jeudi 24 janvier 2019

BERNARD LE NEN


Je ne cesse de croiser ses tableaux et ceci depuis des années ...

Voici aujourd'hui sur les Grigris un très talentueux artiste : BERNARD LE NEN 
avec un texte écrit par lui en 2015 :

"Adolescent, je me souviens  avoir imaginé ça, devenir peintre. C’était un beau rêve mais en réalité  cela me semblait  finalement une chose inaccessible, aussi improbable que de devenir cosmonaute ou président de la république.
Les artistes c’étaient des héros, des magiciens, des fous, mais ils étaient si loin de mon monde et de ma culture ! J’étais alors persuadé que pour devenir peintre il fallait suivre de longues études aux Beaux Arts et que, vu mes rapports peu brillants avec l'école, c’était de toute façon mort d’avance. Mais je regardais, et de Lascaux à Picasso je découvrais des images qui me fascinaient.
Je dessinais depuis longtemps, depuis toujours, essayant d’imiter l’un, essayant d’imiter  l’autre, jusqu’à ce jour où je compris qu'il fallait m’abandonner à ce trait qui était le mien et laisser l’imaginaire aller à sa guise, sans jugement. Une brèche s’est ouverte et je m’y suis engouffré.
Alors la peinture est arrivée, forcément instinctive, directe, rapide, spontanée, presque enfantine, aux couleurs franches. Elle s’inspirait de bande dessinée, d’art primitif, d’art brut et s’est petit à petit imposée sans contraintes, l’essentiel étant de laisser aller la main et de composer au fur et à mesure avec ce qui naissait. Une figuration dont chaque «regardeur» une fois le tableau terminé pourrait avoir sa propre interprétation, raconter sa propre histoire. Je me suis jeté à l’eau sans trop savoir.
Il a bien fallu que je nage, j’ai donc appris.
Déjà 30 ans  d’ atelier et d’expositions, je ne sais si je suis devenu peintre mais si la figuration est encore à l’ordre du jour, si l’imaginaire guide encore mon esprit et ma main, si le dessin est encore à la base de tout, la peinture est devenue plus savante, plus réfléchie, plus attentive à la couleur, à ses nuances, à ses transparences.
Elle m’entraîne aujourd’hui vers des tonalités sombres, sourdes, aux portes de la nuit, des rêves et de la mort. La lumière est rare mais précieuse. Les figures se sont posées, souvent uniques elles retrouvent aujourd’hui les pauses et les regards des fascinants portraits d’un autre âge, d’ un autre monde.
La peinture toujours en mouvement, chaque jour recommencée  à l’unisson d’une vie,  du temps qui passe et nous apporte expérience et force."








"D’un ventre animal je suis sorti, plongeant mes racines dans le limon fertile.
L’instinct m’accompagne."



















Michel Foucault a écrit un très bel article sur cet artiste  dans Vivre L'Art Magazine :

On entre dans les peintures de Bernard le Nen comme on entre dans une salle de spectacle. Le peintre impose dans ses toiles le silence et l’obscurité comme dans la salle pour que la représentation puisse avoir lieu. Spectateur avide d’ images rassurantes, passe ton chemin. Cette peinture n’est pas faite pour séduire ou amuser la galerie. Bernard le Nen nous invite à prendre place dans un curieux théâtre d’ombres, à lâcher prise et à quitter sa raison pour se laisser embarquer dans un étrange voyage au bout de la nuit. A cette condition seulement la magie pourra fonctionner. Tous les fantômes pourront apparaître.
Une ligne horizontale sert d’unique repère pour planter le décor. Les acteurs peuvent entrer en piste. Une figure hiératique solitaire s’installe sur le devant de la scène où un duo de personnages semble défier les lois de la pesanteur en flottant dans l’espace beaucoup trop grand pour eux. Des êtres hybrides hésitent entre l’humain et l’animal. Parfois le végétal s’en mêle. Parfois différentes parties du corps ont du mal à s’ajuster ou manquent à l’appel. Il est difficile d’ échapper au regard de ces inquiétantes créatures qui nous scrutent avec leurs grands yeux écarquillés. Elles sollicitent notre complicité, notre compassion avec leurs grands regards tantôt rêveur, tantôt interrogateur. Toute cette galerie d’êtres désespérément seuls semble interroger le grand vide qui les entoure et la situation absurde dans laquelle ils se trouvent. Comme pour se rassurer, ils pressent entre leurs mains de dérisoires figurines blafardes pour leur tenir compagnie. Immense détresse.
Malgré la profonde mélancolie qui imprègne son œuvre, on devine la jubilation du dessinateur à faire proliférer son intrigant théâtre ainsi que son plaisir à parer ses créations graphiques d’une palette riche en couleurs raffinées et subtiles pour leur apporter densité et mystère. Chacun des personnages de cette machinerie onirique nous invite à nous confronter à nos peurs, nos angoisses, nos terreurs, nos craintes, nos fantasmes pour jouer au mieux son propre rôle dans le théâtre de la vie.


LE SITE DE BERNARD LE NEN

UN REPORTAGE DE MARC ROHMER

UN FILM DE RAYMOND LIVROZET


(cliquer)

ET A LASALLE CE WEEK END ....




1 commentaire: