mercredi 29 février 2012

LOCATION DE REVE A KOSKINOU SUR L'ILE DE RHODES

Nous avons eu la chance l'été 2011 de passer une merveilleuse semaine dans une superbe maison !
Une location à conseiller sans hésitation !








Le lien vers MANDARIN HOUSE 

... Et dans la même ruelle dégustez les plus délicieux gâteaux chez Sofia !
Des MELEKOUNIA ( à base de sésame et de miel) 
Ils sont vendus dans le monde entier et ils sont vraiment succulents  !


 



mardi 28 février 2012

MARCEL STORR ENCORE ET TOUJOURS !


"  L’oeuvre de Marcel Storr est à la fois intrigante dans le détail, époustouflante dans son ensemble. Elle regroupe une soixantaine de dessins de cathédrales et mégapoles imaginaires réalisés clandestinement par un cantonnier du bois de Boulogne, décédé en 1976 dans le plus complet anonymat. Il s’agit sans doute d’une des plus importantes découvertes d’art brut de ces dernières années en France."


 




Deux vidéos où intervient Laurent Danchin :

- Dans l'émission  " CULTURE VIVE "

- Dans " LE JOUR DU SEIGNEUR" 
(Reportage à partir de la 11e minute )



* MARCEL STORR ET LES GRIGRIS DE SOPHIE

(il faut cliquer sur les liens)

lundi 27 février 2012

LES CHATEAUX DE PLANCHES DE RICHARD GREAVES

J'ai eu la chance lors de ma visite de l'exposition Marcel Storr le samedi 28 janvier d'assister à d'émouvantes projections proposées par Pierre-Jean Würtz et  l’association Hors Champ de Nice, une sorte de mini festival de courts-métrages sur divers bâtisseurs sauvages de France ou d’ailleurs.

Ce jour là j'ai vu et aimé "  Les châteaux de planches de Richard Greaves" , de Philippe Lespinasse .
J'aimerais aujourd'hui vous parler de cet homme étonnant et de ses maisons délirantes .


« Tout ce que je fais ici, c’est pour mieux dormir. »
Richard Greaves


" Richard Greaves (1952, Montréal) érige des cabanes qui semblent au bord de l’effondrement. Pareilles à des châteaux de cartes, elles fraient avec l’utopie et défient les lois de la pesanteur. Célébrant l’asymétrie et bannissant l’angle droit, elles font voler en éclats les normes et les principes de construction.

Ces édifices mettent en évidence tassement et déformation, deux tares au regard de l’architecture conventionnelle. Ils nous font basculer dans un monde irréel et mettent à l’épreuve nos sens et nos perceptions.

Depuis 1989, l’artiste autodidacte québécois Richard Greaves se consacre à la création d’un vaste environnement architectural en constante expansion. Celui-ci est situé en Beauce, au Québec. L’œuvre se déploie dans une forêt, sur un terrain qu’il a acquis avec des amis et où il a élu domicile.

L’environnement est constitué d’une vingtaine de cabanes et d’abris réalisés à partir de granges abandonnées vouées à la démolition ou à l’oubli. Richard Greaves procède en trois temps : il les démembre d’abord pièce par pièce, rapatrie ensuite ces divers éléments sur son site et, enfin, reconstruit, seul, à sa manière, en n’employant aucun instrument de mesure et en faisant usage uniquement de corde de nylon. Une multitude de sculptures faites à l’aide d’objets glanés au rebut parsèment également le terrain."







Paskal JULOU en 2003 a écrit un bel article sur ce " Bâtisseur indiscipliné "

" Richard Greaves récupère des maisons en bois promises à la destruction pour les reconstruire dans son domaine.
Depuis 1979, il en a re(dé)construit plus d’une quinzaine.
Visite guidée par l’artiste.

Je suis allé rendre visite à Richard Greaves par une journée ensoleillée en août dernier. De Montréal, j’ai pris un autobus et j’ai dû mettre mon vélo dans la soute, car aucun transport en commun n’accède à son village.
Je suis arrivé chez lui, seul et à vélo. Je frappe à la porte et il m’ouvre. La Chose est rare, car il a horreur des touristes. Il a peur que son travail et ses propos soient mal interprétés, alors il préfère se cacher et regarder les gens se promener et se faire leur propre idée du lieu. Il laisse à sa compagne le soin de s’occuper des visiteurs. Par chance, avec moi, il se montre très accueillant, car il a été étonné de me voir arriver à vélo par une chaleur de plomb. Il m’offre un verre d’eau et m’invite à le suivre pour visiter son domaine.

Tout en marchant, il me raconte qu’il ne boit pas, ne fume pas et qu’il se sent bien dans sa peau. Âgé de 50 ans, grand et sec, Richard Greaves a l’air plus jeune que son âge et il en est très fier. Il est très heureux chez lui, loin des citadins trop stressés qui ne prennent pas le temps de vivre, de regarder la nature. Il sait de quoi il parle, car jusqu’en 1979, il a vécu à Montréal où il a travaillé comme cuisinier. Ne supportant plus d’avoir un patron, il a préféré se retirer à la campagne. Il reçoit de l’aide sociale et ça lui suffit. Il a même refusé le chèque du premier prix décerné par l’Association des arts indisciplinés cet été ! Il n’aime pas l’argent !
On marche parmi l’herbe longue et touffue (il n’a plus le temps de la couper). Ici et là sont installés des tas d’objets disposés comme des totems. Ordinateurs, radiateurs, frigos, vélos, télés, vêtements, chaises, seaux, bouts de bois et de fer. Mais ceci ne donne qu’une petite idée de son travail, car le plus étonnant ce sont ses maisons.

La première que je découvre est un choc ! J’ai l’impression qu’elle va s’écrouler. Les murs sont de travers, les lois de la gravité farouchement défiées. Cette chose semble tenir debout comme par miracle. Je pénètre avec lui à l’intérieur, nous ressortons par la fenêtre de l’étage et descendons pour rejoindre le sol. Ce n’est pas une maison en paille tirée des Trois Petits Cochons, c’est du solide ! Les murs en bois, totalement de travers sont aussi habillés de divers objets de récupérations : disques, boîtes, chaussures, roues, tuyaux, tissus, jouets…

Pour l’amateur d’art brut, ce bidonville est un pur concentré de folie humaine totalement enthousiasmant !

Nous continuons notre promenade et arrivons devant un arbre immense. Richard Greaves me dit que c’est le plus grand arbre de la forêt. C’est là dans l’arbre, à plus de cinq mètres du sol qu’il met son linge à sécher. Faire le Tarzan, rien de tel pour garder la santé !

Ensuite, au fil de la promenade, je découvre d’autres maisons/cabanes plus délirantes les unes que les autres. Notamment celle qu’il a appelée «La Cathédrale »: les planches de bois partent dans tous les sens, les murs sont composés d’assemblages de portes et de fenêtres avec quelques éclats de peinture bleue sur les vitres. L’ensemble ressemble à une sorte de tipi indien géant. Cette réalisation est une de ses préférées. Plus loin, il me montre une autre maison étonnante, car totalement conventionnelle. Ici, pas de chaudière qui ne va part nulle part, pas d’amas d’images et de photos découpées et collées sur les murs. Une maison aux formes réglementaires parmi toutes les autres tordues et déformées!

Richard Greaves est un peu comme un grand voyageur qui resterait chez lui pour composer sa plage, sa mer, ses montagnes et ses maisons. Greaves ne cherche pas à être reconnu comme artiste. Au contraire, il veut rester libre et ne rentrer dans aucun circuit. Un peu comme un Robinson qui aurait trouvé le bonheur dans son île."




Anarchitect par chazblam


* Un autre film ( que je ne connais pas ) a été fait sur  Richard Greaves par  Bruno Decharme (10 minutes, abcd, Paris, 2005) ....

En ce moment à Paris à l 'Espace topograghie de l'Art (lieu magnifique, dépouillé et parfaitement adapté à la mise en valeur des oeuvres présentées ) se tient une très belle exposition :
" Connivences secrètes"
Dans cette exposition il est possible de découvrir six photographies de Mario Del Curto sur les cabanes de Richard Greaves .




