LAURENT DANCHIN VU PAR SABINE GIGNOUX DANS LE JOURNAL LA CROIX
La disparition de Laurent Danchin, ardent défenseur de l’art des marges
L’écrivain et critique d’art Laurent Danchin, généreux connaisseur de l’art brut, s’est éteint le 10 janvier à l’âge de 70 ans.
Photo Hany Tamba
Malade depuis plusieurs mois, Laurent
Danchin avait consacré sa dernière énergie à sauver les constructions
fabuleuses de son ami Chomo, en forêt de Fontainebleau. Celles-ci ont pu
être en partie restaurées cet été, ouvertes cet automne au public,
après une exposition de ses sculptures début 2016 au château de Tours.
Une
dernière victoire pour Laurent Danchin, défenseur aussi ardent que
généreux de l’art brut, qui s’est éteint le 10 janvier, à l’âge de 70
ans.
Il était né en 1946 à Besançon, « dans une famille marquée par l’engagement social et chrétien dans la résistance »,
rappelle son ami Aymeric Rouillac, commissaire-priseur à Tours. Laurent
Danchin entame un parcours brillant, intégrant l’École normale
supérieure de la rue d’Ulm dont il sort avec une agrégation de Lettres
Modernes, complétée par un diplôme en histoire de l’art à Paris X et un
DEA d’esthétique à la Sorbonne.
Pourtant, ses convictions
humanistes le poussent à choisir d’enseigner dans des lycées réputés
difficiles, à Nanterre et Boulogne-Billancourt jusqu’en 2006, et à Lyon.
L’empathie et le goût d’agir
En 1975, il noue sa première amitié avec, selon ses mots, un « très grand marginal de l’art savant, Chomo, le sculpteur ermite de la forêt de Fontainebleau ». Dès lors, sa passion pour l’art des marges ne s’arrête plus.
Laurent
Danchin multiplie les contacts avec ceux qui, dans la lignée de Jean
Dubuffet, célèbrent ces créations des « autodidactes, des enfants et des
fous ». Il rencontre le docteur Ferdière qui soigna Antonin Artaud à
Rodez, Alain Bourbonnais, fondateur dans l’Yonne du musée de la
Fabuloserie, et de fervents défenseurs de l’art brut aux États-Unis
comme Seymour Rosen ou John Maizels, fondateur de la revue Raw Vision, dont Laurent Danchin devient le correspondant français.
Avec
une réelle empathie et son goût d’agir, il défend les environnements
insolites créés par les génies singuliers, comme le Manège de Petit
Pierre (à la Fabuloserie) ou le jardin humoristique de Fernand
Chatelain. Plutôt qu’à l’étude de cas historiques, la préférence du
critique va, avoue-t-il, aux « vivants, à l’œuvre en train de se
faire et en particulier tous les cas limites, les travaux non encore
répertoriés, tous les inclassables de la création » (1).
Commissaire d’expositions
Il
donne des dizaines de conférences sur le sujet, publie de très nombreux
articles ainsi qu’une quinzaine de livres, participe aux Chemins de la
connaissance sur France Culture en 1986 et à plusieurs documentaires,
notamment pour la télévision.
Il est aussi le commissaire de
nombreuses expositions à la Halle Saint-Pierre à Paris, au Musée des
arts modestes à Sète, ou pour révéler en 2011 au pavillon Carré de
Baudoin à Paris les cathédrales imaginaires de Marcel Storr, un
cantonnier au bois de Boulogne. Il est enfin membre du Conseil
consultatif de la Collection de l’art brut à Lausanne, héritée de Jean
Dubuffet.
Le goût du partage
Marié et père de trois
filles, Laurent Danchin qui n’a jamais été ni marchand, ni
collectionneur, frappait tous ceux qui le rencontraient par son
caractère désintéressé, sa modestie, son goût du partage et des réseaux
d’amitié. Son association de défense de l’art brut ne portait-elle pas
le beau nom de « Mycelium », comme ces ramifications souterraines des
champignons, promesse de belles récoltes ?
En 2012, nous l’avions rencontré pour une série d’été de La Croix
sur les lieux d’art brut menacés et il nous avait ainsi très
généreusement ouvert son inépuisable carnet d’adresses. Il avait aussi
tenu à nous embarquer à Fontainebleau à la découverte des œuvres de son
cher Chomo.
Une aventure partagée avec la fille de l’artiste qui
avait amené ce jour là un poulet rôti pour nourrir un renard tout en
oubliant la clé des lieux, ce qui valut à notre trio l’escalade
rocambolesque d’un haut grillage avant d’accéder au « village préludien
»…
« Réhabiliter la culture populaire »
À
cette époque, Laurent Danchin observait d’un œil circonspect l’intérêt
nouveau du marché et la mode montante de l’art brut, après des décennies
d’ostracisme. « Pour le meilleur et pour le pire, cet enfant
sauvage, mal élevé, qui n’aurait jamais été admis à la table des
bourgeois, fait désormais l’objet, tous azimuts, d’une intense campagne
de nettoyage et de récupération, au risque d’y perdre un peu la tête et
de se voir surtout submergé au passage par la foule des opportunistes,
des arrivistes ou des imposteurs », écrivait-il, en préface du recueil de ses articles publié en 2014 (1).
Et il concluait par ces mots : « Si
tous ces textes pouvaient transmettre un peu de l’empathie que j’ai
toujours éprouvée à l’égard de tous ces créateurs humbles, extrêmement
inventifs, auxquels ils sont consacrés, s’ils pouvaient du même coup
réhabiliter la culture populaire dont ils sont les merveilleux
représentants, et apporter également au sein d’une scène artistique
particulièrement perturbée et indéchiffrable, un peu de leur fraîcheur
et de leur innocence, tout en rappelant, contre l’abus et l’imposture,
ce qu’est la vraie création, je n’aurais pas joué en vain mon rôle de
médiateur et de témoin direct d’un aspect négligé de l’histoire
contemporaine des arts. »
(1) Aux frontières de l’art brut, un parcours dans l’art des marges, de Laurent Danchin, Collection mycelium, Éd. lelivredart 640 p., 28 €.
(cliquer)
Et une photo de Laurent prise en 2012 au Petit Paris
Les
obsèques seront célébrées le mardi 17 janvier en l'église Saint-Étienne du
Monts à Paris (5e) à 10 heures.
merci sophie de rendre hommage à cet homme je ne connais pas c'est important de croiser de ces êtres là , merci Je t'embrasse très chére Sophie
RépondreSupprimerLaurent était un homme exceptionnel, mon ami et mon maître d'Art Brut. Il va me manquer ....
RépondreSupprimerSophie (des Grigris)