mercredi 31 juillet 2019

CLAUDINE GOUX VUE PAR CECILE BERT-BORY


Juin 2019 ... nous sommes de nouveau chez Claudine Goux et nous régalons de ses (nombreuses) dernières créations !


























Son amie Cécile Bert-Bory a écrit pour elle, en décembre 2018, ce texte magnifique qui, comme une évidence accompagne mes photos aujourd'hui :

Claudine GOUX :

Suite pour stylos, gouache, cartonnages, encre, ossements et bois flottés

Guidée par une mystérieuse intuition, travaillant sans relâche, Claudine Goux orchestre ses compositions d’une main humble et savante, avec un pointillé remarquable.

Minuscules lignes, tracés et points délicats, fines hachures, s’accordent avec leurs semblables proches, puis avec tous les autres, pour exprimer ensemble une majuscule et fantastique harmonie chromatique.

ALLEGRO

Le rythme foisonnant insufflé aux Fandangos, Barbaresques, Fusées, Gardien des âmes, Égyptiennes, Voix marines et autres Divas nous captive.

Il résonne dans les arabesques, volutes, parois, chemins qui parcourent, sillonnent, quadrillent inlassablement par des milliers de petits traits obstinés, les corps de navigateurs ailés, déesses fécondes, pacifiques guerriers, félins hybrides, colibris couronnés, loufoques saltimbanques.

Leurs morphologies sont gaiment bousculées : les ventres généreux abritent des acrobates danseurs; des visages généalogiques se ramifient en fleurs, fauves caressants, gueules cracheuses de feu ; le flûtiste moelleusement enveloppé dans une cuisse charnue se fait l’écho de malicieux quadrupèdes chanteurs ; des arlequins plongeurs s’égosillent à tire d’aile, juchés sur des pyramides de gallinacés aux becs démesurément ouverts, dans un cocasse impromptu.

Ailleurs, Claudine Goux dirige les songes silencieux, lumineux, orangés et flamboyants, d’un âne ou d’un cervidé, sur les parois lisses, et jusque dans les tortueuses cavités de leur crâne ennobli.

Elle dissimule, avec espièglerie, derrière les volets de triptyques en bois, la mélodieuse existence de jongleurs, joueurs de pipeau, de mandoline ou de luth, malicieusement vertueux ou tout simplement plus discrets que les autres.

Sur bois, papier, cartonnages, sur os, toutes ses créatures interprètent avec pétulance leur histoire enchantée.

ADAGIO

L’ensorceleuse Claudine Goux, a recueilli, puis apprivoisé, une branche orpheline, longtemps portée par la mer, pour la métamorphoser en un bâton de sorcier, animé de pouvoirs aux résonances mystérieuses. Elle lui a confié le rôle de soliste, qu’il assume avec gravité.

Ses yeux de ténor imposant, envoûtantes croches, noires, blanches, contrôlent l’espace de vos sens.

Ces yeux ne vous sont pas étrangers : ils habitent les œuvres de Claudine Goux.

Ils peuplent, verticalement, horizontalement, dans tous les sens, chaque être animal, humain, minéral, végétal.

Leur registre se révèle complexe : visions, mémoires, repères, signatures.

Toutes ces prunelles, dignes héritières de Wölfli, ici démasquées, reflètent- elles quelque note mélancolique? Un souvenir de sagesse au timbre perdu?

Quoi qu’il en soit, leur caractère permanent exerce une singulière attraction dans les sphères gorgées de couleurs.


ANDANTE GRAZIOSO

Les chants, sonates et airs exécutés dans les œuvres de Claudine Goux donnent vie aux teintes éclatantes ou douces, qui toutes, sonnent juste.

L’amplitude des couleurs nourrit les farandoles de fantaisistes souvent campés au cœur de paysages luxuriants, enracinés sur des jours lapis lazuli, ou bien encore épanouis dans des duos d’écarlate et de noir.

C’est ainsi que cette polychromie donne vie, à son tour, aux musiques de leurs âmes.

Claudine Goux trace son destin sur les pas d’Orphée, qu’elle rencontra autrefois.

Éblouie par sa voix, ses chants, ses mélodies, elle ne cesse, depuis leur mystérieuse entrevue, d’en immortaliser les lignes et les vibrations.

