Depuis " La panthère des neiges" j'ai du plaisir à lire Sylvain Tesson ...
"La géographie de Sylvain Tesson est vaste. Elle couvre Paris, les toits
de Notre-Dame, les calanques de Cassis, les montagnes de Chamonix,
l’Irak, l’Ukraine, la Russie. Il y a les expéditions et les voyages
intérieurs, les bivouacs d’un soir et les méditations d’un jour, mais
aussi les escalades des parois et les descentes au fond des livres.
Entre les mots se dessine l’écriture d’un destin. Alors que son dernier
livre Sur les chemins noirs raconte son voyage du sud de la France au
Cotentin, Une très légère oscillation est un miroir le long d’autres
chemins.
Le journal de Sylvain Tesson oscille entre le Manuel
d’Epictète et les pensées de Jules Renard. Il nous incite à jouir de
l’instant, à ne rien attendre du lendemain et à s’extasier des
manifestations du vivant : une branche dans le vent, le reflet de la
lune. C’est la chose la plus difficile au monde que de reconnaître le
bien-être dans ses expressions les plus humbles, de le nommer, le
saisir, le chérir. Savoir qu’on est en vie, que cela ne durera pas, car
tout passe et tout s’écoule.
Tout intéresse Sylvain Tesson. Sa
panoplie littéraire enveloppe l’actualité la plus brûlante : Daech, les
attentats, l’islam, le pape, la politique française mais aussi
l’intemporel, la poésie, le spirituel.
Humour et poésie sont les deux
lignes de vie de Sylvain Tesson même quand il chute d’un toit et se
retrouve hospitalisé pendant de longs mois à la Salpêtrière : "Un
fleuve bordé de saules pleureurs, est-ce une rivière de larmes ?""
QUELQUES EXTRAITS ....
Les baleines sont les derniers poètes, elles sautent parce qu'elles sautent. Elles sautent. Elles sautent avec des raisons que nous ne saurons pas. Elles sautent sans raison. Mais nous autres, humains, sommes des comptables mesquins et nous voulons que tout effet possède une cause.
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Les Berbères ont forgé de somptueuses expressions pour distinguer les nomades des sédentaires. Les premiers sont appelés "hommes de la lumière" parce qu'ils vivent sous le soleil. Les seconds sont les "hommes de l'ombre", car ils demeurent sous leur toit.
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Je crois à la mémoire des pierres. Elles absorbent l'écho des conversations, des pensées. Elles incorporent l'odeur des hommes. Les pierres sauvages des grottes et les pierres sages des églises rayonnent d'une force mantique. On est toujours saisi quand on pénètre sous une voûte de pierre qui a abrité les hommes.
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Ils (les arbres) sont mélomanes. Ils grincent, chuintent, bruissent. Leurs feuillages murmurent des secrets. Leurs troncs se plaignent de souffrances. Entrer dans la forêt, c'est s'installer sous l'orchestre.
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La seule leçon que nous donnent les morts, c'est de nous hâter de vivre. De vivre plus, de vivre avidement. De s'échiner à un surplus de vie. De tout rafler. De bénir tout instant. Et d'offrir ce surcroît de vie à eux, les disparus, qui flottent dans le néant, alors que la lumière du soir transperce les feuillages.
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Je passais de longs moments à caresser les gargouilles. Mon accident m'avait affligé d'une paralysie faciale, mon visage avait subi un glissement de terrain. Je promenais une face grimaçante. Les gargouilles me consolaient de la disgrâce. Elles se tenaient, scellées sur les parapets, et contemplaient Paris avec leurs gueules de monstres.
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Le peintre reçoit et donne. Le photographe prend.
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La marée : pourquoi faut-il mettre en branle un océan entier afin de recouvrir quelques petits coquillages sur la plage.
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Les arbres m'apprennent la discrétion. J'admire leur retenue, leur timidité. Aucune frondaison ne s'emmêle aux autres. Aucun tronc ne nuit à ses voisins. Les arbres ont l'infinie noblesse de ne pas se toucher. Chacun tire de la terre la force de se hisser au ciel, en silence.
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L'arbre est à la fois un être de la terre et de l'air. Il puise sa force
dans l'ombre pour boire des photons. Il lie le monde d'en bas et le
royaume d'en haut.
L'arbre est un être magique puisqu'il est le réceptacle de tous les éléments ( sauf du feu, bien sûr).
Les arbres sont princes de l'immobilité. Ils prouvent que la puissance
ne se définit pas par le mouvement. Leur royaume est le terrain qu'ils
couvrent de leur ombrage. Parfois, il est bon de faire l'arbre. S'asseoir
sur la terre. Humer la lumière. Laisser la fourmi nous escalader. Le
Bouddha s'était un jour assis au pied de son pipal et il avait été saisi
par des pensées. Moi, hélas ! quand je m'assieds au pied d'un arbre,
j'ai envie de grimper dedans au bout de cinq minutes.
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