Voici le texte de Martine Lusardy qui accompagne cette exposition :
" Sept artistes exposent leurs œuvres entre lesquelles sont tissées des «connivences secrètes», des affinités de langage, d'esthétique, de genre... Ces artistes explorent les domaines de l'art brut, de l'étrange, de la marginalité, voire même de la folie.

Anémone de Blicquy, Dado, Richard Greaves, Louis Pons, Judith Scott, Ronan-Jim Sévellec, Davor Vrankic


Ils dessinent, peignent, sculptent. Ils collectent des objets de rebuts ou puisent dans la nature traces et empreintes. Ils assemblent, collent. Expérimentateurs primitifs ou raffinés d'un grand art, explorateurs de langages archaïques, magiciens du matériau brut, ou bien même artistes professionnels volontiers libertaires, ils inventent des mondes singuliers, préférant la liberté des chemins insolites, l'audace de la marge, à «l'asphyxiante culture» que pourchassait Dubuffet.

Les sept artistes réunis dans cette exposition, forment une sorte de société secrète où les affinités ne manquent pas. Familiers de l'inconnu et de l'étrange, leurs oeuvres sont dans l'entremonde, là où se célèbrent les noces de l'art et de la folie, de la vie et de la mort, où se jouent les multiples passages de l'originaire à la culture, de l'intime à l'universel.

Leurs oeuvres, qu'elles soient austères ou délirantes, sauvages ou sophistiquées, expressionnistes ou narratives, qu'elles manient l'humour ou l'émotion, sont porteuses d'excès mais aussi de poésie et d'innovations."







D'autres photos sont visibles sur  Animula Vagula , des photos prises par Louise Boucher la compagne de Richard Greaves ainsi que  des nouvelles récentes du créateur ! 
 A  découvrir aussi dans la revue 303 (N° 119 - 18 euros)





Espace topographie de l'Art
15, rue de Thorigny

75003 Paris
01 40 29 44 28

de 14 à 19 h jusqu'au 15 avril .... c'est gratuit !
 
http://www.topographiedelart.com/

dimanche 26 février 2012

LES CHRYSALIDES DE VIRGINIE DURANDET

Il y a quelques années nous avons eu un vrai coup de coeur pour les incroyables chrysalides de VIRGINIE DURANDET ...
Nous en avons gardé une pour nous et offert les deux autres à Bakou et Marie .
Ce sont des trésors douloureux qui m'émeuvent beaucoup  ....



Voilà ce que l'on peut lire sur le blog de VIRGINIE :
bonjour à tous...mon parcours professionnel ayant été très éclectique je vais essayer d'être claire...des études de Droit et des cours de théâtre à la base...puis une Licence d'Arts plastique et des cours de Sculpture aux Beaux Arts de Reims...ont produit une "carrière" plutôt atypique..! Je suis aujourd'hui Intermittente du spectacle en vendant aux professionnels de l'audio visuel...ma voix..
La Peinture et la Sculpture occupent l'autre partie de ma vie..Voilà..je recherche des lieux d'exposition originaux, qu'ils soient publiques ou privés..même décalés ( usines..lieux de travail..entreprises..églises..gares.etc )...


samedi 25 février 2012

MARCEL STORR ET MARC PEREZ : L'HISTOIRE D'UNE RENCONTRE

La vie réserve des bonheurs et des rencontres . L'exposition MARCEL STORR attire des spectateurs de plus en plus nombreux ... Il y a ceux qui viennent et ceux qui reviennent .
Marc Perez est de ceux ci. Je l'ai rencontré par hasard et aujourd'hui il a accepté de me confier SON texte . C'est un texte intime et sincère, profond et fort ... c'est l'histoire d'une reconnaissance, d'une révélation  ...



Marcel Storr

J’ai mis du temps à retrouver ma voiture.
Cela m’arrive, de temps en temps, les jours de fatigue…
Ce jour-là, j’étais réellement perdu, ce n’était pas la fatigue…Je ne parvenais plus à reconnaître le quartier, les rues et le chemin qui devaient me ramener à ma voiture.
Après un long moment d’errance, je finis par tomber sur cette fichue bagnole, soulagé…
Cela se produisit après la visite de l’exposition de Marcel Storr.

Cette exposition avait bousculé mes repères, désaxé mon esprit.
Ce matin-là, suivant les recommandations de ma sœur et ne sachant pas réellement ce que j’allais voir, je visitais cette exposition. A l’issue de cette visite, plus longue que prévue, je ne savais toujours pas ce que je venais de voir…Une exposition d’art brut, peut-être,…mais pas seulement…

L’art brut est espace ouvert, accueillant. On y trouve tant d’artistes et de créations de toutes formes que le lien semble être, hélas, trop souvent, un amateurisme décalé, singulier, amusant parfois ou obsessionnel. Il produit des œuvres généralement pauvres à mes yeux, et qui en tous les cas, ne parviennent pas à me saisir ni même m’émouvoir, cela en dépit de l’histoire de vie étonnante, quelquefois bouleversante, de leurs créateurs.

Mais ce matin-là, ma représentation de l’art brut semblait s’effacer…

La découverte, avec les premiers dessins de cathédrales, de l’œuvre de Marcel Storr me ramena pourtant, dans un premier temps vers ce même schéma; un art fermé sur lui-même, répétitif et obsessionnel aussi bien à travers la forme que par le sujet unique. Une monomanie picturale, d’un homme isolé, une œuvre sans filiation apparente avec l’histoire des arts. Mais, passé ce tout premier regard éteint, commença, très vite, un voyage, un vrai voyage… Les repères, les constructions schématiques, les analyses s’effacèrent pour laisser place au plaisir, à ce plaisir soudain comme origine de tout…

Comment savoir pourquoi certaines œuvres vous embarquent ? Comment, à travers ce plaisir, elles agissent, par quel étrange pouvoir elles vous saisissent si simplement avec cet alliage pourtant complexe entre le fond, la forme et votre esprit réceptif à cet instant ?… Sans doute faut-il simplement se laisser prendre, ainsi, par surprise, comme nous prennent toutes ces choses importantes de l’existence, par surprise…

Cette émotion calme sans ivresse ni fébrilité, m’accompagna tout au long de la visite. Elle guida mon immersion dans cette œuvre, et me laissa désorienté…

Cet état d’abandon, ce sentiment subit d’avoir coupé les amarres de la raison est certainement le propre de ces œuvres magnifiques qui surgissent et s’offrent à vous…Ce miracle est si rare que l’on parvient, durant de longues périodes de désenchantement, à douter que ces rencontres soient encore possibles…

La manière dont cette exposition était présentée participa, très probablement, à mon plaisir puis au bonheur de ma promenade suspendue.

Un lieu spacieux mais discret qui m’était inconnu, me permit de faire de ce moment une double découverte, puis les indications également discrètes sur la vie de Marcel Storr me donnèrent d’infimes repères sans intervenir dans mon cheminement. Une mise en lumière, une mise en scène subtile, intelligente, contrastant avec cette maladie muséale actuelle transformant, à coup de cartels, de scénographie appuyée, d’audio guides parasites, les visites sensibles en parcours-supplice, didactiques et pollués…cette visite, donc, me permit d’être dans une intimité nécessaire avec cette œuvre inconnue mais devenant, chemin faisant , curieusement familière et amie...

Rares furent pour moi de tels moments mêlant la secousse d’une découverte et le plaisir apaisé d’une harmonie étrange, et cela malgré ce morne destin d’artiste pressenti en arrière-fond.

Seule la peinture était parvenue jusqu’alors à m’emporter ainsi. Sans nul doute que cette œuvre était aussi peinture, bien que le dessin en soit la trame. Peinture, comme cette poésie qui se voit nous dit Vinci, Peinture comme cette réinvention du monde, ce ré-enchantement, Peinture comme une fenêtre ouverte vers le dedans…

Je quittai l’exposition.

