En 2014 Jean-Paul Gavard-Perret a écrit un très beau texte sur l'artiste lors d'une exposition à la galerie Béatrice Soulié :
Hélène Lagnieu, Baroque viscéral
Les hybridations conséquentes
Dans les peintures,
les encres, les collages d’Hélène Lagnieu le monde se manifeste par le
corps de la femme et ses ajouts animaliers. Les hybridations
forment un nœud où s’efface tout décor. Dès lors elles donnent
à imaginer un indéfini surcroît par la vertu de rappels et
d’analogies. Le corps féminin-animal est rendu à une innocence
sauvage. Non que l’artiste ne réduise Eve à la bestialité. Mais
irréductible à tout type de complaisance, l’artiste crée de fait des
portraits sublimés “inversés”.
Ils éloignent autant du facile agrément que d’un érotisme quelconque.
Certes, la promesse d’un certain plaisir n’est pas
obligatoirement absente : elle fait partie de la masse totale de la
vie au même titre que (par exemple) la maladie évoquée ici par
certains éléments tirés de grimoires de médecine. Parfois
boursouflé plus que semeur d’excitation, le corps jette le trouble par
son déploiement d’économie animale. Mais toutefois, c’est moins la
femme que le voyeur qui tourne en bourrique dans un travail de
résistance avérée face à la maladie de l’idéalité comme au malaise
des civilités.
L’œuvre séduit par son
élégance dans la mesure où le langage plastique en sa ménagerie
bâtarde touche à une vérité et un accès paradoxal au réel. Le contour
d’un sein ou d’une hanche très vite coupé par des éléments
volontairement parasites accentue l’évidence que se joue ici —
animal aidant — une extension du réel. Mi-femme mi-bête, l’image
décontenance d’autant que la nudité (promise « beyond sex »
aurait écrit Duchamp) est poussée loin de toute distraction
superfétatoire. La longue série de touches savantes et drôles est
conduite jusqu’au point où de l’hybridation surgit une unité par effet
de métamorphoses plus radicales que métaphoriques, fidèles à la
réalité humaine la plus profonde.
Le corps gras et généreux comme une terre fertile devient parfois un
simple déploiement d’une souplesse féline. L’animalité débarrasse la
vision de toute idée de mythe. Elle ramène à une simplicité charnelle
douloureuse comme jouissive. Hélène Lagnieu détord sans apparat
mais avec beaucoup de doigté l’arc tracé par la déesse égyptienne qui
fit jadis du firmament tout entier le corps féminin. Ramené à la
bête, ce dernier devient la réponse à une exigence irrépressible et
naturelle. Dans sa combinaison baroque et viscérale, l’être passe
de l’état de fantôme métaphysique à celui de chair primitive
du futur.
UN BEAU TEXTE D'EMMANUELLE GRAND SUR SES DESSINS
(cliquer)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire