Voilà une superbe découverte que je dois à la Galerie Albane ....
"Pendant 17 ans, Mme S. a travaillé en tant que décoratrice/scénographe pour le théâtre et le cinéma.
Aujourd’hui elle se consacre uniquement à la peinture avec des
productions très personnelles. Elle nous raconte de belles histoires
d’amour.
Mme S. travaille à l’encre sur papier brulé, elle travaille le papier
avec tendresse et lui donne l’aspect d’une dentelle pour mieux habiller
ses belles endormies dénudées."
Photos prises à la Galerie
« Je brûle
mes papiers selon plusieurs techniques que j'ai mises au point. C'est
une métaphore de ce qui nous brûle, nous
consume ou nous enflamme.
Je pourrais aussi parler des papillons qui sont
présents dans mon œuvre, ils sont aussi ceux que l’on a dans
le cœur, dans le ventre... dans
la tête. »
Photos glanées sur le site de la Galerie et sur Google Entretien avec Mme S. à
l'Atelier Suspendu au 25 Cours d'Estienne d'Orves à Marseille
"J’admire
la puissance inouïe de Freud, premier cartographe de ces continents
étranges. La nuit use de ruse, de subterfuges et stratagèmes, de jeux de
mots ..."
Mme S.
Une nécessité
vitale :
Mme S. artiste peintre,
investit l'univers de l'intime au travers d'œuvres réalisées
sur papier.
Elle est passée d'abord
par le travail de décoratrice de théâtre et de cinéma sur
Marseille et sur Paris. Après avoir, pendant 17 ans travaillé à
illustrer le travail et les histoires des autres, elle entreprend
d’illustrer ses propres histoires.
Mme S. est peintre depuis
maintenant cinq ans, elle est installée à L'Atelier Suspendu depuis
une année, elle partage les lieux avec deux autres artistes dans un
bâtiment qui est une véritable pépinière, parce que « travailler
seule ne m'était plus possible. Je rêvais d'un tel atelier depuis
que j’étais étudiante lorsque je venais à la Librairie des
Arsenaulx et que j’errais sur les passerelles de la cour intérieure
du 25 cours Honoré d’Estienne d’Orves... « Un jour j’aurai
un atelier là ! »… »
Ses formations en écoles
d’Arts et à l’école des Arts et Techniques du Théâtre de
la rue Blanche lui permettent dans un premier temps, en tant que
décoratrice, d'aborder et de maîtriser une multitude de matériaux
(résines, peintures aux pigments…) pour la fabrication de décors,
sculptures, masques pour le théâtre et le cinéma… et ainsi de
confirmer son goût et son intérêt pour les aspects techniques des
arts plastiques et de la bidouille.
Goût et intérêts
qu'elle mettra à profit pour la mise au point de sa pratique
particulière, celle du « papier brûlé ».
« Je suis
revenue par là-même à mes bases, mes premiers amours pour la «
bidouille » que j’avais explorée, avec gourmandise, dans
l’enfance. Avec ma mère, institutrice, nous habitions une ancienne
école de campagne dont le logement de fonction était accolé à la
salle de classe. Une porte nous séparait de cette « école
des filles » communale. Je pouvais ainsi à loisir explorer ces
vieux manuels scolaires, ces anciens livres d’histoire, de leçons
de choses illustrés, de biologie, feuilleter les grandes affiches de
sciences naturelles, la ribambelle de papiers colorés, de
feutrines, de papier carbone et enfin expérimenter peintures,
ciseaux, colle qui s’offraient à moi. C’était mon aire de jeux
où tout m’était permis.
J'ai été très tôt
et très vite attirée par le dessin et j'ai pu bénéficier dès
l'âge de douze ans d'une dérogation parentale pour assister aux
cours de dessin et de nu des ateliers des Beaux-Arts (réservé aux
adultes NDLR). »
Le travail de Mme S.
est un travail sur l'intime.
« Mon travail
parle de l'intime; c’est mon thème principal. Si j’étais amenée
à changer de thématique; je pense que je changerai aussi de nom
d'artiste.
J'ai connu de longues
périodes d’insomnies, sujette à des envahissements nocturnes qui
revenaient de façon récurrente sous forme d'images et de
sensations. Je me suis mise à les coucher, sur un carnet posé près
de mon lit sous forme de petits dessins. »
« Plusieurs
possibilités s'offraient à moi. J'ai alors opté pour la
« domestication » de ces envahissements. De sensations,
ils se sont transformés en images d’animaux bienveillants. Ils
sont devenus mes envahissements amoureux. »
La série « les
belles endormies » peut être considérée comme le résultat
de cette démarche.