Je me souviens avoir appelé aussitôt de mon portable un ami artiste dont j’aime, de façon inégale, le travail mais dont j’admets difficilement la posture de pseudo-artiste outsider « cultivant son inculture » selon ses propres mots, tout en multipliant les contacts, les liens pour faire valoir son travail. Il s’apprêtait à partir pour New York pour une importante foire d’art brut. Je lui conseillai avec insistance cette exposition lui faisant part de mon enthousiasme dont j’avais l’impérieux besoin de parler, mais ce fut surtout une manière de lui dire de façon mesurée qu’il devrait s’inspirer de telles œuvres dont l’authenticité ne fut jamais usée par une quelconque posture ou «faire savoir »… Sans doute, en lui parlant ainsi, je dialoguai également avec moi-même…

Après que j’eus retrouvé ma voiture, j’allai déjeuner plus bas dans le quartier de Belleville.

Me souvenant, par ces lignes, de ce déjeuner, je m’aperçois que cette envie ne fut sans doute pas un hasard. La cuisine fut toujours, pour moi, un repère fondamental ; devant cette « assiette tunisienne » accompagnée d’une « boga », soda très sucré que je buvais enfant, je retrouvais mes plus sûrs repères dont j’avais probablement besoin à cet instant…

Je repensai longtemps à cette exposition avec le désir de partager cette découverte, incitant proches et amis à cette visite.

Quelques jours plus tard je me décidai pour une seconde visite. L’émotion fut intacte. Cette fois j’avais envie de m’attarder un peu plus, non pas pour analyser ni comprendre (ce type de tentative est vain et capable d’éroder une émotion que l’on veut préserver) mais pour mieux voir ce que la première visite ne m’avait fait qu’entrevoir…

J’évoque souvent cette formule de Jean Baudrillard, « si vous n’avez pas ce télescopage idéal entre une forme et une idée, vous n’avez rien ». Elle résume simplement la construction de toute œuvre puissante. Chez Storr cette association idéale existait bien. Cette seconde visite me la révéla plus clairement encore.

L’idée du sujet, d’abord, avec ses cathédrales imaginaires était, à l’évidence, un élément important. Il nous transportait dans une dimension religieuse et mystique, nous élevait aussitôt vers une vision sacrée constitutive de l’œuvre. Mais sans la forme d’une beauté et d’une sensibilité inouïe probablement n’aurions-nous rien eu…

Et c’est bien là, au cœur de la forme, au plus profond de sa manière de faire, de dessiner, de peindre qu’il y avait cette chose infiniment difficile à concevoir, si difficile que cela peut s’apparenter à un miracle… Comment parvenir à un tel sens chromatique, à une telle justesse de composition (sans que celle-ci ne soit apparente) comment s’inventer une matière si singulière, tout cela avec une connaissance limitée des choses de l’art ?…

Les amateurs ou spécialistes m’affirmeront que cet art brut renferme nombre de tels miracles…Mon ignorance, sans doute, me les a fait quelquefois méconnaître mais je m’autorise à croire qu’une telle beauté est chose rare, et j’ose aussi douter de l’importance et de la beauté de certaines œuvres dont les vies de malheur de leurs créateurs, reclus, fous ou laissés pour compte, poussent parfois nos regards, par une complaisance émue, vers une adhésion excessive.

Ici l’œuvre semblait s’imposer, jusqu’à faire oublier son créateur, cet artiste capable, en particulier, d’une telle virtuosité dans l’utilisation des couleurs.

Les couleurs, avec Marcel Storr m’apparurent, plus encore lors de cette deuxième visite, d’une richesse stupéfiante, d’une justesse tout aussi étonnante et parfois d’une audace inattendue avec ses couleurs rougeoyantes de l’aube ou fluorescentes des villes d’ailleurs… (Ma première visite n’avait pas pu dissocier les éléments de l’œuvre mais sans doute était-ce-mieux ainsi, elle m’avait permis un voyage fluide et inoubliable)

Dans de nombreuses peintures nous apparaissaient les couleurs d’automne, comme le révélait pertinemment Laurent Danchin. Y avait-t-il eu chez cet homme une étrange rémanence de ces couleurs, cet homme, travaillant comme cantonnier au bois de Boulogne et plongé quotidiennement dans ces jaunes-brun et rouille des feuilles mortes ?... « En vérité l’art est enfermé dans la nature, celui qui peut l’en extraire est un Maître » disait déjà Albrecht Dürer. Mais comment parvenir à cette extraction, comment être ce Maître autrement que grâce aux outils de la connaissance et du plus patient des apprentissages ?... Là est réellement l’incroyable mystère de cette œuvre et de cet artiste seul, enfermé dans son monde, penché des heures et des heures sur de simples petites feuilles de papier Canson qu’il transformait en feuilles mortes nervurées, veinées, incisées...Feuilles mortes vivantes à jamais.

Toute grande œuvre est ouverte, on s’y promène, on y revient, on y voit mille choses, on y découvre, chacun, selon son œil et sa mémoire, ce que l’on veut, librement, et sans injonction vers les autres, qui feront leur propre voyage…Ainsi, les traits de crayon infiniment précis de Marcel Storr, ces traits secs construisant pierre par pierre ces cathédrales et ces villes, cette multitude impensable de coup de crayons ne me paraissaient pas offrir simplement des images illustratives à l’excès mais donner bien plus, élaborant une matière comme une subtile abstraction par ce papier incisé et propice à des visions diverses, changeantes...

Là, par exemple, dans ce dessin où la couleur ne recouvrait pas tout, laissant apparaître, au bas de la feuille blanche, ces traits fins, ne pouvait-on pas y voir comme un métier à tisser avec ses faisceaux de fils dans lesquels irait courir la laine ou la soie pour fabriquer, patiemment, la plus belle des étoffes ?…

Là, encore, sur cet autre tableau, cet étrange vernis posé sur le dessin repassé ne donnait-il pas à voir comme une peau, un cuir fin, précieux, incisé de subtils ornements ? Et là aussi, sur ce dessin sans couleur, les traits ne formaient- ils pas une trame semblable à une précieuse dentelle ?

Ainsi n’y aurait-t-il pas eu chez Marcel Storr une résurgence mystérieuse de ces gestes ancestraux du tisserand, de la dentellière…Du fond de sa solitude n’y a-t-il pas eu, comme une mémoire remontant lentement à la surface et se cristallisant, comme l’eau salée à l’abri des vagues…

Il semble bien y avoir dans ce travail sublime, les gestes patients et habiles de l’artisan. Ces gestes modestes, répétés inlassablement et qui occupaient toute une vie, ces gestes qui tissaient la vie et nous faisaient voir le fil du temps que l’on ne voit plus et qui file…

Puis me vint devant ces dessins imaginaires de cathédrales une autre curieuse mise en parallèle, si éloignée de cet art modeste des artisans …

« Bâtissons une cathédrale ! », lançait dans les années 90, l’artiste allemand Anselm Kiefer ; dans un recueil d’entretiens entre les plus reconnus des artistes contemporains du moment ( Beuys, Kounellis, Cucchi,…) .

« Bâtissons une cathédrale ! » devenu le titre de ce recueil cherchait à résumer leur projet ambitieux qui était de faire revivre, pierre après pierre, l’art de ses ruines…

Anselm Kiefer, quelques années plus tard, se retrouva seul à vouloir encore poursuivre ce projet colossal. Il donna naissance à une œuvre grandiose avec ses tableaux monumentaux, ses installations ou sculptures impressionnantes. Fasciné par son œuvre, j’allais jusqu’à visiter ses ateliers, ses domaines…

Cette œuvre imprégnée d’histoire (avec cette question du comment survivre en étant artiste allemand né en 1945 …), mais aussi imprégnée de littérature, de poésie, de philosophie, de cosmologie, d’histoire des arts, avait comme projet d’occuper l’espace mais aussi tous les champs artistiques et les champs de pensées.

Cette œuvre m’impressionna et m’impressionne encore mais alla jusqu’à m’infliger une forme d’écrasement, décourageant longtemps mes recherches et mes modestes projets.