Ébloui, lui aussi, par les œuvres naissantes de Claudine Goux, Orphée ne lui transmit-il pas l’art d’enchanter ?


 DES ŒUVRES DE CLAUDINE GOUX   SERONT PRÉSENTÉES A LA COLLÉGIALE

DE LOUDUN DU 6 SEPTEMBRE AU 20 OCTOBRE 2019 DANS UNE EXPOSITION COLLECTIVE " QUAND L'ART S'EMBALLE ! ART BRUT ET APPARENTES"








 

mardi 30 juillet 2019

LES POUPÉES DE SARA AUSTIN


La superbe interview de Sara Austin continue aujourd'hui sur les Grigris ....











Avez-vous l'impression que vous ferez des poupées toute votre vie ?

Si je continue à faire des poupées, elles devront être faites de matériaux différents, des choses trouvées, des choses recyclées. Je voudrais qu'elles soient en partie humaines, en partie animales. Je veux incorporer du dessin dans les figurines, en partie à plat, en partie en 3D. Je veux continuer à travailler dans des modes qui combinent dessin et couture. Mon travail sur les poupées était principalement relié à la question : Qu'est-ce qu'une poupée ? Je ne sais pas si j'ai fini de l'explorer ou non. Peut-être est-ce temps de poser la question, Qu'est-ce que n'est PAS une poupée ? La plupart des gens pensent que les poupées doivent être belles. Je ne suis pas d'accord avec cela, évidemment.
Une poupée est toujours une poupée, quelque soit son apparence, aussi longtemps qu'elle comporte les éléments d'une silhouette qui se connectent dans votre cerveau avec l'idée d'une poupée. Peu importe qu'elle soit laide, ordinaire ou incomplète, elle peut toujours être une poupée et peut toujours être aimée. Elles peuvent être des remplaçants de personnes. Comme pour les personnes, j'ai un lien plus fort avec une poupée qui est quelque peu déficiente, à qui il manque un morceau, qui est sale ou laide. Tout comme le foutoir peut être beau, une figurine foutue peut aussi être belle.
 

Avez -vous des projets ?

Je n'ai aucune idée de ce que je ferai après. Je fais des projets mais je ne sais jamais, avant de commencer à travailler, ce que je ferai. Les projets ne sont pas faits pour être suivis. Les projets sont faits pour avoir un point de départ. J'aime toujours faire des figurines, mais j'ai tant d'idées que je suivrai les idées qui sont les plus insistantes, celles qui m'appellent le plus fort, et qui me rendent la plus curieuse. J'aimerais revenir au travail d'installation. Cela pourrait être avec des figurines, je ne suis pas sûre. J'ai d'autres idées pour des formes plus abstraites, qui seraient des vaisseaux, en laine feutrée et crochetés, comme des tasses à café géantes qui ne servent à rien. Parfois il y a des figurines qui émergent des vaisseaux. Ceux-ci sont à divers stades de formation, certains hauts, d'autres courts et gros, toujours avec une forme qui se dissout vers le haut. On dirait qu'elle fond et perd son but d'origine pour devenir autre chose. Je pense que ces formes parlent du changement, ce qui est la seule constante dans la vie. Mais je ne peux pas connaitre la signification ou l'objectif de ce travail avant de le faire.

