Voilà une découverte que je dois à François Chauvet (ICI)
De passage à Guéméné-Penfao j'ai eu la joie de rendre visite à ESSEBE et de découvrir son atelier-boutique.
Voilà ce que l'on peut lire sur le site du Hang-Art :
"Né en 1976, Stéphane Bourdeau dit ESSEBÉ
« Je suis un peintre autodidacte, ayant commencé la peinture il y a une dizaine d'années… Déjà c'était mon passe-temps en cours, il n’y avait que les cours d'espagnol au collège qui m'intéressaient. La prof nous faisait travailler sur des photos de Picasso, Dali, Gauguin, etc.... c'était le pied, (même si je suis toujours aussi mauvais en espagnol). Mais j'ai connu Guernica grâce à ses cours, en plus j'ai visité le musée du Prado (Guernica en vrai, ça déchire !). Plus tard, grâce à mon oncle, je me suis mis à travailler sur des matériaux de récupération… Mes premières expos, je les ai réalisées grâce à des amis qui avaient de petites associations, qui organisaient des concerts. Pour la première, nous avions accroché nos croûtes dans des arbres, que du bonheur ! Cela m'a permis, de prendre confiance. Puis j'ai rencontré un fou qui voulait démocratiser la peinture, il avait monté son petit dépôt vente à Nantes "L'Epicier d'Art" (Quel bordel !!!), dommage que ce soit fini. Dans ce lieu, j'ai rencontré de nouvelles personnes avec lesquelles nous avons monté un collectif "L'Arête inutile". Maintenant je travaille sur toile (la classe), et je continue toujours. J'essaie de progresser, putain que c'est dur. »"
Dans la jungle des villes, extraits d’un texte de Jeanine Rivais, écrit suite au festival de Han sur Lesse en Belgique.
Naguère, Bertolt Brecht avait créé une pièce de théâtre intitulée "Dans la jungle des villes". Dans laquelle la jungle était pour lui le capitalisme, la marchandisation en marche, le mépris des valeurs humaines, la soumission et l'humiliation des hommes, la violence d'un monde sans issue. N'est-ce pas ce que décrit Essebé, lorsqu'il peint avec une surabondance surprenante une multitude de "foules" d'individus tassés les uns contre les autres, debout, bizarrement ne s'entre-regardant jamais, mais fixant le spectateur ? Tellement serrés que celui-ci se demande s'ils sont privés d'espace vital ? S'ils se retrouvent dans une communauté fraternelle (mais dans ce cas, pourquoi ne se regardent-ils pas, ne se parlent-ils pas) ? En tout cas, comment, avec des traits des visages aussi rudimentaires, une telle raideur des personnages, une telle incomplétude puisqu'ils sont dépourvus de membres… l'artiste peut-il faire surgir une telle absence collective de sentiments ?
De là, naît l'impression immédiate d'un terrible huis-clos ; d'une latence peut-être, mais en prévision de quel événement ? Le paradoxe dans l'œuvre d'Essebé, tient au fait que ce qui frappe de prime abord, c’est une grande explosion de couleurs... le tout s’organisant au moyen de lourds surlignements noirs séparateurs, lancés à gestes répétitifs de la main. Ici, des blancs ou bleus délavés vont se mêler en flaques informelles ; tandis qu'ailleurs, s’étagent des transparences qui provoquent des nuances inattendues ; et qu'entre ou devant ces êtres accolés, des coulures ajoutent au désarroi… Et que ce monde aux visages uniformes sous leur apparente disparité, semble finalement si triste ! D'ailleurs, de quel monde s'agit-il ? De toute évidence, d'un milieu ouvrier, à l'heure de la sortie du travail. Non que ces individus soient connotés dans le temps, l'histoire, ou socialement… des êtres complètement intemporels donc. Mais du fait que, si certains groupes se retrouvent devant des fonds non signifiants, la plupart du temps il s'agit de bâtiments, des usines peut-être, tellement de guingois que là encore le spectateur se demande si elles peuvent être "en service" ; si comme les foules mornes placées devant, ce ne sont pas plutôt des friches abandonnées ?
Alors, que font ces personnages dans l'esprit de leur auteur ? Sont-ils en "manif" ? Silencieuse donc ! Sont-ils en résilience ? Mais contre qui ? Contre quoi ? Toutes ces questions sont sans réponse, sauf à imaginer que l'artiste a voulu témoigner de l'air du temps, tellement désespéré ? Mais ce sentiment est purement subjectif ! La seule certitude est qu'incapable de se préoccuper du moindre "effet" spectaculaire ou factice, il peint, tout simplement ! Ainsi est-il l’auteur prolifique d’un travail obsessionnel, dont la répétitivité et l’immutabilité, la charge psychologique sont d’emblée perceptibles !
Cette œuvre, conçue avec une si grande spontanéité, une discrétion tellement marquée, le libère-telle d'un mal-être qui semble exsuder de la récurrence de ces visages multiples, ces anonymats qui, pour lui, n'en sont peut-être pas ? Lui seul connaît la réponse ! Du moins la cherche-t-il ! "
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