Les Grigris de Sophie ce sont bien sûr des broches, des colliers et des sacs … mais c’est aussi un blog !

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Mais c’est aussi un blog ! Un blog dans lequel je parle de CEUX et de CE que j’aime …
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jeudi 6 juin 2013

LA FALAISE SCULPTEE DE DANIEL MONNIER A BOUZIES

Cet été nous avons découvert Bouziès et l'étrange sculpture du chemin de halage réalisée par DANIEL MONNIER ...
Voici deux  textes écrits par l'artiste et retraçant cette aventure hors du commun. Le premier en dit la genèse, le second  de 2000, raconte ses démarche et ce long travail ...

Tout cela se passait en 1985  ...

" J'ai longtemps vécu dans la région toulousaine que je quittais une fois par an, à pied, sac au dos , marchant jusque Sainte Foy (Gironde) où vivaient alors mes parents. Ces 350 km  représentaient 10 à 12  jours de marche, de pique-niques, de nuits à la belle étoile, seul avec un chien, en évitant systématiquement ce qui ressemblait à du goudronné .
C'est ainsi qu'une année mes pas me conduisirent par ce chemin de halage, jusque sous la paroi des falaises de Ganil  , proches du village de Bouziès .
Il y avait longtemps que je rêvais de pouvoir réaliser; in situ, en pleine nature, une sculpture inamovible, intransportable, faisant partie intégrante du lieu .
Déjà en Andalousie, devant la petite "finca" où je vécus 4 ans, il y avait sous un caroubier un gros rocher planté dans le sol comme un morceau d’étoile tombé du ciel. Quatre ans durant je me suis dit qu'avant de quitter les lieux, de ce "morceau d'étoile" je ferai une sculpture ... une sculpture qui resterait là jusqu'à la fin des fins .
J'ai quitté l'Andalousie sans avoir mis ce projet à exécution . Pourtant il était là, en germe, devant ma porte- dommage ...
Après le largage en mer d'une des " Mémoire pour la Paix", regagnant Marseille à la voile, nous nous étions réfugiés, à la suite d'un coup de vent, dans une marina proche de cet endroit où je vécus 4 ans . J'y suis revenu, pour voir ... un couple de danois avait rasé la finca, coupé le caroubier et rabotté cette roche où venaient se percher les chèvres. En lieu et place s'élève aujourd'hui une villa du même calibre qu'une quantité d'autres.

Quelques années plus tard, au Québec, bien en aval de Tadoussac  à l'embouchure du Saint Laurent, j'ai découvert une plage également plantée de gros rochers, hauts comme des menhirs. A marée montante les vagues venaient frapper les "menhirs"et je me suis mis à imaginer qu'en "arrangeant" un peu la forme de ces rochers, en les sculptant de plans hélicoïdaux ascendants, en les perçant de tunnels, de trous et de "dégueuloirs", on aurait pu à chaque marée montante, transformer cette plage en un festival aquatique, où la furie des vagues aurait prolongé en volumes liquides opalescents, les formes judicieusement imprimées dans ces rochers, selon le travail et la volonté de plusieurs sculpteurs, chacun œuvrant sur son bloc en pensant autant à l'eau qu'à l'harmonie de ces volumes rocheux qui auraient pu aussi se voir à marée basse, comme des sculptures.

Pour d'autres raisons qu'à Mijas (Andalousie), je n'ai pu, au Québec mettre en place cette manifestation -symposium de sculpture- dont l'organisation m'aurait de mandé plus de temps et de moyens que je n'en avais .

... aussi, lorsque j'ai eu découvert le site des falaises de Ganil, entre Saint Cirq et Bouziès, j'ai fait des pieds et des mains pour y réaliser ce que vous savez.

Mais l'Andalousie et le Québec me restent au coeur comme ces lettres d'amours inavouées, écrites et jamais envoyées !

C'est la vie qui passe à grands pas . "  

 
 
(photo Sophie Lepetit)

" En 1985, nanti de nombreuses autorisations, il me fut accordé d'intervenir en tant que sculpteur sur les Falaises de Ganil, entre Saint-Cirq-Lapaupie et Bouziès, dans le département du Lot.
Pour l'anecdote, l'une de ces autorisations émanant de la Direction régionale des Affaires culturelles stipulait que "l'intervenant avait droit à 2m2 de falaise pour y inscrire à ses frais et sans nuire à l'environnement un bas-relief, à condition que celui-ci soit hors-la-vue du public. "
De fait, les lieux, à l'époque étaient peu fréquentés: c'est là que j'installai mon chantier sur lequel j'ai campé deux étés consécutifs au pied desdites falaises, à même ce chemin de halage tombé en désuétude et envahi par la végétation. 





 Eté
 Hiver


Ainsi ai-je eu tout loisir d’œuvrer dans le calme et la sérénité sans risquer d'écorcher l’œil de quiconque avec les aléas d'un travail aux résultats toujours incertains et critiquables .


