Laurent
Danchin (1946-2017)
Inlassable
découvreur de génies visionnaires.
L'écrivain
et critique d'art Laurent Danchin, l'un des meilleurs connaisseurs de l'art des
marges en Europe et aux États-Unis, est décédé ce mardi 10 janvier 2017, à
Paris, à l'âge de 70 ans.
Né à
Besançon en 1946 dans une famille marquée par l'engagement social et chrétien
dans la Résistance, Laurent Danchin est élève de l'École normale supérieure rue
d'Ulm et agrégé de Lettres modernes. Universitaire, il était aussi diplômé en
histoire de l’art à Paris X et titulaire d’un DEA d’esthétique de La Sorbonne.
Choisissant une carrière d'enseignant dans des lycées réputés difficiles, à
Nanterre et à Boulogne Billancourt jusqu'en 2006 mais aussi à Lyon, il découvre,
dès le milieu des années 1970, l'environnement d'artistes singuliers, qui le
conduisent à la création autodidacte et aux parias de l'art contemporain, dont
il devient le talentueux défenseur.
Critique
d'art, Laurent Danchin a publié une quinzaine d'ouvrages, notamment sur Jean
Dubuffet dont il est devenu conseiller pour la Collection de l'art brut à
Lausanne. Correspondant français de la revue anglo-saxonne Raw Vison crée par
John Maizels, Laurent Danchin était également membre du conseil de SPACES aux
U.S.A., pour la défense des environnements culturels, et de l’E.O.A. en
Finlande. Inlassable découvreur de génies visionnaires, qu'il a rencontrés
personnellement au fil des années, il a multiplié les amitiés fidèles au long
cours. Roger Cardinal, Jean-Paul Favand, le docteur Ferrière, Seymour Rosen ou
Caroline Bourbonnais, entre autres, l’ont aidé à devenir une référence
incontournable de l'Art Outsider, sans s'enfermer dans les étroites frontières
hexagonales des thuriféraires de l'art brut. Peu importait la qualité de
l'artiste : fou comme Antonin Artaud, cantonnier comme Marcel Storr ou diplômé
des Beaux-Arts comme Chomo, pourvu qu'il soit bon. Son dernier recueil de plus
de 100 textes publiés dans une dizaine de pays s'intitulait ainsi « Aux frontières
de l'art brut » (Le livre d’art, 2013).
Commissaire
d'exposition à travers l'Europe, ses accrochages et catalogues avec Martine
Lusardy à la Halle Saint-Pierre ont fait date : que ce soit la rétrospective
consacrée à « Chomo » (Paris, 2010), l’exposition sur les « Collections de Folk
Art des musées de Chicago » (Paris, 1998) ou celle intitulée « L'art brut et la
face cachée de l'art contemporain » (Paris, 1995). Avec son complice Jean-Luc
Giraud, il a fondé l'association Mycelium, éditant la collection des « Bonbons
», pour faire connaître leurs activités et réalisant l'exposition « Génie
savant - génie brut » (Auberive, 2014). Sa chaîne vidéo sur YouTube compte
plusieurs dizaines de milliers de vues pour sa longue conférence au Sénat sur
la « Critique cultivée de l'art contemporain » (Paris, 2013), dont la
clairvoyance lui valut de sévères inimitiés.
Longtemps
incompris pour ses choix de vie désintéressés mais cohérents avec sa colonne
vertébrale intellectuelle, Laurent Danchin était un homme de communication, à
l'esprit rapide et au verbe clair. Ses conférences étaient toujours suivies de
longs échanges avec le public. Homme de média, il a nourri de nombreux projets
pour faire connaitre ses artistes : notamment à la radio avec « Les chemins de
la connaissance » (France Culture, 1986) et à la télévision avec Pierre de
Lagarde dans « Chef d’œuvres en péril » (Antenne 2, 1984). Homme d'action, il
était également président de l'Association des amis de Chomo pour la sauvegarde
du Village d'art préludien dans la forêt de Fontainebleau. Sa dernière
exposition, « Faites un rêve avec Chomo », était ainsi consacrée au premier
grand artiste qu'il avait découvert (Tours, 2016).
Atteint
d'une tumeur au cerveau contre laquelle il s'est battu avec sérénité et panache
sans ralentir le rythme de sa pensée, grâce à son épouse Francine, Laurent
Danchin cultivait la joie d'être le père de trois filles, Amélie, Clara et
Swannie qu'il a associées à ses découvertes et rencontres dès leur plus jeune
âge, et récemment grand père. Aimant la vie et les joies simples de
l'existence, questionnant sans relâche la notion de transcendance, recherchant
la beauté du monde là où elle se trouvait et non pas là où on lui disait de la
regarder, Laurent Danchin était un homme marqué par le génie, qu'il avait la
rare faculté de découvrir, de nommer, d'aimer et de donner à aimer.
Les
artistes, ses amis, ses admirateurs et adversaires perdent avec lui un
visionnaire d’exception.
Aymeric
Rouillac, à Tours le 11 janvier 2017
Ses
obsèques seront célébrées le mardi 17 janvier en l'église Saint-Étienne du
Monts à Paris (5e) à 10 heures.
Et quelques photos prises par moi chez Chomo en mai 2014
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