lundi 2 janvier 2023

NOÉMIE BOULLIER ... MOI J'AIME

 

Tous ceux qui ont vu son installation aux Sarabandes en parlent encore...

Comment ne pas aimer Noémie Boullier !

 





 

"Laissez aller votre côté animal se promener dans les toiles. Ce que cela peut vous évoquer à vous-même est aussi important que personnel."

 











"Un jour quelqu'un m'a dit que je faisais une peinture « aventuriste expressionniste ». J'aime bien cette expression. Parce que c'est vrai que je construis les peintures au fil des heures, comme un jeu de coïncidences entre les actualités qui me passent par les oreilles, et les objets qui me passent sous les yeux (comme un skate, un slip, un ustensile de cuisine etc !!).

Si ces peintures vous semblent venir d' un univers fantastique, elles puisent pourtant dans les actualités réelles et communes à tous. Un même personnage peut être un homme doux pour quelqu'un et une femme révoltée pour quelqu'un d'autre. J'aime bien faire des personnages ambigus… Ils ont souvent la peau bleue car c'est un peu la couleur de tout le monde et de personne. Vous le remarquerez peut-être j'aime bien leur mettre des cornes ou des ailles ou parfois les deux, je ne le fais pas avec une conscience mythologique ni religieuse. En fait, elles poussent toutes seules ! Sachez que pour moi aussi des fois ces créatures sont étranges et bizarres et si elles vous inquiètent, n'hésitez pas à les voir avec humour !"

 



















une révolution
de soi
autour de soi
une foule
amis internes
êtres particuliers
issus d'un hasard circonstanciel créatif

Casser les automatismes
Repousser la domestication culturelle
Se déshabiller des influences

Chaque visage une bataille
apparaît et disparaît
bouge jusqu'à me repousser et se repose
figé
et devient
Impression d'émotions

Certains sont calmes
Certaines couleurs se frôlent et d'autres se salissent

Je les travaille de loin, de près, seul, en groupe, à la lumière
électrique ou du matin,
le jour, tard, tôt
Fatiguée ou fraîche,
je m'y énerve et je m'y calme pinceau à la main
On finit par habiter chez eux, ils envahissent têtes, atelier, maison …

Têtue (dotée d'une tête)
Fascinée par la représentation graphique des têtes et des bêtes
qui se révèlent sensibles et vivants dans le dialogue
Regard primordial
Je m'entête

Démons ?
Démons angéliques sans muselières sur des monts de muses démoniaques

N'ayez crainte de planter vos yeux dans les leurs, ils vous parleront peut-être
Solitude épanouie au milieu de cette foule d'êtres silencieux
Je vous emmène
Je vous embête (= je vous remplis de bêtes ?)
Quand les bêtes qui m'habitent vous invitent
Entrez dans mes bêtes , entrez dans ma fête

 Je peins et je vous embrasse


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Noémie est née en 1980. Très jeune elle fut attirée par l’art plastique, s’essaya au collage, au dessin avant de s’intéresser aux pinceaux et toiles. Viennent les influences extérieures et sociétales : l’injustice même dans l’école républicaine, la compétition, le désastre environnemental, l’hyper industrialisation, la société de consommation et l’emprise des médias sur la fabrication de l’opinion.

Puis  le voyage au Mexique qui a ouvert la porte à d’autres grammaires picturales, l’amour et l’exposition à  d’autres cosmogonies et manières d’être dans la société. Il y a également une place non négligeable qu’occupent les peintures nées de la révolution, ses héroïnes rebelles comme Olympes de Gouges, Tina Motodi, ainsi que ces magiciens de l’image qui sont Jérôme Bosch, De La Tour et d’autres. Et  enfin les muses secrètes, qui maintiennent le fil rouge du travail de Noémie : le monde rural, la permanence de la nature vivante, les hommes, les bêtes. De ces influences naissent sa peinture, une interrogation permanente retrouvée dans chaque tableau, un regard sur les hommes et des hommes dans leur espace vital.

Peinture subversive aux traits décalés, couleurs vives qui expriment avec provocation nos précipices, nos interrogations, nos insuffisances et en filigrane  l’inébranlable lien entre les hommes et les  bêtes. Noémie par sa peinture nous rappelle cette vérité fondamentale que les hommes et les bêtes ont un destin mêlé, liés par les liens naturels qui sont la terre, les végétaux, la faim, la soif, le mouvement, la violence, la compassion.

Cette permanence de l’anthropomorphisme et de la zoanthropie nous renvoie à la part d’ombre en nous, révèle les instincts, suggère jalousie et répulsion, anéantit l’arrogance matérialiste par ce jeu sans cesse d’alter égo. 

En filigrane Noémie pose en permanence la question  de l’évolution humaine, à savoir si les têtes qui pensent  ont-elles vraiment pris la suprématie sur les bêtes ? Et quelle qu’en soit la réponse à cette question, le résultat est-il émancipateur ou destructeur ? Noémie ne donne pas la réponse, n’affirme rien. Mais avec son humour grinçant et sa technique redoutable d’ombres portées, de regards furtifs et parfois durs de ses personnages, elle n’en dit pas moins. C’est un ensemble cohérent, insistant, qui suggère une déconcertante vérité sur la nature humaine.

Noémie repose ces questions sous de multiples formes, souvent par le subterfuge du double ou même du triple sens, des images cachées dans l’image dominante, des ombres expressives, des contours nuancés pour donner du volume au personnage, amplifier le sens du message. On se retrouve donc avec un condensé de message à chaque tableau, des personnages souvent insaisissables, parfois durs, quelquefois tendres, mais invariablement des archétypes immortalisés.

Olympe de Gouges dit ceci de saisissant qui en une phrase résume avec élégance notre propos : « Je suis, dans mes écrits, l'élève de la nature ; je dois être, comme elle, irrégulière, bizarre même ; mais aussi toujours vraie, toujours simple ».
Vous êtes en face d’une œuvre vraie, élaborée avec humilité et sincérité.


Marc SEKPON


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