Si la nécessité m’est apparue ici d’évoquer cette œuvre d’Anselm Kiefer, c’est qu’elle rencontra paradoxalement dans mon esprit l’œuvre de Marcel Storr comme peuvent se rencontrer deux extrêmes, deux mondes opposés, et ici avec comme point de jonction le même projet de bâtir une cathédrale…

L’un sans connaissance ou si peu, mis à l’écart, invisible, peignant dans un réduit humide ses feuilles blanches, l’autre, artiste-érudit, artiste-roi, Falstaf omnipotent peignant dans son usine des tableaux démesurés. L’un seul, l’autre flatté, courtisé, entouré d’un phénoménal dispositif muséal, médiatique et marchand indispensable à l’œuvre. Tous deux, désespérés, poussés vers cette même élévation…

Permettez-moi, à présent, Monsieur Marcel Storr, de m’adresser à vous directement, pour vous remercier, vous remercier d’un tel cadeau, vous remercier de m’avoir rappelé que l’art se trouve là où on ne l’attend pas, comme le disait Jean Dubuffet. Mais j’aimerais vous dire aussi que le mot d’art brut qu’il a inventé ne vous convient pas. Votre art, Monsieur Marcel Storr n’a rien de brut, il est subtil, fragile, délicat parfois, ce qui ne l’empêche pas d’avoir la force du grand art. Il n’est pas brut, ni sauvage ni grossier, il a le raffinement de votre profonde intelligence de votre immense honnêteté.

Monsieur Marcel Storr, sachez également que votre œuvre est enfin apparue au grand jour dans un siècle que vous n’avez pas connu, un siècle désorienté, où l’art n’a jamais été à ce point une production issue de ces usines-ateliers pour alimenter très vite un commerce que plus personne ne comprend.

Sachez, Monsieur Marcel Storr que j’aimerais par ces mots apporter ma très petite pierre à la préservation de votre œuvre qui ne devra jamais être dispersée, émiettée pour contenter un marché capable de tout et du pire…Sachez qu’elle nous est arrivée intacte, préservée bien à l’abri, rue des martyrs…

Sachez aussi que vous avez eu une belle vie et vous seul le saviez, vous avez sans doute bien fait de dissimuler si longtemps vos œuvres. Vos œuvres n’aiment pas tant la lumière…Vous avez stoppé net un tableau parce qu’une observation avait été faite sur votre manière de faire, élaborée année après année, votre solitude était devenue une amie indissociable de votre œuvre…Sachez que ce tableau inachevé, je l’ai trouvé magnifique, aussi…

Même si les années l’avaient permis, nous n’aurions sans doute pas pu nous rencontrer, nous n’aurions jamais pu parler d’art, ni de rien, vous étiez loin dans votre monde, je vous aurais trouvé inaccessible,rigide, fermé, mégalomane aussi, fou peut être …Fou, cet adjectif que l’on lance si vite, parce qu’un être vous échappe, ce mot que l’on élève, sans y penser, comme un mur qui nous sauve de nous-mêmes…Mais je vous ai rencontré, Monsieur Marcel Storr, de la plus belle des manières…

Sachez que votre œuvre semble avoir éclairé ma vie pour longtemps, mais aussi éclairé un monde de l’art perdu, cramponné à des repères fragiles et mouvants. Sachez que certains ont comparé la mise au jour de votre œuvre à la découverte des grottes de Lascaux. Est-ce un juste parallèle, nul ne peut le savoir encore, mais comme ces hommes de Lascaux vous êtes parvenus à nous rappeler que l’art se cache, que l’art peut par le génie transcender le temps et qu’il se trouve là où les hommes creusent, creusent encore, au plus profond de leurs âmes…

Monsieur Marcel Storr, j’ignore ce que vous avez su, ce que vous avez vu des autres artistes, vous rejetiez Picasso ; auriez-vous aimé Paul Klee ? Comme lui, vous êtes parvenu à une transparence, une élégance des couleurs, une précision du trait aussi, mais vous étiez si loin, ailleurs…

Aviez-vous vu Cézanne? Il semble que vous ayez retenu sa leçon, à moins que vous en ayez juste eu l’intuition, l’intuition que le vrai, le beau, se trouve dans le tableau qui se fait sous vos yeux, plus que dans la poursuite d’un réalisme qui ne mène à rien. L’œil concentré sur des détails, vous négligiez la perspective, la logique des plans, l’horizon jamais horizontal, sans doute ignoriez-vous certaines règles faute de ne pas les avoir apprises mais vous pressentiez que ces anomalies ne nuiraient en rien à la beauté de vos œuvres. Vous étiez un pauvre indigent, inconnu de tous, pas même un artiste maudit, pour cela il faut déjà être un artiste aux yeux des autres, vous n’étiez rien mais vous aviez en vous tous les rêves du monde…Sans doute auriez-vous compris les mots de Cézanne « L’art est une religion, son but est l’élévation de la pensée ».

Aujourd’hui du haut des flèches de vos cathédrales, vous nous observez, comme sur vos peintures, vous nous apercevez, minuscules couples de chromosomes, ridicules silhouettes restées tout en bas, en bas, comme vous l’étiez, en apparence…

Que Charles Juliet, m’autorise, pour conclure provisoirement ce dialogue avec vous, à rapporter ce qu’il écrivit à propos de Cézanne au terme de son ouvrage « Cézanne un grand vivant » ; ces quelques mots parlent aussi de vous Monsieur Marcel Storr :

Qu’on vous ait à ce point méconnu est somme toute conforme à la nature de la quête dans laquelle vous étiez engagé. L’être qui atteint à la grandeur est aussi le plus humble, le plus anonyme. Il ne peut que passer inaperçu…


Et pour accompagner ce texte le tableau préféré de Marc ...



 
 

MARC PEREZ ET LES GRIGRIS

LE SITE DE MARC PEREZ 

(cliquer)

vendredi 24 février 2012

QUESTIONS A MICHEL VALIERE SUR LE JARDIN DE GABRIEL

MICHEL VALIERE est ethnologue , il a connu GABRIEL ALBERT  et est, en partie, à l'origine de la sauvegarde du JARDIN DE NANTILLE  .
 Je suis entrée en contact avec lui grâce à Claire Dumontet . Nous avons eu des contacts téléphoniques et il a  accepté d'écrire pour Les Grigris ce texte,  témoignage précieux d'une rencontre et d'une belle entreprise  ....





Des planches de statues dans le jardin muscaté de Gabriel Albert


Approche ethnographique d'une création controversée  par Michel Valière, ethnologue ©


Je suppose que l’invitation sur ce blog est liée à ma posture d’ethnographe qui aura retenu l’attention de sa pilote. Elle fait suite à mon activité en Poitou-Charentes, aux environs de Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime), en Saintonge romane, en raison de l’invention, au sens archéologique, d’un site singulier : Le Jardin de Gabriel à Nantillé. « Invention », à partir des intuitions d’un beau-frère, des audaces d’un maire rural et des initiatives d’un ethnologue-médiateur. Je remercie ici tous ceux qui ont manifesté un certain intérêt à l’œuvre de Gabriel Albert, l’un de ces « irréguliers », artiste autodidacte à la démarche isolée. En décembre 2005, lors de la journée sur les habitats poétiques au Musée de Lille-Europe, à Villeneuve d’Ascq, l’occasion m’a été offerte de commenter en public le verbatim de mon entretien avec le sculpteur modeleur de Nantillé. Plusieurs blogs, et non des moindres (Animula vagula ; puis Le Poignard subtil) devenus des références en matière d’Art brut, ont puissamment contribué à tracer le sillon de la notoriété du Jardin de Gabriel, prélude à sa reconnaissance institutionnelle comme à celle d’un plus large public que celui qui jusque-là était resté plutôt confidentiel. Ajoutons que le vendredi 17 février 2012, s’est constituée, à l’initiative de Michel Mazouin, président de l’Office de tourisme de Saint-Jean-d’Angély et de Saint-Hilaire de Villefranche, l’Association des amis du Jardin de Gabriel (préexistante d’une manière informelle depuis 2006).