Parfois au cours de la réalisation, je comprends de quoi il pourrait s'agir. On dirait que mon inconscient s'exprime quand je travaille et ensuite je comprends ce qui se passe. En faisant ces formes distordues, exagérées, je me rappelle ma mère et sa porcelaine rococo pleine de courbes, de formes délicates hautement décoratives. Ces objets se sont imprimés dans ma mémoire et je peux encore les voir, merveilleuses formes délicates et fragiles. En faisant ces objets, j'ai voulu pousser les formes vers quelque chose d'extrême, d'original, les exagérer et les distordre, les rendre plus grandes et plus fortes, les amener vers une nouvelle sorte de vie. Quand les choses sont plus grandes, exagérées et distordues, nous les voyons de façons différentes et nous pensons de façons différentes. Un objet banal peut sembler très important quand il est fait de matériaux et de taille inhabituels. J'aime créer des questions dans mon travail et de l'étonnement chez le spectateur. Je veux les faire pendre du plafond, sortir des murs, reposer au sol de sorte que le spectateur puisse être avec eux, qu'il interagisse avec eux et soit confronté à eux. Je veux que cela soit une expérience, et pas seulement une promenade à travers une exposition.
Je veux que les gens s'assoient sur le sol avec ces formes, les touchent, se lèvent et se cognent dedans, sentent les textures, la rondeur, la douceur. Il y aura des mots cousus sur chacune d'elles. Des mots pour se rappeler, des mots importants. Des mots comme "pardon", "gratitude".
A force d'avoir une vie avec tant de gens et de situations qui ne sont pas normales et de devoir apprendre ce qui se passe, que faire, comment s'occuper de la personne et de la situation, j'ai constaté que le difficile et l'anormal créent chez moi le plus de changement et de croissance. C'est pourquoi je veux présenter un travail qui semble anormal, conflictuel et qui montre un monde avec beaucoup de questions sans réponses.
Je me souviens d'une chose que j'ai apprise quand j'étais enfant et qui a toujours été important pour mon travail.

Réconforte celui qui est perturbé et perturbe celui qui est à l'aise.



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SARA AUSTIN ET LES GRIGRIS DE SOPHIE


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lundi 29 juillet 2019

SARA AUSTIN ET SES POUPÉES


C'est encore une fois à Facebook que je dois cette incroyable découverte .
Je suis entrée en lien avec cette artiste américaine.
Elle a eu la gentillesse de répondre longuement à mes questions.
Isabelle Pulby a traduit ses propos ... j'espère que vous prendrez la peine de les lire.
Ils sont d'une grande profondeur. 
Je tiens à préciser que les poupées ne sont qu'une petite facette du travail  de Sara Austin, que je vous
invite à découvrir sur son site ...























 D'où vient votre désir de travailler ?

Je fais des choses depuis le lycée. On dirait que le désir a toujours été là. Cela vient principalement du fait que je suis une personne sensible qui réagit à tout et n'importe quoi.
Je ressens les choses si profondément, aussi bien la douleur que le plaisir. Toute chose est quelque chose et toute chose est prise en compte. Je dois limiter les choses et les personnes qui sont autour de moi. Je ressens tout. Le meilleur travail que je fais a besoin d'être fait pour que je puisse traiter ce que je vois, ce que je ressens. Ce n'est que lorsqu'un travail est en cours que je pense à ce qu'il signifie pour moi, ce que j'en retire en exprimant.
Si je ne travaille pas, je ne me sens pas vivante. Une grande partie de notre vie est banale. Je me demande si j'ai passé une année entière à nettoyer mon plan de travail de cuisine. Peut-être plus d'une année ? C'est juste l'existence. Je veux plus de la vie, donc je travaille autant que je peux pour me sentir vivante.
Je me considère comme une artiste Singulière, avec une éducation académique, je m'identifie comme Singulière. Mais j'ai quand même deux diplômes d'art et je suis contente d'avoir reçu une telle formation. J'ai obtenu mon Bachelor de Beaux-arts à Austin, au Texas, qui se concentre sur le dessin et la peinture. Plus tard, j'ai obtenu mon Masters de Beaux-Arts de l'Etat de Californie, Long Beach. Mon accent ici a commencé à porter sur l'art textile, s'est déplacé vers la sculpture et peu après vers le travail d'installation.

Où et comment travaillez-vous ? Avez-vous un atelier ? Quels matériaux aimez-vous utiliser ? Quelle est votre vie à côté de l'art ?
 
