J'ai eu la chance, il y a quelques mois, de retrouver à Quimper à la Galerie de Bretagne, les incroyables boîtes de RONAN-JIM SEVELLEC découvertes à Paris chez Béatrice Soulié en 1995 puis en 2018 à la Halle Saint Pierre.
Voilà ce que Martine de Saint Jan avait écrit sur cette exposition :
"Dans chaque boîte, derrière chaque vitre, un univers désuet, un peu décrépi, composé d’une foule de détails : tous ces petits pinceaux, ces livres, ces bocaux, ces portraits anciens, ces petits objets du quotidien… Comme des décors de théâtre qui viendraient d’être quittés. Le lit est encore défait, le thé est servi sur la table basse, le modèle pose dans l’atelier…
Plongeant mon regard sur chaque accessoire disposé avec minutie et, certainement, une patience folle, je reviens avec nostalgie au temps des maisons de poupée. Je suis Alice et j’imagine des vies habitant ces espaces sombres, un peu étranges, abandonnés. Ronan-Jim Sévellec en appelle à notre part d’enfance."
Nouvelle visite en ce mois d'octobre et la même fascination pour cet extraordinaire travail car "si les constructions de Ronan-Jim SEVELLEC nous étonnent, elles nous émeuvent surtout.
En piégeant le temps dans chacune de ses boîtes, Ronan-Jim SEVELLEC s'adresse avec bonheur à notre mémoire collective."
«Dans une ambiance d’autrefois qui
pourrait appartenir à une Mittle Europa oubliée, au rêve d’empires
lointains, perdus dans les limbes d’une histoire oublieuse, de cités
d’un Moyen-Orient ensablé, Ronan-Jim Sévellec a donné une forme à ses
fantasmes dans la décrépitude et l’inscrustation physique du temps.»
in Vénus et la corde à linge, de Eric Dissert -La Quinzaine Littéraire N°1186
"L'univers de Ronan Jim Sévellec est surprenant. C'est en maître qu'il parvient à mettre le monde en boîte, en vitrine. Un monde qui lui appartient, qu'il recrée, modèle avec détail, lui permettant de s'échapper dans un univers imaginaire. Une atmosphère kafkaïenne se dégage de cette œuvre désertée de toute présence humaine. Elle appelle le visiteur à pénétrer dans l'intimité de cet autre qu'il ne connait pas. La force de Ronan Jim Sévellec, lui renvoyer l'image de lui-même, de la nature humaine. Fragilité, désordre, recherche permanente d'équilibre, on est happé, fasciné. Plus qu'un décor de théâtre, chaque visiteur finit par devenir observateur puis acteur à son tour..."
Christine Dufay
"Un art de l'illusion, une perception d'un monde nostalgique proche de celui des maisons de poupées ou bien au contraire d'un univers fantasmagorique où l'angoisse est tapie dans ces lieux décrits avec tant de précision qu'ils en sont d'autant plus inquiétants..."
Alix Saint-Martin
Henry Le Bal, le propriétaire de la galerie, est tombé amoureux fou de cette œuvre unique et prépare un livre sur cet artiste qui devrait sortir à l'été 2022. Voici un texte écrit par lui en septembre 2020 :
"Il y a une trentaine d’années, ami de Joël- Jim Sévellec, nous
discutions tous deux dans la bibliothèque, si heureusement dense, dans
son appartement brestois de la rue Yves Collet. La fenêtre était ouverte
sur la mer et nous devisions, débonnaires sur la différence entre la
morale et l’éthique. Un moment vint, vespéral, où posant son verre, le
noble agrégé de lettres classiques déclara : « C’est la même chose.
Simplement il y a un mot qui vient du Latin et un autre du Grec. C’est
comme piscivore et ichtyophage... c’est la même chose, tous les deux
mangent du poisson mais l’un à Rome et l’autre du côté d’Athènes. »
Une
dizaine d’années plus tard, marchant dans une petite rue de Paris, une
affiche me parle d’une exposition d’un certain Sévellec. Un autre Jim,
mais Ronan-Jim cette fois. Le frère, apprendrai-je peu après. Les deux
fils de Jim donc, le peintre de Bretagne des années cinquante-soixante.
Et
là je découvre, dans cette petite rue près de l’église Saint Roch, une
exposition ni de peintures ni de sculptures. Une exposition qui me
laisse sans voix de ne pouvoir mettre un seul mot à ce qu’alors je vois.
Me
voyant plus éberlué qu’un dodo devant une jeune Alice, la dame des
lieux me dictionna très laroussement que ce que nous avions devant les
yeux avait pour nom : diorama.
Diorama. J’étais à présent plus riche
d’un mot nouveau. D’un mot dont j’eus aimé connaître l’inventeur.
Dio-rama... : « à travers le panorama »... et Panorama... :
pan-horama... « tout du spectacle »... ou « tout comme spectacle », le
spectacle du tout.
Le mot m’enchanta, au point qu’il me parut un
temps, que l’ayant en bouche, à l’idée, j’étais ainsi débarrassé de ce
que j’avais vu. Mais plus le mot était là, DIORAMA, plus il n’y avait
rien à faire, les œuvres de Ronan-Jim Sévellec me faisaient signe de
revenir voir, et voir, voir encore, une autre, une autre fois.
Et je
revins. Revins d’exposition en exposition. Revins jusqu’à rencontrer
enfin l’homme qui créait ces objets, ces choses, ces dioramas… ces
choses-là appelées « diorama ».
