POUR TOI HÉLÈNE ...
POUR TON ANNIVERSAIRE ...
LES ARBRES DE CEUX QUE J'AIME ...DENIS PEDINI
Je suis levant...
Aux batailles perdues de mes bras,
explosent mes impuissances...
Quand s'arrangent mes racines,
aux doutes de leurs trames,
mère nature tisse de mes faiblesses
des mains de fils, les inventés,
aux feuilles de nos Vies rêvées...
VINCA ALBA MINOR
NADINE VERGUES
SÉBASTIEN KRAMPE
STÉPHANE EROUANE DUMAS
PHOTO SOPHIE LEPETIT
MARC GUILLAUMAT
MANUEL FELISI
AU MUSÉE COOPER HEWITT
JOËLLE DENIS
JEANIE TOMANEK
JACQUELINE DUPUIS
ISABELLE HINGANT
ALISON MORITSUGU
ALAN VILAR
FRANCOIS TRINEL
Le peuple qui aimait les arbres
Un jour,
juste avant les pluies de la mousson, une énorme tempête de sable
tourbillonna dans le désert. En quelques instants, le ciel devint aussi
noir que la nuit. Des éclairs déchiraient le ciel et le vent fouettait
les arbres tandis qu’Amrita se précipitait chez elle. De sa maison, elle
entendait le sable qui venait cingler les volets. Après la tempête, il y
eut du sable partout – dans les vêtements d’Amrita, dans ses cheveux et
même dans sa nourriture. Mais elle était sauvée et son village aussi,
grâce aux arbres qui les avaient défendus au plus fort de la tempête.
Plus Amrita grandissait, plus elle aimait les arbres. Bientôt, elle eut
des enfants qu’elle emmenait avec elle dans la forêt.
« Ils
sont vos frères et vos sœurs », leur disait-elle. « Ils nous abritent du
soleil brûlant du désert, nous protègent des terribles tempêtes de
sable, et nous montrent où trouver l’eau que nous buvons », leur
expliquait-elle. Puis Amrita apprenait à ses enfants à aimer et à
protéger les arbres comme elle le faisait.
Chaque jour, quand
elle quittait la forêt, Amrita allait puiser de l’eau à la source du
village. Elle portait l’eau dans une grande cruche d’argile, posée en
équilibre sur le dessus de sa tête.
Un matin, près de la
source, Amrita vit un groupe d’hommes armés de lourdes haches. Ils se
dirigeaient vers la forêt. Elle entendit ces mots : « Abattez tous les
arbres que vous rencontrerez », ordonnait le chef des bûcherons. « Le
Maharajah a besoin de beaucoup de bois pour construire sa nouvelle
forteresse. »
Le Maharajah était un prince puissant qui régnait
sur de nombreux villages. Sa parole faisait loi. Amrita eut peur. « Les
coupeurs d’arbres détruiront notre forêt », pensa-t-elle. « Nous ne
serons plus abrités du soleil ni protégés des tempêtes de sable. Nous ne
saurons plus comment trouver l’eau dans le désert ! »
Amrita
courut se cacher dans la forêt. De sa cachette, elle entendait les coups
de hache qui fendaient ses arbres bien-aimés. Soudain, Amrita vit le
chef des bûcherons brandir le fer de sa hache vers son arbre préféré.
« Ne coupez pas cet arbre ! » s’écria-t-elle en bondissant. Elle se mit devant son arbre.
« Écarte-toi ! » gronda le bûcheron.
« Je vous en prie, laissez mon arbre, » supplia Amrita. « Coupez-moi plutôt ».
Elle protégeait son arbre de toutes ses forces, mais le bûcheron la
poussa et brandit sa hache. Lui, il ne voyait que l’arbre qu’on lui
avait demandé de couper. Le bûcheron frappa encore et encore, jusqu’à ce
que l’arbre d’Amrita s’abatte sur le sol. Amrita tomba à genoux, les
yeux remplis de larmes. Ses bras étreignirent tendrement les branches
mourantes de l’arbre.
Au village, quand ils surent ce qui
venait de se passer, hommes, femmes et enfants coururent vers la forêt.