J'ai maintenant une petite maison à Las Cruces et je suis en train de transformer le salon en atelier. Je sais comment je travaille et je vais finir par m'étaler pour travailler dans tout l'espace de cette maison. Je n'ai pas eu d'espace pour travailler depuis environ 3 ans, donc c'est une période heureuse pour moi. Comme j'aime avoir plusieurs projets en cours en même temps et travailler avec différents matériaux selon l'oeuvre, j'installe plusieurs tables. Chacune est une zone de travail pour les différents travaux en cours en même temps. Maintenant j'ai envie de dessiner et peindre donc il y a une table pour cela. Pour le moment j'ai des boites à côté de ma chaise favorite et je m'assois ici pour travailler sur les poupées. Comme mes mains ne trouvent plus la couture aussi agréable, j'ai le projet de travailler bientôt dehors avec plein de matériaux sales et d'objets trouvés et recyclés. J'avais fait des personnages avec de l'argile, du bois, du fil de fer et d'autres matériaux. Ils ont tous disparu une nuit quand je vivais à Long Beach. Je collecte ce dont j'ai besoin pour faire à nouveau ce genre de figurines. J'utilise toutes sortes de matériaux, certains comme le papier, la peinture et les crayons sont achetés. La plupart des matériaux que j'utilise sont trouvés à l'extérieur, sur ebay, etsy, Amazon. J'ai une telle quantité de matériaux et de fournitures que je peux chercher dans des boites et trouver des choses dont j'avais même oublié l'existence. J'aime teindre, peindre avec de la teinture, et transformer des tissus d'autres façons. Donc j'utilise beaucoup de tissu. Je collecte des chutes et je les utilise dans des collages sur papier, ce que j'ai toujours fait, et maintenant j'utilise souvent les collages pour exprimer rapidement des idées. Vous pouvez trouver sur mon blog des informations au sujet de mes procédés créatifs avec les poupées, comment à partir de mes sources d'inspiration, je fais des plans et ensuite crée le personnage.



A quelle fréquence travaillez-vous ?

Pas aussi souvent que je le voudrais. J'ai un lupus et une fibromyalgie, ce qui me ralentit. Je récupère aussi juste maintenant d'une opération du pied et j'ai emménagé récemment ici. Je suis encore en train d'organiser, aménager mais j'ai des petites figurines en media multiples, en cours sur ma table de travail et des membres faits au crochet  pendant ma convalescence.

Qu'est-ce qui vous rend heureuse ?

Je suis heureuse quand j'écoute de la musique classique ou une autre musique contemporaine selon mon humeur.
Je suis heureuse avec un compagnon qui me comprend.
Je suis heureuse seule, totalement seule et tranquille
Je suis heureuse quand je fabrique des choses
Je suis heureuse quand j'écris et enregistre des histoires
Je suis heureuse quand j'apprends
Je suis heureuse quand je rencontre une nouvelle personne
Je suis heureuse quand j'enseigne et partage ma façon de travailler et mes pensées
Je suis heureuse quand je lis un bon écrit, un livre, une histoire, un message d'un ami
Un bon écrit me rend heureuse
Je suis heureuse quand je me soucie de quelqu'un et que je sais que quelqu'un se soucie de moi
Je suis heureuse quand j'accepte ce qui est
Je suis heureuse quand je prends des photos de ce que je vois et ressens
Je suis heureuse quand je prends des photos de moi qui suis en train de changer
Je suis heureuse quand je prends un bain et m'assois dans mon lit la nuit, en sachant que j'ai fait de mon mieux aujourd'hui
Je suis heureuse quand je regarde la lune et les étoiles
Je suis heureuse de voir les montagnes chaque matin et chaque soir et de voir comment la lumière transforme le monde au cours de la journée.
Je suis heureuse de ressentir l'amour


Qu'est-ce qui vous rend triste ? 

Je me sens triste quand quelqu'un que j'aime souffre mentalement ou physiquement
Je ressens ce qu'ils ressentent et je veux améliorer les choses.
Je me sens triste de savoir que je ne peux guérir personne, mais que je peux seulement écouter et prier qu'ils sachent que je les aime
Je me sens triste quand la fille que j'ai perdue me manque et que je sais que je ne la reverrai probablement pas.
Je me sens triste de penser que la plupart des gens ignorent qui ils sont et ne le sauront jamais.
Les animaux sans maison me rendent triste
La mort me rend triste et aussi me coupe le souffle
Voir des personnes sans domicile me rend triste
Une femme seule la nuit traversant la rue en fauteuil roulant la nuit me rend triste.
Me soucier tant me rend triste
Je me sens triste de savoir et de voir le mal qui a été fait à la terre.


La suite demain ... sur les Grigris ...


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