Quand questionner c’est inventer

Ainsi, à la fin des années quatre-vingts, Francis Gardré, musicien, est venu me consulter à mon domicile, alors à Gençay (Vienne), en compagnie de l’un de ses amis, Gérard Beau, alors maire de la commune de Nantillé, instrumentiste également. Il s’agissait pour celui-ci de recueillir mon avis sur une question qui concernait sa commune rurale. En effet, il se montrait extrêmement préoccupé du devenir d’une petite maison, de ses meubles, d’une courette et d’un jardinet remplis de statues diverses, après la disparition naturelle des propriétaires déjà âgés. Toutes ces statues, « posées là », apparemment sans fonction aucune, paraissaient à tout un chacun assez « mystérieuses ». Francis Gardré évoquant cette période, me rappelait son propre étonnement à voir « tous ces gens qui passaient » : « Les gens ralentissaient, n’osaient pas s’arrêter parler à ce vieux monsieur dans son jardinet. » Vieux monsieur, assis sur une chaise, devant sa porte, environné de ses êtres de ciment colorés dans la masse. Ce site paraissait aux yeux de Francis « unique... unique dans la mesure où ‘il’ faisait ça par passion ; c’était pour lui, pas pour un but commercial ».

Revenant sur notre premier entretien, une quinzaine d’années plus tard, monsieur Gérard Beau me redira dans les mêmes termes, ce qu’il m’avait déjà énoncé : « J’ai eu vent que des gens de Bordeaux, d’Espagne, étaient venus pour voir monsieur Albert, pour acheter la collection. Alors j’ai eu peur de voir tout partir. » C’est donc cette crainte d’une perte pour la commune et pour la région qui, en conséquence, a motivé mon propre engagement sur la voie de la recherche d’une protection institutionnelle ; à mon avis du moment, seul un outil juridique public pouvait faire espérer une pérennisation, une inscription dans le temps des rêves de Gabriel.

Pourquoi cette crainte et cette peur de l’ancien maire d’aller lui-même directement rencontrer l’artiste ? Peur d’essuyer un refus, et lequel exactement ? N’était-ce pas plutôt la peur de l’étrangeté de ce créateur hors du commun, au cœur de la storytelling villageoise ? Peur d’une nouvelle charge communale ? Quoiqu’il en soit, c’est à partir de là que cet élu, bien conscient des difficultés à venir, amorcera un premier pas en direction des services de la Culture. Il accueillera les diverses personnes dépêchées sur place : architectes, conseiller artistique, conservateurs du patrimoine. Il s’ensuivit des visites, des rencontres, des articles dans la presse et les magazines qui se succédèrent avec un curieux effet boule de neige.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et un livre paru au printemps 2011 lui a été consacré par la Région Poitou-Charentes-Inventaire général du patrimoine culturel. Cet ouvrage est le fruit d’une observation sur une période d’une vingtaine d’années, d’une recherche documentaire, d’une campagne photographique dans la perspective d’un inventaire exhaustif, en principe, concernant un ensemble de plusieurs centaines de statues en pied et des bustes disposés dans le jardin de l’intéressé tout autour de sa petite maison, construite de ses propres mains, ainsi que les meubles principaux, comme d’ailleurs, un modèle réduit de moulin à vent décoratif à l’extérieur. Ainsi, au fil des années, a-t-on pu voir les planches de légumes se convertir peu à peu en planches de statues, à l’ombre d’un noyer et d’une treille de raisin muscaté, hélas aujourd’hui disparue.

La profusion créatrice de Gabriel Albert n’a pas manqué d’interpeller, tout d’abord son environnement immédiat, et en particulier ses concitoyens, mais aussi les édiles, sans parler des nombreux voyageurs empruntant, en limite des communes de Bercloux et de Nantillé, la route départementale 129 sur l’ancien tracé de la voie romaine reliant les villes de Poitiers et de Saintes. Les statues, parquées dans l’enclos grillagé de la maison, au lieu-dit Chez Audebert, semblent s’adresser aux passants par un geste de salut, un regard ou une mimique. En cela, le jardinier de statues a pu être qualifié d’inspiré de bord de route, et par delà être désigné, disons-le sans esprit de polémique, un peu rapidement comme un artiste sinon naïf, en tout cas ressortissant, dit-on parfois, à l’Art brut.

Un ethnographe dans le jardin d’un habitant-paysagiste

On aura compris que mon implication dans la recherche du maintien de ce site et des statues sur place est liée à mon appartenance à un réseau familial disons de parentèle et de clientèle. Rien auparavant ne me prédisposait, du point de vue professionnel, à intervenir sur un domaine réputé appartenir exclusivement au champ artistique. Toutefois, depuis de longues années déjà, l’art populaire (ou déclaré tel) est censé tomber dans l’escarcelle des ethnologues, bien que, comme on peut le voir dans les musées d’ethnographie, dits aussi d’arts et traditions populaires, on ne puisse pas toujours trancher entre l’intérêt pour une certaine perfection formelle d’un objet et celui de sa valeur représentative pour le groupe social qui l’a imaginé, l’a élaboré, l’a rejeté, parfois recyclé, enfin réformé et voué à l’oubli avant une redécouverte éventuelle, une artification probable et souvent une patrimonialisation.

Ainsi, je me suis d’abord familiarisé avec les lieux, le jardin, par des visites successives, impromptues, puis en me faisant reconnaître par les propriétaires des lieux. Je dois ici avouer que ma décision d’engagement en faveur de cette œuvre est littéralement née lors d’une de ces visites une fin d’après-midi d’octobre. En effet, immobilisé sous la treille de raisins muscats que je dégustais au milieu de statues généreusement colorisées par un soleil couchant dans un silence sépulchral je fus saisi d’une véritable commotion esthétique (stendhalienne). La beauté de l’instant et des œuvres s’imposaient à moi, me convaincant une fois encore, si besoin était, que vraiment « la relation physique entre les objets et les sujets fait culture », en empruntant à M.-P. Julien et C. Rosselin (2005 : p. 6). Une idée fulgurante me traversa l’esprit : tout mettre en œuvre pour sauver d’une destruction cette statuaire vraiment remarquable. Elle me parut alors relever de l’évidence, hors toute réflexion de type juridique ou économique. Je m’y appliquai donc avec le concours d’un public choisi que je supposais acquis, persuadé que des relais étaient déjà bien engagés sur le terrain pour une perception esthétique mieux partagée et une reconnaissance sociale, indispensable à toute patrimonialisation, légitimant les efforts qu’elle demande à la collectivité.

J’ai donc procédé à l’enregistrement phonographique d’un entretien empirique portant sur l’itinéraire de vie de ce couple de personnes âgées, dont les expériences professionnelles. Le point de rupture était le passage à la retraite et la reconversion immédiate de cet autodidacte en « sculpteur-modeleur » auto-désigné. Le verbatim a été versé au dossier du Jardin à la Conservation des Monuments historiques à la DRAC de Poitiers, où il est éventuellement consultable. Les phonogrammes originaux seront versés, le moment venu, au Fonds Valière, à la Maison des sciences humaines et de la société à l’Université de Poitiers.

J’apprendrai ainsi que Gabriel Albert est né au Pin de Nantillé , le 19 octobre 1904, et qu’il est y resté jusqu’à l’âge de vingt-deux ans, en 1926. Puis il s’installe à Chez Audebert au mois de mai 1941/1942. Avec son épouse, ils demeuraient auparavant à La Tranche, commune d’Asnières (Charente-Maritime) où il avait « débuté à la terre », dans une famille de cultivateurs. Puis, il a fait, ce sont ses mots, « un peu de tout ». Au début de la guerre, il avait succédé à son beau-père comme laitier, avec des chevaux, mais aussi, pour l’anecdote, avec un gazo, au bois, « c’était une combine », selon lui. Soit dit, entre parenthèses, qu’une autre passion de sa vie, outre le modelage de statues, c’étaient les moteurs. C’est ce qui lui a fait « grand plaisir » dans la vie. « Vous pouvez pas vous imaginer le plaisir que j’avais quand ça tournait... un moteur pour moi, c’était... un dieu ! Un moteur, n’importe quel moteur !... Oh oui, j’aime les moteurs, ce qui fait du potin ; ce qui fait du bruit ! » Étonnante d’ailleurs cette confidence sur la conception d’un « dieu objet » (1988), forgée par le désir et l’imaginaire de cet homme se confrontant avec passion et ténacité à la matière brute. En tout état de cause, force est de reconnaître que cette expression et nombre de ses créations signent un certain sens du sacré chez lui, « sacré » dont le sociologue et philosophe Roger Caillois dit qu’il apparaît « comme une catégorie de la sensibilité » (1983 : p.18). Malheureusement, Gabriel ayant été plutôt peu enclin au « narratif », je n’en saurai guère davantage sur sa « fiction » encore moins sur sa sensibilité que l’on ne peut que ressentir pourtant à la fréquentation assidue de son œuvre. Sans doute, donnait-il à entendre qu’il aurait aimé et tout aussi bien pu collectionner avec la même passion dévorante les moteurs, voire en inventer de nouveaux, bricolés à sa manière. Sans souci du modèle, de la matière ou de l’usager autre que lui-même, le créateur de son propre univers, circonscrit aux limites de son espace vital ! Pas davantage de l’utilisation, apparemment indifférent à toute préoccupation pratique (Lévi-Strauss, 2008, p. 590 et passim) ! Je subodore que, finalement, c’est bien cette insularité intellectuelle et créatrice dans sa propre société, qui questionne les siens et les voisins, interpelle ses contemplateurs de passage, intrigue ses observateurs bienveillants dont l’ethnologue attentif à ne pas se laisser prendre dans le texte d’un Autre.