L’un après l’autre, ils se placèrent devant les arbres pour les
défendre. Chaque fois que les bûcherons s’avançaient pour couper un
arbre, les villageois se dressaient sur leur chemin.« Le Maharajah le
saura ! » menaça le chef des bûcherons. Mais le peuple ne céda pas.
Le Maharajah entra dans une grande colère quand il vit les bûcherons
revenir les mains vides. « Où est le bois que je vous ai envoyés couper ?
» hurla-t-il.
« Votre Altesse, nous avons bien essayé de couper
les arbres pour votre forteresse, mais où que nous allions, les
villageois les entouraient de leurs bras pour nous en empêcher »,
répondit le chef des bûcherons.
Le Maharajah fendit l’air avec
son épée. « Me désobéir coûtera cher à ces défenseurs d’arbres ! » Il
enfourcha son cheval le plus rapide et galopa vers la forêt. À sa suite
venaient de nombreux soldats, montés sur des chameaux aux longues pattes
et sur des éléphants aux défenses ornées de pierres précieuses.
Le Maharajah trouva les habitants du village rassemblés près de la source.
« Qui a osé défier mon ordre ? » demanda-t-il. Amrita hésita un instant, puis elle s’avança.
« Oh, Grand Prince ! Nous ne pouvions laisser les bûcherons détruire
notre forêt », dit-elle. « Ces arbres nous abritent du soleil brûlant du
désert. Ils nous protègent des tempêtes de sable qui détruiraient nos
récoltes et enseveliraient notre village. Ils nous montrent où trouver
l’eau, si précieuse à boire. »
« Sans ces arbres, je ne puis construire une solide forteresse ! » insista le Maharajah.
« Mais sans ces arbres, nous ne pouvons survivre », répliqua Amrita.
Le Maharajah lui lança un regard furieux.
« Coupez-les ! » hurla-t-il.
Les villageois se précipitèrent dans la forêt tandis que les soldats
faisaient briller leurs épées et se rapprochaient pas à pas. Le sable se
mit alors à tourbillonner autour de leurs pieds et les feuilles
tremblèrent sur les arbres. Au moment où les soldats atteignaient la
forêt, le vent du désert rugit, soulevant tant de sable qu’ils y
voyaient à peine.
Pour échapper à la tempête, les soldats
coururent se mettre à l’abri des arbres. Amrita étreignit son arbre
préféré, et les villageois cachèrent leur visage quand le tonnerre
éclata sur la forêt. Jamais ils n’avaient affronté une telle tempête.
Enfin, lorsque le vent s’apaisa, ils sortirent lentement de la forêt.
Amrita ôta le sable de ses vêtements et regarda autour d’elle. Des
branches d’arbres brisées étaient éparpillées partout. Dans le champ,
les grains de blé jonchaient le sol. Le sable s’était amoncelé tout
autour de la source. Amrita comprit que seuls les arbres avaient empêché
le désert de détruire le village.
Le Maharajah se tenait près de
la source et regardait fixement la forêt. Il resta songeur un long
moment, puis s’adressa aux villageois.
« Vous avez prouvé votre
courage et votre sagesse. Vos arbres vous protègent, et désormais ils ne
seront plus coupés. Votre forêt restera à jamais un joyau de verdure
dans le désert. »
Le peuple se réjouit aux paroles du Maharajah.
Ils chantèrent et dansèrent très tard dans la nuit, et illuminèrent le
ciel de feux d’artifice.
Dans la forêt, les enfants décorèrent
les arbres de fleurs et de guirlandes de papiers multicolores. Et pour
ne pas oublier le grand sacrifice de l’arbre d’Amrita, ils firent de
l’endroit où il était tombé un lieu sacré.
De nombreuses
années se sont écoulées depuis ce jour-là, mais on dit qu’Amrita vient
toujours vénérer les arbres dans la forêt.
« Chers arbres, vous êtes si grands et vos feuilles sont si vertes ! Comment vivre sans vous ? »
Amrita sait que les arbres abritent les hommes du soleil brûlant du désert.
Les arbres protègent les hommes contre les terribles tempêtes de sable du désert.
Les arbres montrent où trouver l’eau si précieuse.
Heureux et sages sont les hommes qui vivent auprès d’eux.
Deborah Lee Rose
Le peuple qui aimait les arbres :
Conte écologique populaire
Deflandre, 1992
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