« J’ai eu l’impression que la réalité était très, très fine, et qu’à tout moment elle pouvait se fendre, et vous pouviez tomber dans le trou ».
Sur l’écran de la Halle Saint Pierre, lieu
de Paris dédié à l’art brut, aux créations peu référencées, et aux
réseaux de l’underground, Laurie Lipton (1953, États-Unis) se raconte
magnifiquement et, sans fard, retrace l’évolution de son art. Volée trop
tôt de son enfance, elle dit avoir été choisie par le dessin et le noir
et blanc alors qu’elle aurait pu être tout autre chose. Mais
aujourd’hui elle ne regrette rien, elle est fière de ce qu’elle est. Au
fil du temps, ses dessins au crayon sont devenus de plus en plus grands.
Fourmillant de détails, ils créent des univers époustouflants et on
mesure l’obsession qui s’empare de son auteure qui déclare ne se sentir
bien qu’un crayon à la main. Cette obsession du dessin, du collage, de
la sculpture, rassemble les auteurs de l’art brut. Plusieurs d’entre eux
sont réunis ici, dans un nouveau volet de Hey ! qui, à chacun de ses
passages à la Halle Saint-Pierre, éblouit de splendeurs autodidactes ou
formées aux meilleures écoles. Sans hiérarchie ni classement. Seule
compte l’émotion et l’émerveillement produits par ce qu’il faut
qualifier des œuvres d’art, même si certains auteurs n’en ont pas
conscience. La série est très présente. Pas d’œuvre unique, chaque
auteur développe son univers sans contrainte de temps ni d’enjeu. Et le
spectateur le lui rend bien, capable de rester de longs moments devant
ces papiers, ces tissus noircis, ces feuilles d’arbres griffées d’où
surgissent des silhouettes de poilus. Il suffit de se laisser embarquer.
Fulgurances et séries. Laurie Lipton, qui a fait l’objet de multiples expositions en Europe et aux États-Unis, est présentée en France pour la première fois. Alors que ses grands dessins foisonnants sont exposés à l’étage, aux côtés des dessins d'une soixantaine d'artistes internationaux et d’installations d'envergure, ce film occupe un petit espace dédié au rez-de-chaussée, où les espaces offrent l’intimité de la pénombre, où l'éclairage est réservé aux œuvres. Les dernières séries de Murielle Belin, qui entremêlent pratiques populaires et techniques académiques pour concevoir des séries inspirées de récits mythologiques, côtoient les compositions graphiques que Janko Domsic a réalisées au stylo bille et muni d’une règle. Révélé au public par Alain Bourbonnais, après qu’il ait été découvert par Dubuffet, l’artiste est devenu une référence historique de l’art brut.
Certains auteurs ont intégré le circuit officiel de l’art, à l’instar du Japonais Daisuke Ichiba, d’autres vivent l’enfermement. C’est le cas de Takahiro Kitamura, condamné à mort depuis 2011 sans être informé du jour de sa sentence. Ses dessins, comme ceux d’autres passés par la prison, composent, sur un pauvre papier ou une enveloppe, de magnifiques tatouages. L'exposition présente un ensemble inédit d’œuvres d’art carcéral japonais.
On découvre les œuvres de Frédéric Rodolphe, dit Wollan, né en 1872
au Massachusetts, arrivées jusqu’à nous grâce à l’intérêt qu’un médecin
de la prison de Nîmes portait à l’importance du tatouage en milieu
carcéral. Aidé du détenu Wollan, parlant plusieurs langues, il produisit
un livre recensant les emblèmes les plus marquants de ces tatouages
chez les criminels, puis un album statistique sous forme de planches.
La culture pop et alternative. Six planches témoignent du grand talent de Pierre Guitton, dont les bandes dessinées ont enflammé les grands titres de presse underground et satirique dans les années 70 et 80, et Hey! offre une belle place aux dessins de David B., cofondateur en 1990 de la maison d'édition L'Association, qui a révolutionné la bande dessinée européenne. Formé à l'école Duperré, grand admirateur de Tardi, Pratt et Munoz, l'artiste crée ses carnets de rêves, en noir et blanc, et raconte à sa manière les aventures de Nick Carter, personnage créé en feuilleton par l'écrivain américain J.R. Coryell. Dans une sorte d'alcôve, Sebastian Birchler (1964, Suisse) présente un théâtre de récits composé d'assemblages de papiers marouflés et découpés, rehaussés à la pierre noire et à l'acrylique. Sebastian Birchler a mis son dessin au service du cinéma, devenant chef décorateur. Depuis près de trente ans, tout en continuant à dessiner, il enchaîne les collaborations avec des réalisateurs aux univers très divers.
Où, alors que la Maison Rouge d'Antoine de Galbert à Paris n’est plus, voir ailleurs qu’à la Halle Saint Pierre ces œuvres qui déploient des pratiques étonnantes et permettent d'appréhender des conditions de vie que les sociétés s’appliquent à cacher ?"
Pépé Vignes
François Monchâtre
Ron Roboxo
Mémoire végétale de la grande guerre - Feuilles de poilus
Ionel Tapalzan
Daniel Martin Diaz
Stéphanie Denaes-Lucas
Marcel Storr
Anaïs Eychenne
Murielle Belin
Janko Domsic
Sergeï Isupov
Victor Simon
Serge Paillard
Sergeï Isupov
JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2022
LE SITE DE LA HALLE SAINT PIERRE
LES GRIGRIS DE SOPHIE ET LA HALLE SAINT PIERRE
(cliquer)
Halle Saint Pierre
2, rue Ronsard – 75018 Paris
Tél. : 33 (0) 1 42 58 72 89
Du lundi au vendredi de 11h à 18h
samedi de 11h à 19h
dimanche de 12h à 18h
Pour une visite de l’exposition et signature de sa monographie qui vient de paraître.
LES SAMEDIS 19 & 26 NOV. 2022 de 15h à 18h
Réservation conseillée : 01 42 58 72 89
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