Et l’homme me rappela son frère, le
professeur de Lettres Classiques. L’homme avait le phrasé élégant de
ceux qui lisent, qui parlent naturellement comme parlent les personnages
de théâtre ou de grands romans avec cette sorte de délectation à
rechercher le mot exact, cette sorte de courtoisie extrême à forcer sa
pensée à la précision, cette politesse à offrir à la personne à qui l’on
s’adresse une élocution toute de l’unisson de l’essentiel et de
l’inattendu. En un mot commençant : « Ainsi.. » , ainsi vraiment ces
choses-là n’avaient pu être créées que par cet homme-ci : et pour
preuve, leur titre. A l’heure où l’on expose de plus en plus d’œuvres
désignées sous l’accroche : « Sans titre 1 » ou « Sans titre B-4 »,
Ronan-Jim Sévellec nous donne à être ébahi par un atelier d’artiste
intitulé évidemment : « L’Atelier de Cornélius Schoonbeke », émerveillé
par une « boîte » intitulée bien sûr : « Sark Kahvesi » (le café turc),
ou telle autre initiant le regard du visiteur au cœur de « L’heure étale
»
Devant une œuvre de Ronan-Jim Sévellec, assez vite, l’œil demande à
la raison de s’asseoir, de prendre un siège et rester un temps « ainsi »
à regarder...
Le temps de se sentir entrer à l’intérieur, le temps
de ne plus tenir compte du temps, avant de découvrir, pas à pas-faisant
que ce lit défait à l’intérieur est peut-être celui du personnage qui y
habite. Que ce lit défait est celui de ce matin même, que ce fauteuil
est celui dans lequel, moi, qui viens de rentrer, lis son journal, ou ce
roman encore ouvert.
Encore que...
Encore qu’une
impression d’abandon, voire de décrépitude, finisse par prendre place en
l’esprit. A tel point que si le moi qui découvre l’œuvre ait peu à peu
le sentiment de revenir chez lui, il ne le fait qu’après quelque chose
comme une longue absence.
Moi qui regarde, qui entre, suis celui qui
revient. Et cette atmosphère d’abandon, de délabrement pourrait bien «
être » la traduction d’une nostalgie, cette si classique douleur du
retour. Un retour d‘où ? Ça, c’est à moi de le dire.... A moins que moi
n’en n’ai plus même le souvenir et que ce que l’œil voit soit cet
ensemble d’objets écueils à l’eau étale d’une amnésie. D’autant qu’être
sans mémoire c’est n’avoir plus d’autres souvenirs que celui-ci : la
mémoire était la mère des 9 muses, la même des arts.
Ou...
Ou
si l’on y voit des projets de décors de théâtre ou de cinéma, selon que
l’on serait retourné visionner tel « Tchao Pantin » pour en goûter le
lézardé on met peu de temps à se désillusionner. Moi cesse rapidement
d’être spectateur pour se sentir devenir acteur, personnage, à moins que
cela soit pantin d’un jeu de tire-ficelle dont nul ne sait la main.
Reste que...
Reste
que devant tant de merveilles de création tant de 4èmes de murs ouverts
sur le songe, demeure cette question : au final, qu’est-ce-que-c’est ?
Oui qu’est-ce que je regarde ? Qu’est ce que je vois dont j’aimerais
trouver le nom, un nom qui soit non une définition définitive mais une
manière d’interrogation des mille et une façon de décrire
l’émerveillement. Un mot donc du genre de celui-ci : un qu’est-ce-que
c’est-? Ou pour faire, qui sait, plus dico : un keskecêt.
Ronan-Jim nous a « ainsi » confié ses keskecêts pour les offrir aux regards jusqu’à Noël.
Quel cadeau...
A y croire ...
Voici aussi les photos Joël Laiter
... "autant de lieux aliénants d'une inquiétante précision : des lieux inventés, méticuleusement recréés en trois dimensions et où le regard pénètre comme par effraction..."
La gazette de l'Hôtel Drouot
Ronan-Jim SEVELLEC est né à Brest en 1938. Très jeune, il s’initie au dessin, au modelage et à la peinture auprès de son père, l’artiste breton Jim-E.SEVELLEC, Peintre Officiel de la Marine. Ses premiers dessins paraissent dans la presse dès 1960. Etabli dans la région parisienne depuis 1967, il exerce la profession d’illustrateur, réalise des maquettes pour des productions cinématographiques, continue de peindre et participe à de nombreux salons.
En 1977, une exposition lui est exclusivement consacrée à la galerie Michel-Ange à Brest. Mais l’artiste va progressivement délaisser la peinture pendant plusieurs années au profit d’un travail entièrement tourné vers le volume. Trop général, ce mot signifie précisément modelage, montage, assemblage. Le terme « maquette » serait en l’occurrence aussi approximatif que réducteur. Pendant plus de dix ans, Ronan-Jim SEVELLEC disparaît du monde des expositions pour travailler ses volumes.
En 1989 pour la première fois, il présente ses boîtes d’inspiration surréaliste à Elbeuf en Normandie. Son oeuvre révèle année après année une vraie maturité autant qu’une vraie cohérence d’ensemble. En 1995, son exposition à Paris, à la galerie Soulié, rue Guénégaud, le révèle véritablement au milieu parisien.
Parallèlement à cette activité Ronan-Jim SEVELLEC peint, créé des objets et réalise des illustrations. Il a signé certaines de ses oeuvres peintes et travaux d’illustration : Ronan-Jim, Rogel et C. Schoonbeke.
LE LIEN VERS ANTONINE CATZEFLIS
TOUTES LES EXPOSITIONS DE L'ARTISTE
(cliquer)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire