En 1989, l'œuvre de Reynaud fait l'objet d'un mémoire de maîtrise rédigé par Alice Splimont-Anglade et soutenu à la Faculté Paul Valéry de Montpellier sous le titre de " Raymond Reynaud, peintre singulier". C'est la première fois qu'un peintre singulier est représenté à l'Université. Ces travaux de recherche ont été dirigés par le professeur et historien de l'art Marie-Domitille Porcheron.
J'ai téléphoné à Alice Anglade. Elle a accepté, pour les Grigris, d'écrire un texte sur son ami RAYMOND REYNAUD.
Le voici :
" Raymond Reynaud, issu d'une famille d'artisan modeste n'a pas connu les Beaux Arts ou une autre école d'arts plastiques.
Il n'a dû son savoir qu'à son obstination et à sa différence. Celle du garçon qui préfère la musique, la poésie et la peinture au foot ou au rugby que de toute façon il n'a pu pratiquer car son coeur était fragile.
Il devint peintre en bâtiments. Ce qui lui donna une grande connaissance des matériaux, de la peinture, des pigments qu'il dut apprendre à écraser, à mélanger...Son goût pour le dessin se manifesta très vite . Il l'exerça en décorant des manteaux de cheminée. Très vite cela ne lui suffit plus. Il suit les cours du soir des Beaux Arts. Des prix viennent couronner son travail assidu. Prix de dessin et de peinture.
Raymond Reynaud, artiste libre et contestataire, savait tout faire: Des portraits, des paysages, des toiles quasi abstraites. Son intelligence, sa curiosité, sa vive sensibilité, sa délicatesse lui ont permis de comprendre les courants artistiques de son époque, de se cultiver tout seul, en cherchant au fur et à mesure de ses besoins , de ses désirs de création. Il connaissait aussi bien le Moyen Âge européen que les icônes russes, Picasso, ou le Titien . Il se promenait dans l'histoire de l'Art avec liberté. Il visitait les musées de toutes les contrées qu'il a parcourues. C'est au cours d'un de ses voyages qu'il a découvert l'Art Brut et qu'il en a été très touché. Sa fine psychologie lui a fait sentir la vérité de cet art, sa nécessité, son indifférence aux modes, aux regards. Il l'a toujours défendu .
Lui qui savait tout faire, qui avait une culture en peinture très solide a été ébranlé par la vérité de cet art, son absence de pose. Il a opéré une révolution, il a conservé ce qu'il avait appris techniquement sans même s'en rendre vraiment compte mais il a commencé à voir les limites des académismes et à s'insurger contre elles. Il n'a fait que ce qu'il voulait faire .
Il s'est voulu et déclaré "peintre singulier". Il est devenu lui même. Il a crée son vocabulaire plastique très simple et en même temps extrêmement travaillé, complexe. Il a osé tout ce qu'il avait envie d'oser. Cela a donné une oeuvre unique, hors norme, poétique. En même temps enracinée dans son temps. Parfois elle critique les institutions qui lui déplaisent: l'armée, le monde de l'argent, parfois elle met en scène l'art populaire: le cirque avec ses clowns, ses danseuses, ses athlètes. Parfois, impressionné par un film Reynaud recrée les personnages qui l'ont impressionné: Casanova par exemple, à la suite de Fellini.
Sa peinture est minutieuse, elle occupe tout l'espace du tableau. On y retrouve l'influence de la bande dessinée, des femmes peintres du Mitila, de certains Bruts comme Lessage. Mais dans un mélange tout à fait personnel, poétique.
Parallèlement il crée des sculptures par assemblages de matériaux récupérés. Technique chère aux bruts qui se retrouve aussi chez Picasso et désormais chez grand nombre de "Singuliers".
Que ce soit dans son oeuvre picturale ou dans ses sculptures nous sommes étonnés, enthousiasmés par la liberté de son invention, son humour, son sens du sacré, sa finesse de coloris, la monumentalité complexe de certaines de ses compositions.
Raymond Reynaud nous a quittés il y a quatre ans, au moment où une grande rétrospective de ses oeuvres était organisée au Musée Lempéri de Salon, sa ville natale. Il n'a même pas eu le temps d'assister au vernissage.
L'oeuvre qu'il laisse est très importante par sa qualité et son abondance. Sa maison musée est à voir.
Il faudrait que cette oeuvre soit protégée, qu'un musée Raymond Reynaud soit créé avant qu'il ne soit trop tard."
1 commentaire:
Sophie, c'est impressionnant .. aussi le site .. l'évolution et pour finir les sculptures! merci
p.s. je suis plongé dans le livre de Montpied malgré mon manque de temps..
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