


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