"… Quelques pages
griffonnées sont devenues un carnet entier de centaines de petits
dessins, esquisses griffonnées nées de ces nuits sans véritable
sommeil. Puis vint la question de que faire de tout ce petit monde,
de tous ces petits rêves récoltés un par un, nuits après nuits,
endormis dans ce qui était devenu ma boîte à rêves, datés et
classés."
«J’ai pu
rassembler des rêves récurrents de telle façon qu’en série on
puisse reconnaître des archétypes symboliques relevant de la
mythologie occidentale ou asiatique. Il y a des rêves de X ou de A,
des larves que je porte à papillons, des papillons qui se brûlent
les ailes, des poulpes qui se transforment en serpents, des loups
dévorants, des cœurs brûlants… »
Mme S. est amoureuse des
boîtes d’entomologie, d’herbiers, de boites à insectes, de
manuels de leçons de choses, de papiers et d’estampes
japonaises.
« J’adore
l’inventivité des images, des jeux de mot/jeux d’images, qui
donnent parfois aux rêves un masque aux traits extravagants.
J’admire la
puissance inouïe de Freud, premier cartographe de ces continents
étranges. La nuit use de ruse, de subterfuges et stratagèmes de
jeux de mots, de jeux de genres, espèces en tout genre, de toute la
genèse et toute l’anthropozoologie de ce monde étrange.
Les rêves sont des
théâtres qui jouent des pièces d’apparences pour glisser
d’autres pièces inavouables, ils me trompent sous des scènes
d’aveu, des scènes d’amour. »
« Le monde des
rêves est un enfer extrêmement inventif :
De maladies,
arrachement de cœur, cœur transpercé, étouffement, attachement,
enlacement, liens, brûlure, embrassement, on s’enflamme.
Dans le pays diurne,
on ne brûle pas d’amour, du moins dans nos cultures ; il est
interdit l’arraché de cœur, de le transpercer, se brûler la
poitrine, se crever les entrailles.On se défend, on s’interdit, on se
protège, on se coupe les cordes…»
« Exprimer des
sentiments à travers la représentation de nœuds, de cordes qui
entourent le sujet quand on veut évoquer les liens,
l’attachement, l’emballement,
l’enlacement. Ces liens peuvent être interprétés de
différentes façons, évidemment. Mes belles endormies sont parfois
attachées, attachées à un être aimé, un amour ou à rien,
simplement attachées à la vie... »
« Je brûle
mes papiers selon plusieurs techniques que j'ai mises au point. C'est
une métaphore de ce qui nous brûle, nous
consume ou nous enflamme.
Je pourrais aussi parler des papillons qui sont
présents dans mon œuvre, ils sont aussi ceux que l’on a dans
le cœur, dans le ventre... dans
la tête. »
« Enfant, je
récoltais dans de petites boîtes des squelettes de feuilles, des
papillons et des insectes… comme au musée d'histoire naturelle où
ces papillons étaient enfermés dans des boîtes formant ainsi de
véritables cabinets de curiosité. Des petites boites à trésors »
« Alors
j’étiquette comme une entomologiste, Je suis une cueilleuse
d'images, je récolte toute la fragilité des sentiments que je mets
comme des choses fragiles dans des boîtes à papillons entre deux
panneaux de verre pour les protéger, les numéroter, les classer,
les préserver.
Les matériaux
utilisés :
« Je travaille
essentiellement avec du papier en lien avec mon amour pour les
estampes japonaises.
C'est un papier
particulier, choisi après de nombreuses recherches, sans chlore, de
140 gr.
Pour le dessin et la
peinture, j’utilise des crayons à l’huile, de la mine de plomb,
de l’encre de Chine et des encres acryliques semi-opaques qui ont
une excellente résistance à la lumière. »
« Dans mon
travail, j'emploie au pied de la lettre les mots; ainsi je brûle le
papier comme l’on peut dire : “je brûle, me
consume, je m’enflamme “...
J'ai adopté les mots
et j'en ai fait des images. »
Regarde-t-on les
dénudées de Mme S. tour à tour endormies, somnolentes ou
alanguies, que l’on est traversé par un doute…
Sont-elles délivrées de
leurs songes ou sont-elles envahies par eux ?
L’envahissement, c’est
bien ce dont il est question dans les œuvres de Mme S.
C’est
dans son atelier au 25 Cours d'Estienne d'Orves (tout près du Vieux
Port à Marseille) que vous pourrez découvrir l’univers des belles
endormies de Mme S.
Propos de Mme S.
recueillis par Alain Barlatier pour PCDMQ.
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