Christine Magne a réalisé mon plus grand rêve d'Art Brut : elle est allée à Chandigarh sur les pas de Nek Chand !
"A chacun ses rêves. L'artiste autodidacte Nek Chand a concrétisé le sien à Chandigarh, en édifiant un jardin féerique devenu aujourd'hui, dit-on, le deuxième site d'Inde le plus visité après le Taj Mahal.
Engagé comme responsable de la construction des routes, Nek Chand collabore dans les années cinquante à la construction de la capitale du Pendjab, confiée à l'architecte français d'origine suisse Le Corbusier. Chaque soir, après avoir accompli ses tâches professionnelles, il enfourche sa bicyclette et se rend dans les contreforts de l'Himalaya où il ramasse des pierres qu'il sent dotées d'une âme. Il collecte également une myriade d'objets usagés et de déchets dans les décharges et sur les chantiers de la prestigieuse métropole qui s'érige: fragments de céramique, prises électriques, pièces détachées de vélos. Clandestinement, dans une clairière qu'il s'est appropriée, Nek Chand assemble ces divers éléments et crée des sculptures représentant des figures humaines et animales. Son royaume de dieux et de déesses prend forme dans un site qui s'étend aujourd'hui sur douze hectares et qui invite le visiteur à parcourir douves profondes, collines et sentiers sinueux et à découvrir patios et cascades: une symphonie de pierres, de ciment et de vaisselle cassée.
Le Rock Garden (Jardin de pierres) est une oeuvre d'art éblouissante où resplendissent une inventivité et une liberté d'expression inouïes."
"Nek Chand, 81 ans, auteur du Rock Garden. Il a construit, pierre après pierre, un monument d’art brut en récupérant des objets de rebut. Aujourd’hui, son jardin, “royaume des déesses et des dieux”, est le deuxième endroit le plus visité d’Inde après le Taj Mahal.
L’Inde révère ce vieil homme, auteur d’une œuvre inclassable et immense jusqu’à l’invraisemblable : un merveilleux jardin. “Un jardin que les autorités ont décidé d’appeler Rock Garden [jardin de pierres], mais que j’ai créé, moi, pour en faire le royaume des déesses et des dieux”, rectifie Nek Chand. En effet, ils sont là, avec tous leurs attributs, avec leur escortes, une grande cohue de personnages et d’animaux peuplant le lieu auquel Nek Chand, 81 ans, a consacré cinquante années de travail acharné.
Ce jardin de conte ancien fait l’objet d’une révélation massive : six expositions en Suisse, en France, en Italie et en Belgique, à l’initiative de Lucienne Peiry, directrice de la Collection de l’art brut, à Lausanne*.
A Chandigarh, le royaume des déesses et des dieux s’étend sur 12 hectares d’une nature prodigieusement présente et foisonnante. Cette richesse végétale, les mouvements du sol, collines, falaises et ruissellements, tout est dû à Nek Chand. “Autrefois, en ce lieu, il y avait un terrain absolument plat, sablonneux et dépourvu d’eau. J’y ai tout apporté, pierre après pierre.” Le jeune inspecteur des Travaux publics qu’il était en 1958 travaillait alors sur le chantier de Chandigarh, où s’édifiait la nouvelle capitale du Pendjab, gigantesque projet urbanistique confié à Le Corbusier par le Premier ministre Nehru. Or le voici qui découvre un terrain vague à proximité, se l’approprie, le défriche et, chaque jour, après son travail, se lance à bicyclette en direction des contreforts de l’Himalaya, 30 à 40 kilomètres plus loin. Dans les montagnes où résident les dieux et dans le lit des rivières, il sent la présence “de pierres habitées de vie, de pierres qui parlent”. Ces blocs qui, parfois, pèsent jusqu’à 40 kilos, il les ramasse et les rapporte un à un sur son vélo. Il parcourt les décharges, récupère tout ce qu’il trouve ; les déchets les plus hétéroclites, il les recycle et, patiemment, construit son royaume avec les rebuts du chantier de Le Corbusier.
“Le Rock Garden est fait pour et par les objets jetés ! Je leur donne une nouvelle vie.” Une nouvelle vie, c’est peut-être ce que Nek Chand a gagné en se faisant sculpteur, architecte, paysagiste, urbaniste, hydraulicien. Celle d’avant le jardin a été marquée par la mort et l’exil. Originaire d’un village au nord de Lahore, il figure parmi les rescapés de la partition de l’Inde, l’exode le plus meurtrier du XXe siècle. Nek Chand et les siens doivent s’arracher à leur village ; ils errent longtemps au milieu des massacres et des violences qui accompagnent cette immense migration.
Lorsque les autorités, stupéfaites, découvrent le site, lui y a déjà travaillé clandestinement pendant quinze ans ! Plutôt que d’interdire et de démolir, elles décident de nationaliser le terrain et confient le développement du Rock Garden à l’ancien fonctionnaire qui, désormais salarié de sa propre œuvre avec le titre de “créateur et directeur”, peut s’y consacrer entièrement. Aujourd’hui, il orchestre le travail de très nombreux collaborateurs qui, avec leurs familles, viennent entretenir le jardin, procèdent aux travaux de terrassement, à la production d’une population en ciment armé incrusté de débris d’assiettes et autres matériaux usagés – population qui ne cesse de s’étendre – et aux nombreux travaux de restauration.
Depuis le point culminant du Rock Garden se découpe la Chandigarh de Le Corbusier, tout proche. La cité du futur de l’un, le paradis de l’autre se répondent. Le Corbusier, dans la rigueur – et aussi la digression –, Nek Chand, dans l’effusion et l’exubérance, partagent, chacun selon sa culture et selon son langage, la fraternité de ceux qui font de leur parcours terrestre une recherche de la cité idéale."
COLLECTION DE L'ART BRUT DE LAUSANNE
SUR WIKIPEDIA
SUR LES GRIGRIS
SUR LE COURRIER INTERNATIONAL
(cliquer)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire