C’est une galerie à ciel ouvert, son musée Grévin à lui. Vivi se consacre à sa passion depuis qu’il est à la retraite, avec déjà plus de 900 réalisations. Le commentaire savoureusement patoisant et le sourire en coin ajoutent au charme de la visite. L’homme est pétillant, facétieux, pas prétentieux. Juste une belle âme d’artiste.

L’abbé Pierre est chargé de l’accueil, suivi du coin de l’œil par Clémenceau. Tout ce petit monde grandeur nature ; ce n’est que le début !  Vivi prend la visite en main avec les recommandations d’usage. « Ici, c’est le tutoiement d’office et moi je parle patois ». Il en oublierait presque de tracer son parcours. « Originaire de Saint Prouant, j’allais à l’école à Sigournais, jusqu’à mes 14 ans. Pendant que mon frangin était à l’armée, je suis resté aider mon père à la ferme durant deux ans. Puis je me suis mis plâtrier. J’ai été ouvrier tout le temps de ma vie ».

A l’âge de 17 ans, il se foule un pied ; 3 semaines d’arrêt. « Il ne fallait pas que je marche ; j’ai pris un canif et du bois pour sculpter un visage. Je le trouvais beau. Et là, je me souviens m’être dit : le jour où je serai à la retraite, je ferai de la sculpture. Je crois aujourd’hui que je suis comblé ».

Quelques mois avant la retraite, il cogite à ses futures occupations. « J’ai vécu un coup d’arrêt brutal huit jours avant : un infarctus. Depuis je fais attention, sans forcer, ni le moindre abus. J’ai de la chance que cette passion ne me demande que très peu d’efforts ; c’est plutôt un amusement que je limite à 3 heures par jour, y compris le dimanche matin ».

Ses sources d’inspiration sont multiples, parfois en lien avec l’actualité. « Le premier qui m’est venu à l’esprit, c’est Henri IV. Pourquoi ? En une fraction de seconde, je savais ce que je voulais faire. Souvent j’ai un flash. Je dessine quelques traits le matin, puis c’est parti ». Direction le garage ou l’atelier pour modéliser la forme avec du fer et du grillage. « Pour les éléments extérieurs, j’applique un ciment très fort, que je sculpte ensuite de mes mains. Je ponce et j’assure quelques retouches avant d’appliquer la peinture, de la poudre ou de l’acrylique. Tout ça à ma façon ». Une sculpture à taille réelle lui demande un bon mois de travail.

L’ordre des rencontres est improbable, de Balkany en gargouille à BoJo en mode végétal sous le regard passif du professeur Raoult. Une fresque orne un bâtiment où Simone Veil côtoie Bébel. « Je viens de terminer Jean Ferrat. Je le voyais avancer au fil des jours, comme s’il me parlait ». Les étagères de son garage supportent avec fierté ses créations. « Les tailles sont plus petites ; là je fais avec du plâtre map quand ça ne va pas à l’extérieur ». Les artistes de variété sont légion. De Coluche à Aznavour, de Hugues Aufray à Johnny. « J’ai appris son décès quand j’étais à l’hôpital. En rentrant, je m’y suis mis tout de suite. Comme Cabu, aussitôt les attentats ». Le message est souvent pacifique. « J’aime rassembler ceux qui sont ennemis dans la vie ». Parfois philosophique. « J’aime ce Victor Hugo un livre à la place de la tête, cette dernière entre ses mains, avec la phrase : Chacun de nous est un livre ouvert ».

Une œuvre repérée par un artiste parisien qui s’est empressé d’acheter l’original. « Il a lâché quelques billets. Donc je l’ai refait, en plus grand ». Ce n’est pas la première fois qu’un artiste de renom vient attiser sa curiosité dans cet endroit si paisible. « J’en reçois de temps en temps, à commencer par Sophie Lepetit,  l’architecte Chilienne Tamaya Sapey-Triomphe qui travaille à Radio Nova ou encore le journaliste Bruno Monpied, le peintre Jean-Louis Cerisier.  J’ai eu droit à des reportages sur des magazines. Ça me fait plaisir, mais je n’ai pas à être orgueilleux de tout ça ».

Vivi se tient à distance des difficultés du monde en ce moment. « La télé, je l’écoute de moins en moins. Mon bonheur, c’est d’être au jardin ou à l’atelier, ou avec mes trois enfants et mes six petits-enfants. Pour la fresque, j’ai repris un dessin de ma petite-fille. Sinon, ma femme dit que je suis assez casanier ; c’est peut-être vrai ? ». Il sait apprécier les choses. « On n’a pas de grosses retraites, mais on vit mieux que nos parents ou grands-parents. Les gens n’en ont jamais assez. Ne faut pas en avoir trop non plus ».

Vivi attend le printemps impatiemment. « J’ai 2000 mètres carrés ; c’est un peu de boulot. Dans le temps, j’étais un dingue de boulot. Après ma journée de travail, je disais vivement demain que je recommence. Là, je me suis calmé. Mais il m’arrive de me lever la nuit pour fignoler une sculpture ». L’homme est simplement attachant. « Je respecte les gens ; je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. Des défauts ? Je ne suis pas sûr d’aller au paradis du premier coup ». Un regret ? « Je n’ai jamais fait les beaux-arts. Je ne fais qu’avec mon intuition ». Sa curiosité le pousse à fouiller la vie de ses personnages. « Sans ça, je ne saurais même plus écrire aujourd’hui ».

L’an passé, il a accueilli 894 visiteurs dans son jardin. « Je ne cherche pas à battre des records ; je tends même à limiter avec ma santé. Je reçois des gens de partout, de Corse, de Belgique. Ils sont tombés sur mon blog ou ont été conseillés à l’Office de Tourisme. Pendant la pandémie, quand les autres étaient fermés, mon jardin était tout le temps ouvert ».

Des écriteaux complètent parfois ses personnages souvent mis en scène. Comme cette phrase de Marguerite Yourcenar : « Construire c’est mettre une marque humaine sur le paysage ». La marque de Vivi, joyeuse et colorée, signe un jardin pas comme les autres, où chantent une douzaine de fontaines. Un enchantement !


Photo Jean-Marie Poirier

 

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Vivi Fortin
Jardin aux sculptures
lieu-dit le Pas Français
85700 La Flocellière