Ce que dit l’éditeur sur Le caillou
Le Caillou, c’est l’histoire d’une femme qui voulait devenir un caillou.
« Avant de raccrocher,
je lui confie que j’ai dans l’idée de partir quelques jours en Corse. Je
l’entends renifler et pleurer. Pour elle, c’est le premier signe de vie
que je donne depuis bien longtemps. Le dernier qu’elle a perçu, c’est
le cri que j’ai poussé en venant au monde. Elle oublie qu’enfant, je
riais tout le temps et embrassais le bonheur commun. Ce n’est que plus
tard que j’ai eu des vues nouvelles, d’abord celle d’un désert sous ma
fenêtre, et depuis peu, celle du large. »
L’avis de Lionel Clément sur Le caillou
Pourquoi une jeune femme pourrait-elle vouloir devenir un caillou ?
C’est à la mort de Monsieur Bernard, son
vieil et énigmatique voisin qui tente, depuis quelques temps, de
réaliser son portrait, que la narratrice décide de partir sur ses traces
en Corse du sud, cette corse où celui-ci se rendait, mystérieusement,
plusieurs fois chaque année. D’ailleurs, qu’est-ce qui la retiendrait à
Paris, sinon ce client du bar où elle travaille, dont elle est
secrètement et désespérément amoureuse ?
« Tu es déjà vieille de toutes façons.
Tu te crois jeune parce-que tu as décidé de ne pas faire comme les
autres, d’occuper des emplois précaires, de ne pas avoir d’enfant. Mais
tu vieillis de la même façon, un pli au coin des lèvres. Et est-ce que
tu m’as bien regardé, j’ai fait des choix parfois équivalents aux tiens
et aujourd’hui, j’ai pourtant soixante-quinze ans… »
J’ai tout simplement adoré lire Le caillou. Après J’ai déserté le pays de l’enfance,
publié en 2011 aux éditions Plon, Sigolène Vinson revient aux
excellentes éditions Le Tripode avec ce roman à la fois drôle et
désespéré, qui interroge nos solitudes, notre besoin de vivre avec les
autres, et notre incapacité à y parvenir réellement.
« C’est un romantique au fond. À tous
les coups, il voudra que je l’aime et que je souffre. L’amour, je m’en
méfie, à cause de mon expérience malheureuse. Mais peut-être que ce
client du Saint-Jean, je l’ai inventé. Dans le sens où j’ai rêvé qu’il
était celui fait pour ma vie. J’aurais mal lu dans le marc de single
malt, au fond du verre qu’il a laissé dans mon évier avant de partir ».
Avec une plume grinçante et profondément
tendre, Sigolène Vinson nous met face à nos angoisses les plus
profondes : que restera-t-il de nous lorsque, ayant consumé nos jours,
nous nous retournerons sur le chemin parcouru pour réaliser que, cette
vie que nous avions rêvée exceptionnelle, unique et inoubliable, ne sera
qu’une existence parmi tant d’autres, finalement vouée à l’oubli ? Car
même la pierre la plus dure est, elle-même, destinée à y retourner… Ce
n’est en définitive qu’une question de temps…
Un roman sublime, triste et délicat !
DES EXTRAITS ....
« - Vous avez fait des études ?
- Oui, très longues.
- Vous rêviez d'exercer un métier en particulier ?
- Non, aucun. En vrai, je souhaite devenir un caillou »
- Oui, très longues.
- Vous rêviez d'exercer un métier en particulier ?
- Non, aucun. En vrai, je souhaite devenir un caillou »
« -... Ma femme m'a quitté il y a deux ans. D'après elle, je buvais trop.
- Ah, vous aussi ?
- Quoi moi aussi ?
- Monsieur Colombani qui m'a accompagnée jusqu'ici s'est fait retirer son permis pour conduite en état alcoolique.
- C'est la rive sud d'Ajaccio. On boit beaucoup.
- Comment une chose pareille est possible, avec la mer et les rochers que vous avez ?
- C'est justement ce qui nous rend malades. À regarder le coucher
de soleil sur Cala d'Orzu, on comprend que quelque chose nous manque qui
ne sera jamais comblée, on appelle ça l'absolu toujours déçu.
- Et c'est pour cette raison que vous vous enivrez tous, pour oublier.
- Certains pour oublier, d'autres pour fêter l'événement. »
« Quelle autre trace pourrais-je laisser dans un monde qui refuse d’être remarquable, dont les mécanismes tournent à vide, parce que l’humanité a franchement paressé durant ces deux derniers millénaires ? «
« On a le droit de vouloir devenir un caillou, pas de le dire. Ca regarde qui, nos faiblesses ?
« Il prend la boîte à outils et
part au pas de course. Mes jambes répondent et j’allonge les foulées.
Quand j’accède au sommet, François se tient devant un visage de pierre
qui lui arrive au niveau des épaules.
– Restez où vous êtes. Sinon, vous n’apprécierez rien de l’œuvre, me conseille-t-il.
Il n’y a que les yeux. Le reste n’est pas encore taillé. Mais ils suffisent. De la lumière dedans.
De l’intelligence. Des rêves d’une
autre condition, d’une autre destinée. Tout ce qui m’a déserté. Tout ce
qui nous a tous déserté. Puisque même François Cipriani en a la frousse.
- Je vous avais dit que c’était
saisissant. Tant de vie dans un rocher, c’est surnaturel, c’est plus que
nous ne serons jamais. Oui, de la vie pour toujours. Ces yeux seront
encore là quand nous, nous serons tous morts. Et ce sont vos yeux à
vous. Je vous laisse seule vous débrouiller avec votre conscience. »« La distance qui nous sépare est un territoire sans coordonnées. »
« Tout ce que nous inventons pour nous protéger de la vieillesse nous fait vieillir plus vite, c’est en nous figeant que nous nous craquelons. »
« C’est comme ça qu’on ne désespère pas, en trouvant quelqu’un qui nous accompagne jusqu’au bout. A condition qu’une fois sur place, il veuille bien nous laisser seuls. »
« Quand j’ai besoin d’un bouc émissaire, je me regarde dans la glace et je le trouve. »
« Le cimetière des éléphants n’existe pas, il n’y a que des mouroirs. »
« Je n’ai jamais souhaité à personne de vieillir en paix, pourquoi le voudrais-je pour moi ? »
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