Ne manquez pas "L’ŒUVRE SANS AUTEUR" ( en deux parties hélas alors que rester trois heures dans cette fresque magnifique eut été un vrai bonheur) et découvrez ou retrouvez les peintures de
GERHARD RICHTER ....
Et pour accompagner mon choix de photos un article de Philippe Dagen paru en 2016 :
« Le gris est absence. Dans la nature, il est cendres et brumes : ce qui n’est plus et ce qui dissimule à la vue, effacement chaque fois. Il n’a ni l’autorité tyrannique du noir ni l’éclat aveuglant du blanc. Pour obtenir du gris, il faut, disent les peintres, salir du blanc ou toute autre couleur avec du noir. Salir : le verbe est explicite. Dans le meilleur des cas, dans les premières grisailles de Giotto, il attire la peinture au plus près du bas-relief sculpté dans la pierre ou du côté de l’ornement discret.
La disparition semble sa fonction, glissement vers le spectral des austères vitraux en camaïeu. Seule exception, évidente : la photographie. Elle a été l’empire du gris tant que la chimie des couleurs est demeurée incertaine et, jusqu’à l’invention du numérique, a démontré tout ce que peuvent nuances et gradations des gris. Encore la dit-on "en noir et blanc" comme s’il était préférable de ne pas employer ce mot de mauvais augure. En allemand, l’expression "voir tout en gris" signifie s’abîmer dans la mélancolie. »
« Gerhard Richter sait tout cela quand il fait, à la fin des années 1950, de la peinture en grisaille son instrument unique et s’en tient à ce principe plus d’une décennie. Depuis 1973, son œuvre picturale se partage entre couleurs intenses et gris, mais il ne l’abandonne jamais plus que quelques mois. Leur connivence est si forte qu’aucun peintre ne peut plus désormais employer des gris sans subir rapprochements et comparaisons. »
Le gris de Richter est initialement celui de la photo. Ses toiles donnent à voir des photos en "noir et blanc", complètes ou incomplètes. Prises dans la presse, dans la publicité ou dans des livres, elles sont agrandies aux dimensions de la toile, très supérieures, et sont non moins systématiquement abîmées. Quand la matière picturale est encore fraîche, Richter la caresse et l’écrase lentement avec un instrument ou une étoffe, légèrement, mais suffisamment pour que les lignes se brouillent et que les formes perdent la netteté du cliché net et précis – de "qualité professionnelle" comme on dit. »
« Par ce moyen, dont il est l’inventeur et qui a été beaucoup imité, il obtient des images fantomatiques et réuni les pièces d’un inventaire du monde décoloré et brouillé : réclames, portraits, nus, avions, villes, mers. Tout ce que photo, cinéma et télévision – en noir et blanc elle aussi, souvenez-vous – peut produire d’imageries stéréotypées, il le soumet à cette épreuve.
L’inventaire n’oublie rien, ni les vues forcément romantiques et sublimes d’une mer sans rivages sous des nuages lourds, ni les scènes de genre, ni romantiques, ni sublimes, produites et commercialisées par la pornographie. Ce qui devrait être, selon les cas, grandiose, émouvant, séduisant ou excitant se trouve réduit à une sorte de calque flou, pauvre reste d’un spectacle privé de ses prestiges visuels. Décoloré, essoré, il n’a plus aucun charme. » [...]
L'ARTICLE
SUR WIKIPEDIA
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GERHARD RICHTER ....
Et pour accompagner mon choix de photos un article de Philippe Dagen paru en 2016 :
« Le gris est absence. Dans la nature, il est cendres et brumes : ce qui n’est plus et ce qui dissimule à la vue, effacement chaque fois. Il n’a ni l’autorité tyrannique du noir ni l’éclat aveuglant du blanc. Pour obtenir du gris, il faut, disent les peintres, salir du blanc ou toute autre couleur avec du noir. Salir : le verbe est explicite. Dans le meilleur des cas, dans les premières grisailles de Giotto, il attire la peinture au plus près du bas-relief sculpté dans la pierre ou du côté de l’ornement discret.
La disparition semble sa fonction, glissement vers le spectral des austères vitraux en camaïeu. Seule exception, évidente : la photographie. Elle a été l’empire du gris tant que la chimie des couleurs est demeurée incertaine et, jusqu’à l’invention du numérique, a démontré tout ce que peuvent nuances et gradations des gris. Encore la dit-on "en noir et blanc" comme s’il était préférable de ne pas employer ce mot de mauvais augure. En allemand, l’expression "voir tout en gris" signifie s’abîmer dans la mélancolie. »
« Gerhard Richter sait tout cela quand il fait, à la fin des années 1950, de la peinture en grisaille son instrument unique et s’en tient à ce principe plus d’une décennie. Depuis 1973, son œuvre picturale se partage entre couleurs intenses et gris, mais il ne l’abandonne jamais plus que quelques mois. Leur connivence est si forte qu’aucun peintre ne peut plus désormais employer des gris sans subir rapprochements et comparaisons. »
Le gris de Richter est initialement celui de la photo. Ses toiles donnent à voir des photos en "noir et blanc", complètes ou incomplètes. Prises dans la presse, dans la publicité ou dans des livres, elles sont agrandies aux dimensions de la toile, très supérieures, et sont non moins systématiquement abîmées. Quand la matière picturale est encore fraîche, Richter la caresse et l’écrase lentement avec un instrument ou une étoffe, légèrement, mais suffisamment pour que les lignes se brouillent et que les formes perdent la netteté du cliché net et précis – de "qualité professionnelle" comme on dit. »
« Par ce moyen, dont il est l’inventeur et qui a été beaucoup imité, il obtient des images fantomatiques et réuni les pièces d’un inventaire du monde décoloré et brouillé : réclames, portraits, nus, avions, villes, mers. Tout ce que photo, cinéma et télévision – en noir et blanc elle aussi, souvenez-vous – peut produire d’imageries stéréotypées, il le soumet à cette épreuve.
L’inventaire n’oublie rien, ni les vues forcément romantiques et sublimes d’une mer sans rivages sous des nuages lourds, ni les scènes de genre, ni romantiques, ni sublimes, produites et commercialisées par la pornographie. Ce qui devrait être, selon les cas, grandiose, émouvant, séduisant ou excitant se trouve réduit à une sorte de calque flou, pauvre reste d’un spectacle privé de ses prestiges visuels. Décoloré, essoré, il n’a plus aucun charme. » [...]
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