Voilà un beau partage que je dois à Philippe Louis Coudray ....
"Ce qui est brisé n’est pas diminué ; il peut devenir plus précieux encore. Nos failles ne nous diminuent pas, elles tracent en nous des lignes de lumière où la douleur devient beauté."
"Un
bol brisé, voilà le point de départ. Il n’y a rien d’extraordinaire à
cela : une chute, un éclat, des fragments épars. Et pourtant, sous les
mains patientes d’un artisan, ce qui semblait perdu prend un tout autre
sens. Le kintsugi ne cherche pas à dissimuler l’accident. Il le révèle.
Il le transfigure. Là où il y avait des failles, il dépose de l’or,
traçant des lignes lumineuses qui marquent le passage du temps et
l’empreinte de la vie.
Le
kintsugi est une parabole silencieuse. Il nous invite à poser un regard
neuf sur ce que nous considérons habituellement comme des échecs ou des
blessures. Chaque fissure comblée devient une déclaration : l’histoire
de l’objet n’est pas terminée. Elle se poursuit, enrichie de ses
brisures. Ce n’est pas un retour au passé, mais une renaissance. L’objet
réparé ne prétend pas être intact, il ne cherche pas l’effacement des
cicatrices, mais leur mise en lumière.
Et
il y a quelque chose de profondément humain dans cette métamorphose.
Comme ces bols, nous portons tous en nous des brisures. Des chutes, des
épreuves, des pertes qui nous marquent. Trop souvent, nous cherchons à
masquer ces failles, à les oublier, à faire comme si elles n’avaient
jamais existé. Mais le kintsugi nous enseigne une autre voie : celle
d’accueillir nos cassures, de les transformer en quelque chose de
précieux. Ce n’est pas nier le manque, c’est l’habiter.
Il
y a une élégance dans cet art, mais aussi une force. Une forme de défi
au monde moderne, où tout ce qui est abîmé est souvent jeté, remplacé.
Le kintsugi nous rappelle qu’il est possible de réparer, non pour
revenir à un état précédent, mais pour aller plus loin. Ce qui est brisé
n’est pas diminué ; il peut devenir plus beau encore. Il n’y a pas de
perfection figée, seulement des histoires vécues.
Et
peut-être est-ce là la plus grande leçon de cet art silencieux :
accepter que l’or qui nous traverse ne vient pas malgré nos cassures,
mais à cause d’elles. Nos failles ne nous diminuent pas. Elles nous
façonnent. Comme ces bols recouverts d’or, elles tracent en nous des
lignes de lumière, des chemins où la douleur devient beauté, où le passé
devient richesse. Et dans ce passage, nous ne sommes pas réparés : nous
sommes transfigurés."
LE KINTSUGI ET LES GRIGRIS DE SOPHIE
(cliquer)
Pour Anne-Marie bien sûr ...
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