On l’a dit aussi scieur de long, avant de commencer son métier principal de menuisier qu’il cessera le jour même de sa retraite, non sans avoir vendu ses machines et ses outils, ce qui ne manqua pas de surprendre, voir ainsi un artisan se défaire de ses instruments de travail. Je dis « principal » puisqu’il avait installé une station de distribution de carburants – où l’on retrouve le goût des moteurs ! – devant sa porte, souvenir inscrit dans le jardin et sanctuarisé par une disposition de statues, notamment de bustes, qui respecte le plan de circulation des voitures sur ce lieu de ravitaillement routier.

En fait, il était surtout ébéniste, parce que pour la charpente, me dit-il, « il faut être deux », ajoutant : « j’ai fait ça pour gagner ma vie, moi. » Il confia : « J’aimais pas la culture, alors je suis passé tout doucement... » Il opta donc pour un autre métier plus attrayant à ses yeux. Il fera lui-même ses meubles, dont un petit buffet en « ormeau galeux », précisera son épouse, dont il a « pris le modèle sur un catalogue » avouera-t-il. C’est elle encore qui résumera son itinéraire à partir de leur mariage : « Quand on s’est mariés, alors il a cultivé les terres avec moi, il a fait le laitier pendant quelques années, il a quitté, parce que nous sommes venus ici soigner une tante. Alors il a quitté toute la terre, on les a données à faire, et puis, ici, il a fait la menuiserie. Et après la menuiserie, à sa retraite, alors il s’est mis dans l’idée de faire ses statues. »

Il remplira ainsi son jardin d’environ 420 pièces figuratives dont des animaux, sans stylisation ni schématisme. Une vingtaine d’entre elles disparaîtront, basses œuvres de voleurs qui n’ont pas hésité à escalader les grillages à l’arrière de la parcelle. On comprendra qu’une clôture plus solide s’est vite avérée nécessaire. Par ailleurs, compte tenu des injures du temps, et notamment de la fameuse tempête, dite « de 1999 », qui a mis à mal plusieurs éléments, une étude sur l’état sanitaire de la statuaire semble tout aussi nécessaire, préalable à toute initiative de restauration et d’accueil d’un public.

L’univers imaginaire d’un sculpteur-modeleur

Chez Gabriel Albert, s’accumulent les souvenirs d’une vie à se chercher professionnellement, mais aussi au plan artistique et culturel. Son milieu, ses apprentissages empiriques : « J’ai tout le temps aimé ça, le travail manuel... Je faisais ça ‘naturellement’. Je faisais toutes espèces de petits engins. » « Jusqu’à un violon ! ». « J’ai fait un fusil ! » Puis il précisera : « C’était un violon à une corde, seulement ! » Curieux de tout, il était aussi « musicien » et jouait de la clarinette « en ébène ». Quand il était « garçon » dira-t-il, « ça était mon travail avec, pendant quinze ans... J’allais jouer aux bals ; je faisais les bals. » « J’avais seize ans environ, et j’ai arrêté quand on s’est mariés. » « On était cinq ou six musiciens dans le pays, on jouait ensemble. D’autres fois, on jouait tout seul. Souvent tout seul. » Ils étaient tous du coin : Le Pin, Chez Audebert. Il se souvient avoir appris la musique à Ébéon, avec monsieur G. Quant au répertoire de ce musicien de village, auquel moi-même je m’intéressais, il me répondra avec le sourire : « Eh oui. Sûrement. Ça, on n’oublie jamais ! On ne peut pas oublier ça ! J’ai joué des valses, pour commencer, des valses... Pas de quatre, scottish, mazurka, les quadrilles, les Lanciers, les marches pour aller boire un coup... »

Il était en fait comme ça le sculpteur-modeleur Gabriel, vif et enjoué, sensible à la musique, à ses sonorités, mais aussi amateur du bruit des moteurs, et pourtant davantage porté à la création d’êtres muets, murés dans l’éloquence de leur silence, silence où il se complaisait dans la contemplation sans fin de ses propres œuvres. Parmi elles figure sa propre effigie, en bleu de chauffe, double mètre dans une poche latérale, le crayon dans l’autre, adossée à une cloison de son atelier tout de tôle ondulée. Il y voisinait avec le génial Pasteur, savant bienfaiteur du peuple, représenté dans la même posture et cela le réjouissait. Bien d’autres personnages illustres, tels des gens du spectacle vivant, du cinéma, du monde politique et militaire figurent dans le jardin, mais aussi de bien moins recommandables à l’instar de Landru, figé la main au front pour signifier sa honte pour ses forfaits, comme le glosera l’artiste en ma présence, lors d’une de nos visites partagées. Un groupe de huit danseuses, réalisées vers 1982, et disposées sur un cercle, a fait l’objet d’un vol de quatre d’entre elles. Seraient-elles les plus gracieuses ? les moins pesantes et donc les plus faciles à enlever ?

Le monde paysan est lui aussi mis en représentation avec des personnages parfois en costumes régionaux, parfois caricaturés à la façon du dessinateur saintongeais Barthélemy Gautier. Des scènes de genre ont également été reproduites, avec en premier chef, auprès de l’atelier, l’Angélus de J.-F. Millet, un incontournable du milieu rural. Retenons encore, la fable enfantine du Corbeau et du Renard, ou encore le conte de Blanche-Neige et des sept nains.


Il ne s’agit pas ici de passer en revue les fiches dressées par le service patrimoine du Conseil général et celles dues à l’Inventaire (Allard et Ourry, 2009) que l’on peut découvrir en ligne en même temps que les photos des statues in situ, des vues de l’atelier, des données techniques de fabrication, mais de donner un point de vue d’ensemble. Nous devons comprendre que Gabriel Albert, s’appuyant sur une iconographie aléatoire, non organisée, glanée au gré du temps dans son environnement familier, puise en fait, pour sa création, ou plus justement, en reprenant Marc Augé (1997), pour sa « recréation culturelle », dans une totalité symbolique, à savoir le complexe « imaginaire et mémoire collectifs » de la collectivité humaine à laquelle il appartient, et qui constituent pour lui comme pour tout un chacun une source d’élaboration et de créations discursives.





Vous trouverez une bibliographie établie par Michel Valière en annexe dans la partie " commentaires"  ....