 


A la fin du second été (1986), par l'office du bouche-à-oreille mon campement vit arriver du monde, à tel point qu'il me devint difficile de travailler. Bravant bouquets d'orties, ronces et bestioles, je dénombrai jusqu'à 100 personnes par jour, venant individuellement ou en famille voir ce que je fabriquais sous cette paroi rocheuse.
Leur curiosité eut également d'ouvrir à bon nombre d'entre eux la découverte de cet endroit merveilleux qui, depuis, a fait l'objet du développement touristique qu'on lui connaît . 

A l'automne 86 j'allais regagner Toulouse et mes quartiers d'hiver quand, par un jour de pluie, arriva incognito, M. Leblond, Préfet du Lot, que je ne connaissais pas . 
Ne s'étant pas tout de suite présenté, je crus d'abord avoir à faire à l'un des nombreux promeneurs dont je viens de parler. Aussi notre conversation dans  ses premières minutes prit-elle un tour cocasse, surtout lorsque M. Leblond- avec cette autorité des dieux de l'Olympe que lui autorisait une position que j'ignorais- commença par dire que ce n'était plus 2m2 mais 40m2 qu'il fallait faire, et que je m'y attelle non plus en jouant l'Arlésienne mais à demeure, logé  à Bouziès et jusqu'à ce que fin s'en suive ...

Je ne sais comment M. Leblond s'y prit . Toujours est-il que les subventions sont arrivées, puis l'électricité accompagnée d'un outillage moins sommaire que mes pointerolles et massettes, plus un logement : ...pendant 16 mois j'ai pu travailler seul sur le site où passent aujourd'hui devant 36 m2 de bas-relief des vététistes, des promeneurs, des randonneurs, des bateaux-mouches et des bateaux de plaisance remontant de Cahors vers Saint-Cirq depuis la remise en eau des écluses .

Au cours de mon laborieux ermitage, je m'étais rendu compte des qualités exceptionnelles de cette roche-genre de spath, très dur- que je pense capable de se transformer en véritable miroir aprés lui avoir fait subir un polissage minutieux . 

Pour faire suite au bas relief existant, thème choisi: " Le Lot, passage à gué" - un écran-miroir dans cette roche vive, parfaitement tendu et poli sur 4 ou 5 m2, serait à même de refléter aussi bien que les eaux de la rivière, tout le paysage, et les marcheurs du Causse arrivant de Saint-Cirq-Lapaupie, et les bateaux sur l'eau remontant ou descendant la rivière .

Après cette découverte, à la fin du chantier (sept 89), je tentai sans succès une démarche auprès
de M. Faure, alors Président du Conseil général , afin de voir s'il ne serait pas possible, n'ayant moi-même jamais eu un sou vaillant, de rassembler quelque argent pour m'aider à terminer les 40m2 par ce point d'orgue surprenant qui aurait fait comme une réponse de la falaise rocheuse aux reflets sur la surface des eaux .

Pour donner une idée de la magie des lieux due à la réflexion des images, voir ci-dessous cette photo du site de Ganil

 


A l'époque (1989), continuer le chantier eût été chose facile : tout le matériel était encore sur place. Dommage . Mon idée n'eût pas l'heur de soulever les enthousiasmes ...
Bien que participant d'une certaine revalorisation touristique bénéfique à la région, mon bas-relief et son miroir ne purent rivaliser avec l'enjeu des budgets colossaux qui allaient être consacrés à la remise en service des écluses et de la navigation fluviale . Repoussé aux calendes grecques, mon projet fut enterré . 

1989-1999

Dix ans se sont écoulés . Je n'ai rien abandonné et ma détermination reste intacte . Aussi ai-je  repris mon bâton de pèlerin  en commençant par alerter les Bâtiments de France où je fus reçu par M. Chevalier; puis la DRAC de Toulouse avec qui j'ai eu rendez-vous (M. Vaudrey), sur les lieux, à Ganil début septembre 99.

Toujours aussi circonspect, le représentant de la DRAC m'a laissé entendre que depuis 1985 ..."Les lois ont changé M. Monnier ... pour prétendre à une quelconque  aide de notre part , il eût fallu que ces 5m2 de falaise fussent à vous ."

Paradoxe utilisé en fin de non recevoir : à Ganil, le chemin de halage creusé sous Viollet-Le-Duc fait partie du domaine public . Quant à la falaise, c'est une surface verticale, en général ne se vendent que les m2 dont l'angle se rapproche peu ou prou du 0° de la ligne-bleue-horizon ... il est vrai que dans le Lot nous sommes bien loin des Vosges  !

Pour être sérieux, je crois plutôt que mon travail n'a rien de commun avec  les courants de l'Art contemporain qui ont aujourd'hui vent en poupe ... rédhibitoire aux yeux de la DRAC .
Par ailleurs, si à l’École des Beaux Arts de la rue Bonaparte on apprend des choses fort intéressantes, rien ne nous fut enseigné sur la meilleure façon de "se vendre". Et là, je sais que je m'y prends mal . Je m'y suis toujours mal pris, non pour réaliser mais pour financer mes travaux par la voie des subventions puisque j'ai toujours été seul et sans moyen."
 

* Les photos présentées aujourd'hui appartiennent à  Daniel Monnier et ne sont pas libres de droit .



DANIEL MONNIER ET LES GRIGRIS DE SOPHIE

(cliquer sur le lien)


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