Il existe des rencontres dont on se souvient toute une vie, ma rencontre avec JUSSI TUKIAINEN, fut de celle-ci.
Tout a commencé par des œuvres magnifiques découvertes au Musée du bois de Lusto dans une exposition collective puis par une exposition à Savonlinna qui lui était consacrée (Museokeskus Riihisaari) où j'ai eu la chance d'obtenir son adresse.
Une visite à l'improviste et là de nouveau la chance que Jussi nous accueille et nous fasse visiter son atelier.
L'échange fut limité (tristesse totale de ne pas parler finnois) mais voyant notre intérêt pour son travail, Jussi nous confia les clefs d'un autre lieu d'exposition à une trentaine de kilomètres de chez lui (avec comble de la confiance mission de les confier à la station service du village).
Et nous voici repartis pour Kerimäki et sa Tour, lieu d'exposition riche de sculptures et de tableaux, dans le quartier de Jouhenjoki.
Voici aujourd'hui sur les Grigris et pendant trois jours un reportage sur un artiste talentueux, engagé et profondément humain.
Isabelle Pulby, traductrice des Grigris, propose aujourd'hui le texte de Erkki Pirtola en français :
Jussi
Tukiainen fait un art emprunt d'humour noir, à partir de tout matériau
possible et imaginable sur lequel il peut mettre la main. C'est un
dadaïste autodidacte dont le talent lui gagnerait une place dans le
monde de l'art officiel, mais dont le style explosif fait de lui un
artiste singulier particulièrement fort, avec de nombreuses
caractéristiques de l'art brut.
Tukiainen,
fils d'un prêtre de Vaasa, étudia la théologie à l'université. Il mit
une fin abrupte à ses études en 1965 et Tukiainen devint alors un
artiste radical. Une de ses œuvres parodie le pouvoir de l'Eglise : des
personnages faits de pinces assistent à un baptême où un prêtre fait de
pinces liées par de la ficelle baptise un bébé-pinces face à une
congrégation de personnes-pinces. Tukiainen a vendu des oeuvres
intitulées "le vestiaire de Jésus" à quelques conseils paroissiaux. Une
couronne de barbelés pend à un vieux clou géant sur un arrière-plan
rouge sang.
Ses opinions politiques prennent la forme d'une
satire sombre dans son art. Il fonde souvent ses travaux sur son opinion
d'une question actuelle. "Quand j'ai lu le journal, je me suis mis en
rage, rage que j'ai extériorisée dans une œuvre d'art." Il fait un
commentaire sur le chômage avec une pelle et une paire de gants, et sur
les conséquences d'une politique tendancieuse avec un poing et une
hache. Pour contrebalancer ce réalisme participatif, Tukiainen crée les
plus beaux arrangements de bocaux à confiture et de laine, et des
voiliers extraordinaires qui peuvent avoir une quille faite d'un patin à
glace ou d'un collier de cheval, une voile faite d'écorce ou de fer
rouillé. La figure de proue d'un assez grand bateau est la tête d'un
énorme brochet. Les voiles faites d'os de volaille de différentes tailles sont absolument gracieuses.
Tukiainen
a créé des oeuvres ITE depuis 1986 dans l'ancien bâtiment de l'école de
Kattilamäki, commune de Kerimäki, où sa famille a aussi vécu pendant
tout ce temps. La maison est toujours utilisée et les œuvres ont empli à
la fois le bâtiment et le jardin. Un flotteur et un gigantesque hameçon
pendaient d'un bouleau ; un vieux vélo rouillé s'est retrouvé accroché
dans l'hameçon par accident. Il a été remplacé par une cuvette de
toilettes avec l'inscription "Vive Duchamp !"
Tukiainen est
tout à fait conscient du Dadaïsme historique et reste fidèle à ses
racines décousues. Ses œuvres ne suivent pas les règles de l'art mais
plutôt la fantaisie de la créativité.
Chacune de ses œuvres
est surprenante dans sa forme, le choix des matériaux et le concept. Un
sujet sérieux et un mode caricatural peuvent cohabiter. C'est un artiste
hautement qualifié, dont l'envergure s'étend depuis des pièces
conceptuelles abstraites jusqu'à des assemblages complètement
anarchiques d'objets.
UNE VIDÉO
UNE VIDÉO SUR L'EXPOSITION
JUSSI SUR ITE
JUSSI ET LES GRIGRIS DE SOPHIE
(cliquer)
Juin 2018
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