* LES GRIGRIS DE SOPHIE ET LE JARDIN DE GABRIEL
                          (cliquer sur le lien) 

jeudi 23 février 2012

LE GOUT DES PEPINS DE POMME DE KATHARINA HAGENA





Plus les mailles se distendaient dans la mémoire de Bertha, plus gros devenaient les fragments de souvenirs qui s'échappaient à travers . Plus la confusion progressait dans sa tête, plus extravagantes devenaient les choses qu'elle tricotait , des choses dont les bords, parce qu'elle laissait continuellement des mailles de côté, en entrecroisait d'autres ou en tricotait de nouvelles, croissaient et se recroquevillaient en tous sens, béaient et feutraient en se défaisant de partout .
Ma mère avait rassemblé les tricots de Bootshaven et les avait emportés chez elle . Elle les conservait dans un carton rangé dans l'armoire de la chambre à coucher . Un jour, j'étais tombée dessus par hasard, j'en avais retiré les sculptures de laine, et c'est avec des sentiments mitigés, balançant entre amusement et effroi, que je les avais étalées, une à une, sur le lit de mes parents. Ma mère est arrivée sur ces entrefaites, je n'habitais plus chez mes parents et Bertha était déjà à la maison de retraite. Nous avons passé un moment à contempler les monstres de laine.
- Que veux-tu, a dit ma mère comme pour s'excuser, tout le monde a besoin d'un endroit où conserver ses larmes .
Et là-dessus elle a remis le carton à sa place, dans l'armoire. Et plus jamais il n'a été question entre nous des tricots de Bertha .




Lu et aimé dans LE GOÛT DES PÉPINS DE POMME DE KATHARINA HAGENA ...

mercredi 22 février 2012

LE BAECKHOFF DE POISSONS D'HELENE





LE BAECKHOFF DE POISSONS D'HELENE


700 g de lotte
700 g de saumon
700g de cabillaud

400 g de crevettes décortiquées

6 carottes
4 poireaux
2 oignons
1 fenouil
2kg de pommes de terre en rondelles fines
ail haché
laurier, thym et autres ...
1 bouteille de riesling
1 citron
50 cl de crème liquide
sel poivre

Faire mariner la veille tous les poissons dans du vin blanc avec le citon du sel et du poivre;
Faire revenir dans de l'huile d'olive tous les légumes.
Dans une grande terrine mettre une couche de pommes de terre, une couche de poissons, une couche de légumes et pour finir de nouveau des pommes de terre.
Bien saler les couches au fur et à mesure
Cuire 1H30 à 180 ° ...

C'est vraiment une super bonne recette !

Faite avec amour pour Jean-Michel et Pierre ....

mardi 21 février 2012

IEMZA FOR EVER !









La galerie de IEMZA est une splendeur, plongez vous dans chaque réalisation 
 c'est du très très beau travail !
Ici on aime inconditionnellement !

lundi 20 février 2012

MARCEL STORR ET FRANÇOISE CLOAREC

Françoise Cloarec a eu la gentillesse  de me donner un texte très émouvant sur Marcel Storr .
A découvrir avant ou après la visite de l'exposition !





STORR


Architecte d’ailleurs.


Un jour de printemps, en 1914, Eugénie Storr pousse la porte de l’hôpital dépositaire des Enfants assistés de la rue Denfert-Rochereau. Elle abandonne là son fils Marcel, il a moins de trois ans.

Marcel Storr a tout perdu, tout de suite. Il a vécu dès sa prime enfance des événements si intenses et terribles qu’ils vont décider de l’orientation de son existence, jusqu’à sa mort.

À la naissance, chaque enfant est déjà inscrit dans une histoire. Une histoire qu’il ignore, mais qu’il porte. Marcel sera hanté toute sa vie par un passé dont il ne peut rien dire. Et dont nous pouvons penser qu’on ne lui a rien dit.

Toujours, une ombre pesante, sans mots, en lui.

À peine est-il déposé rue Denfert-Rochereau par Eugénie qu’il est emmené par un des convois en partance tous les jours vers les nombreuses agences des Enfants assistés de province.

Le petit garçon part à Toucy, dans l’Yonne.

Si nous savons peu de choses de l’enfance de Marcel, nous sommes sûrs qu’elle est une répétition de violences. Celles dont on a la preuve et celles que l’on imagine secrètes. La disgrâce est aussi intérieure. Il a été battu, isolé, obligé de subir son destin.

Il traverse les premières années de sa vie comme un cauchemar. Les jours passent, amers, durs. Qui l’entoure ? Qui s’occupe de lui ?

La vie de Marcel Storr comporte de nombreuses périodes restées dans l’ombre. Nous le suivons à travers des dates, des mots, des mots ternes, tristes, des mots de documents administratifs, de certificats médicaux.

Il a pris des coups, physiques, moraux, au point d’en devenir sourd. Sourd aux autres et à lui-même.

De l’agence des enfants assistés de Toucy, à six ans il est envoyé à l’agence de Montauban. Régulièrement il est fait des séjours en sanatorium, à Berk, à Hendaye, pour tuberculose. À treize ans il est gagé chez des paysans, dans des fermes où il est frappé et maltraité.

Entre deux documents Marcel disparaît. Nous ne savons plus ce qu’il devient.

Il est probable qu’il a travaillé dans divers emplois à Paris après avoir quitté Montauban. Il exècre la campagne. Le rêve de Marcel est de travailler dans le métro. Pour lui c’est une sorte d’idéal, un vrai métier.

En 1940, il est mobilisé, puis réformé. Son signalement le présente comme un homme d’un mètre soixante-huit, cheveux châtains, yeux châtains, front couvert, nez rectiligne, visage ovale.

Il est fermé aux autres, rigide, les échanges ne l’intéressent pas. Les autres sont des ennemis, ou au mieux, n’existent pas.

Il est coupé du monde par sa structure psychique, par sa surdité, par son illettrisme.

Mais il fait des plans, il dessine.

Quand a-t-il commencé, pourquoi ? Pour empêcher l’envahissement par les voix, les persécutions ?

Toute la sensibilité dont il est capable, la poésie, l’émotion passent par les dessins, pas dans sa vie, pas dans sa relation aux autres.

Dans le monde qu’il crée, il devient architecte. Il bâtit, il édifie. Il érige, il dresse, il élève, vers le ciel. Il construit sans relâcher son crayon, sauf pour l’aiguiser, un imaginaire dans lequel il plonge pour ne pas sombrer.

En 1964, Marcel Storr est cantonnier de la ville de Paris, il balaie les allées du Bois de Boulogne. Toute la journée il voit s’élever les tours de la Défense alors en construction. En 1964 aussi, il épouse Marthe, une concierge de la rue Milton dans le 9e arrondissement.

Tous les soirs en rentrant de son travail, il dessine. Dessiner apaise sa fièvre, intensifie sa vie. Il invente des mondes où les églises dégagent une lumière pourpre qui les embrase de l’intérieur. Toute l’intensité doit entrer dans la surface réduite de la feuille dont les bords retiennent la jouissance et protègent du gouffre.

Avec son crayon, il grave la surface comme avec un poinçon. Le papier reçoit la mine acérée. Pas de rature, pas de retouche, pas de reprise, pas de remord, pas de retour. Surtout pas de retour.

Marcel, le soir, devient bâtisseur, il transforme les épreuves en dessins, il donne une forme à l’ombre qui l’habite.

Il construit un monde, comme Dieu. Il évacue là sa sexualité, sa colère, ses drames. Infatigable. Il organise son univers, lui qui est refusé de partout. Il a besoin d’être créateur, sinon de sa vie, au moins de la vie de ses dessins. Il faut qu’il maîtrise quelque chose, la nature doit être domestiquée, les gens doivent vivre en autarcie, en circuit fermé.

Le papier abrite ce qu’il ne peut pas dire, encore moins écrire.

Le dessin est son écriture, son vocabulaire.

Le regard peut parcourir indéfiniment un dessin et toujours découvrir un nouveau détail.

Il produit son œuvre en dehors des circuits marchands, il n’est inscrit dans aucun réseau artistique.

Par sa femme, il rencontre un couple en 1971, Liliane et Bertrand K.

Il leur a laissé plus de soixante dessins.

Ils ont recueilli, conservé, aimé, mis sous verre, exposé, regardé, commenté, photographié, présenté, montré, expliqué les créations de Marcel Storr. Ils ont fait des recherches sur l’enfance de l’artiste, exploré ce qu’il était possible de trouver sur sa biographie. Ils ont protégé et respecté son travail. Ils ont toujours su la grande importance de leur mission.

