mardi 6 décembre 2016

STROFF VU PAR IZABELLA ORTIZ


Merci à IZABELLA ORTIZ pour son regard ...






















Et pour les Grigris aujourd'hui ce texte d'IZABELLA ORTIZ sur cet artiste bruxellois au " travail d'une beauté si atypique et... incontournable " qu'elle aime totalement


ET LE PAPIER S'EST FAIT OR...

À coups de scalpel, l’art de Stroff, déchire les yeux.

Son travail m’a fait l’effet d’un électrochoc.

Son œuvre (sculptures, dessins, peintures), dépourvue d’artifices de séduction, est d’une Beauté crue. 

Dans son atelier, mué en chirurgien-sorcier, Stroff « opère » son alchimie… celle qui donne naissance à ses êtres-sculptures.

Pour enfanter, pourvu de ses gants en latex (lorsqu’il manie la colle), il jongle avec ses matériaux et ses outils (papiers journaux, chalumeau, enduits, acétate polyvinyle, ficelles, cordes, acryliques, draps, vernis, métal, bois, tulle, patines…).

Artiste autodidacte, tel un artisan scrupuleux, il confectionne tout par lui-même.

Pygmalion engendre sa comédie humaine de sculptures-créatures : il colle, enrubanne, recolle, enrubanne à nouveau... Travail, minutieusement, rigoureusement fait mais qu’avec le temps, il détruira éventuellement,  selon son humeur et selon ses envies. Ses sculptures-créatures, subissent, démembrements ou/et désassemblages.

Ces transformations partielles ou totales à partir de la sculpture initiale offrent une nouvelle vie à cette dernière et cette nouvelle œuvre, subira elle-même, peut-être, le même sort et ainsi de suite.

Faire, défaire, refaire, défaire à nouveau … comme autant de naissances, de morts et de re-naissances. Prestidigitateur tout-puissant, Stroff façonne ses êtres, les sort du chaos, les fait naître, les rend aux ténèbres, les ressort à la lumière…

La concrétisation de ce langage universel de morts symboliques pour mieux renaître transparaît chez ses momies miniatures. Constituées d’une multitude de bandelettes pour certaines, elles semblent vivre une gestation au cœur de leur cocon tandis que d’autres semblent au contraire compressées au point d’étouffer au sein de leur linceul.

Certains lambeaux de matière s’échappent telles de fines mèches de cheveux rebelles : mariage subtil de délicatesse et d’inquiétante étrangeté, ces sortes de peaux flottantes, sensuelles, sortes d’oripeaux ou de mues, nous renvoient à notre vulnérabilité à fleur de peau

Au sein de son œuvre fourmillent corps mutilés, atrophiés, supports expulsant leurs têtes, attributs divers (casque à cornes, objets énigmatiques…), têtes enrubannées, bouches béantes ou bâillonnées, yeux fermés, yeux ouverts de facture hyper réaliste, orbites vides. Tels des visions sous acide surgissent des corps d’hommes-nouveaux-nés emmaillotés, aux sexes nus tronqués. Émouvants, oppressants, terrifiants, ces êtres-sculptures se font l’écho de nos propres états d’âme.

Certaines expressions de visages nous dévoilent leur touchante douceur et même lorsque les paupières sont fermées, nous devinons la sérénité de leur vie intérieure. Leur ton de bistre et d’ivoire incarne la candeur, la pureté.

D’autres visages, en revanche, arborent des expressions qui nous glacent. Regards hagards aux yeux vitreux ou orbites vides où s’est nichée la terreur. La couleur de bistre et d’ivoire ici, change de ton et incarne le vertige de l’angoisse. Certaines bouches béantes semblent cracher, en vain, leurs cris muets ; le Tourment les a aspirés.

Crachin de phrases, de mots, acides, tendres, absurdes qui collent parfois parfaitement à ce qu’ils nomment, à ce que nous voyons mais parfois, au contraire, nous rendent encore plus énigmatique ce que nous cherchons à y comprendre : Le Grimpeur (ascension du Christ)L’insoutenable légèreté de notre pain quotidienPetit suspendu couronnéOne Day You Will Be a Bird, Quand les étoiles ne parlent plus, Out of Fish-Head’s Ass, Impossible envol, Getting Out the Pitt, Perspective du tableau noir, To Be Knight on Wheels, Morning Peeling, De l’eau salée à l’eau douce, I Only See Diamonds…

Lors de la fabrication, le chirurgien-sorcier Stroff incorpore (in-corps-pore) à la fois des bouts de papier contenant des textes, des phrases, des symboles, des initiales, des signes cabalistiques, des hiéroglyphes et parfois même ses propres rognures d’ongles, ses propres cheveux, etc., étoffant ainsi ses personnages.

Déversement de signifiants matériels, de traces, d’empreintes, de témoignages, de souffrances et de blessures personnelles libérant leur géniteur ; objets-sculptures transitionnels ou étuis de l’âme, ces sculptures-écrins chuchotent leurs secrets à ceux qui veulent bien les entendre…

L’œuvre de Stroff n’a pas d’« ancêtres » : ses êtres-sculptures sont uniques. Puissance et raffinement s’accouplent sans cesse et nous en oublions que la matière première n’est que papier mâché, matériau pauvre par excellence mais qui acquiert, transformé et transcendé par l’artiste, une beauté faustienne qui nous rappelle que l’alchimiste qu’il est, a réussi : le papier s’est fait or…


Izabella Ortiz

(Artiste-plasticienne)







(cliquer)


 STROFF EST A LYON A LA GALERIE DU CŒUR AU VENTRE avec de nombreux artistes chers à mon coeur

"Sur la réserve..."

Venez découvrir les trésors de la réserve de la galerie du 1er au 10 décembre de 14H30 à 19H du mardi au samedi

P.Amourette, K.Beaudelaire, R.Bessey, M. Birobent, O.Blot, R. Bonnet, D M.Chanut, N. Cluzel, S.Corentin, C.Dahyot, H.Duprillot, L.Gillet, C.Goux, I.Habasescu, Jakline, H.Lagnieu, F.Marshall, Moss, Chong-Ran Park, E.Postic, P.Shwanse, Raak, M.Vigneaux, J.Zanon...





(photos Izabella Ortiz et Facebook)



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