De 1938 à 1964, Marcel Storr dessine, nous pourrions dire peint, des églises, des cathédrales. À partir de 1965 des cités imaginaires deviennent le sujet exclusif de sa création. 18 feuilles de Canson accueillent des mégapoles. Les bâtiments sont utopiques, inventés, irréels. Les détails s’ajoutent aux détails. Une toute petite partie, prise au hasard est un univers en soi. Si nous l’isolons, nous voyons encore un monde. Il dessine chaque pierre, chaque nuage, chaque oiseau. Les humains, toujours en bas de la feuille sont minuscules, prisonniers d’une architecture écrasante.

Ce que l’on voit d’abord, c’est la verticalité, les traits, la couleur, les ciels. Nous restons toujours en dehors des bâtiments, des églises, il ne nous fait pas entrer. Il n’existe pas un intérieur où il pourrait se protéger de l’hostilité extérieure.

Marcel Storr, dessinateur, bâtisseur, architecte est né le 5 juillet 1911, il est mort le 10 novembre 1976. Il n’a jamais eu le mode d’emploi du monde, ni de l’art, ni du cœur.


* Le site de Françoise Cloarec
 
* MARCEL STORR ET LES GRIGRIS DE SOPHIE
 
(cliquer sur les liens)
 
 
MARCEL STORR BÂTISSEUR VISIONNAIRE

au Pavillon Carré de Baudouin
121 rue de Ménilmontant, 75020 Paris
Entrée libre
jusqu'au  31 mars 2012 (prolongation exceptionnelle grâce au fabuleux succès rencontré par l'exposition !)

dimanche 19 février 2012

CLAUDINE GOUX : ENTRE DESSINS, GRAVURES, PEINTURES ET SCULPTURES

Je n'ai pas encore eu le plaisir de rencontrer CLAUDINE GOUX .
 Je connais certaines de ses oeuvres pour les avoir rencontrées chez Bakou et Marie et au Musée de Bégles .
Cet été j'ai acheté deux boîtes peintes, une pour Victor et une pour moi et Claudine a eu  la gentillesse de me remercier pour cet achat, fait assez rare pour être signalé .

Nous avons un ami commun MICHEL LEROUX et j'ai demandé à Michel un texte et des photos issues d'oeuvres de sa collection " Art Obscur" pour présenter Claudine aujourd'hui .
Voici donc quelques photos .
Michel a sélectionné des œuvres de différentes techniques et supports pour montrer à quel point l'art de CLAUDINE est multiple .
Vous allez découvrir :  deux peintures, deux travaux sur boites dépliées, deux dessins, deux sculptures et deux  gravures . La dernière m'appartient depuis peu et je l'aime énormément !











Et cette gravure ( inspirée par le passage des grues, juste avant l'hiver, voyage toujours répété qui  fascine Claudine )  rien que pour moi ....



Claudine Goux est née le 2 février 1945 à Niort, de parents enseignants. Elle entreprend des études de médecine qu'elle achève à Bordeaux, puis, après un stage d'un an en milieu hospitalier, elle abandonne sa carrière. Elle se marie en 1971 avec un psychiatre et devient mère de famille. Ensemble, ils vivront successivement à Angoulême, Poitiers et Auch pour se fixer à Gradignan, en Gironde. En 2008, ils s’installent à Royan.

Cette artiste commence à peindre en 1971. Elle s'intéresse tout d'abord à l'art nègre et à Gauguin puis traverse une période cubiste. Mais très vite, elle trouve son propre langage pictural, proche de celui de la miniature et composé d'êtres imaginaires. A cette époque, elle découvre les écrits de Jean Dubuffet avec qui elle a un échange épistolaire. Aux alentours de 1978, elle rencontre Aristide Caillaud qui lui achète des œuvres, l'encourageant ainsi à poursuivre son cheminement solitaire.

Claudine Goux pratique la gravure, peint à la gouache et à l'acrylique, dessine à l'encre de Chine, réalise des triptyques dont le cadre est un prolongement pyrogravé de l'œuvre. Elle illustre également un nombre considérable d'ouvrages de poésie. Son travail, fait de ciselures et de fines hachures nous entraîne dans la mythologie et l'histoire des religions qui la passionnent. Cultivant simultanément le sacré et le profane, elle nous offre à voir, avec grande délicatesse, la quintessence de sa rêverie infinie. Claudine Goux cultive également la grande discrétion, pour ne pas dire l’effacement, à propos de son travail. Loin des vitrines des m’as-tu vu … elle est à l’ouvrage, à l’œuvre !

( Site de La Création Franche et Michel Leroux)

D'autres photos .... et là aussi !
(cliquer sur les liens)


samedi 18 février 2012

MAUD GIRONNAY ET CLOTILDE POTRON : " OMBRES BLANCHES" A L'ANCIEN COLLEGE DES JESUITES


" Un univers en noir et blanc, sur les murs et dans les vitrines de la salle Brûlart, à l'Ancien Collège des Jésuites.
 Maud Gironnay et Clotilde se répondent et s'opposent, entre gravures et fusains, petits et grands formats, entre ombre et lumière.
Elles racontent toutes deux des histoires, mêlant techniques conventionnelles et création contemporaine : Maud est graveur, Clotilde plasticienne."






Marie-Christine Bourven, graveur, a écrit ce texte pour Maud :

Du poème en prose à la poétique de l’image…
Gaspard de la nuit, une œuvre engagée par Maud Gironnay il y a sept ans, alors qu’elle était encore étudiante à l’école Estienne. C’est dire que pour l’artiste la gravure est un art majeur et plus encore une sensibilité, une intuition visuelle, une grâce poétique … et qui plonge ses racines dans la prosodie douce et âpre du poème.

L’auteur Aloysius Bertrand, poète au destin tragique, image parfaite du romantisme est aussi un rebelle et Gaspard, le diable un avatar de lui-même. Il évoque dans ses diableries un Moyen-âge complice de la tyrannie du sort. Chaque poème est un petit tableau à la manière des peintres flamands, mais l’écriture libère la touche comme un présage du style impressionniste à venir. Au fil des mots et des invocations narratives, le poète dialogue avec lui-même, et ce lui-même est un autre – ou le diable qu’il voue aux enfers.

Autodérision et distanciation, à la lueur incisive des mots se double une ironie sournoise.

Gaspard de la nuit… "Fantaisies à la manière de Rembrandt et Callot" Titre et sous-titre pour nous introduire directement dans l’univers de la gravure entre gobbi et clair-obscur.

Le jeu de la lumière, l’éloge de l’ombre et les nains drolatiques, une synthèse élaborée et maîtrisée par Maud – graveur – dans son approche intime de la poésie où se joue le sortilège de l’écriture.

Il faut ausculter chaque gravure à la loupe, fouiller chaque détail et rechercher dans la texture du trait de l’eau-forte, la légèreté morose et incisive de Gaspard. Le trait à lui seul est une écriture, à la surface de la plaque et creusé par l’acide. Tel un laboureur des temps anciens, Maud Gironnay creuse ses sillons avec le recueillement obstiné d’une âme résolue et la manière noire envoûte le tout d’un noir profond et dense.

De la discontinuité narrative à la page imprimée

L’époque romantique introduit la vignette en contrepoint du texte.

Dans le travail de Maud, chaque petite gravure est un élément du tout de la page imprimée. Ici la version figurée s’émancipe de sa version textuelle, mais la valeur poétique reste intacte, c’est un chant à deux voix ou bien encore un champ à deux voies…



(Merci à Françoise Lapeyre pour ses photos données et son article !)



Et Clotilde ...
" En jouant sur les subtilités de son fusain, un médium particulier, noir, terne, mat, l'artiste transpose ses propres angoisses. Elle n'aime pas commenter ses réalisations : « Je préfère que chaque visiteur se fasse son histoire. Ce que je veux, c'est sortir les gens de leur automatisme, leur insuffler un peu d'humanité"
 
Pour en savoir plus consultez le dossier de presse et lisez l'article de l'Union du 09/02/12


Jusqu'au 11 mars à l'Ancien Collège des Jésuites.
1, place Museux à Reims .
 Du mardi au dimanche de 14 à 18 heures. Entrée libre.
 Visites guidées les samedis 18 février et 3 mars à 14 h 30.
Visite en présence des artistes le dimanche 19 février à 14 h 30.