Lorsque je viens à Nantes c'est toujours avec un immense plaisir que je vais découvrir les expositions de Franck Moinel.
La dernière était réjouissante puisqu'elle présentait les sculptures de Fanny Alloing et les tableaux d'Hervé Jobin (sur les Grigris le 4 décembre).
Vendredi j'ai eu une grande émotion face aux personnages de Nathalie Gauglin et à la scénographie parfaite mise en place par Franck.
Ne manquez pas cette exposition !
Vous avez jusqu'au 11 décembre.
Ludovic Duhamel (Directeur de Publication du magazine Miroir de l’Art) a écrit un texte que j'aime beaucoup sur Nathalie :
Les yeux. Voilà ce qui attire l’attention au premier contact. Deux mystères fuligineux, profonds comme des abîmes de solitude. Deux trous noirs qui absorbent la lumière alentour. Deux points d’interrogation qui vous dévisagent et vous prennent à témoin de l’infortune dans laquelle un destin contraire les a entrainés.
Au bord de ce regard hypnotisant, une ombre charbonneuse, le lit d’un ancien torrent, indique que les larmes ont ici abondamment coulé. La joue est encore humide, la détresse palpable, subsiste encore un peu d’hébétude, un zeste d’incertitude... Par bonheur, l’orage au loin s’en est allé, les coups de tonnerre, les grondements, les éclairs appartiennent désormais au passé.
Du visage penché sur de vieilles souffrances, du corps recroquevillé sur lui-même qui s’abandonne ingénument au temps qui passe, qui se pelotonne contre le corps d’un autre semblable, irradie quelque chose qui s’apparente à l’espoir insensé d’une existence enfin délivrée des tourments qui l’ont jusque là ruinée. Personnifié, là, devant nous, l’abandon total, le don de soi - une sérénité profonde qui vient défier les lois humaines et leur cortège de calamités. Il y a dans cette sculpture, outre une infinie tendresse, la promesse formelle de ce qu’il n’adviendra plus à l’avenir rien de définitif, rien de tragique. Les lendemains s’envisagent dorénavant avec confiance, le plus dur est à jamais derrière nous...
Chaque personnage ici se laisse donc couler en des profondeurs intimes qui le rendent certes vulnérable, fragile, mais dont il tire une force telle que nulle avanie ne saurait plus à présent l’aliéner. Il est libre en somme. Libre, mais non dépourvu de mémoire, et dans son attitude, dans la façon qu’il a d’incliner le buste, de vous voir sans vous voir, se devinent encore un peu des afflictions passées. Rien n’est effacé, mais tout s’efface à mesure que le calme revient.
Au contraire de certains confrères, qui font hurler les chairs de leurs personnages de pierre, de bronze ou de bois, qui font exulter les matériaux, déchirent l’espace tout autour, l’emplissent de bruits et de fureurs, Nathalie Gauglin préfère arpéger du silence, et le hanter de mille chuchotements carnés, roses comme la terre du Puy-de-Dôme, cette terre si particulière – par son grain, sa matité après cuisson - qu’elle utilise depuis près de vingt ans.
Demeurent profondément enfouis dans la chair de ses créatures le trop-plein de révolte, l’excès de peine, le surplus de malheur. Soucieuse d’offrir au regard du spectateur un visage aussi serein qu’un ciel limpide qui serait seulement strié par endroits de quelques nuages en voie d’évanouissement, Nathalie Gauglin donne à ses personnages figure d’ange, et nous offre à voir des âmes sans défense et sans haine. Comme pour désarmer par avance toute forme d’agressivité, comme pour suggérer là quelque alternative au monde violent qui est le nôtre.
Louise Dubus en parle aussi :
Le travail de la terre est, chez Nathalie Gauglin, une fenêtre ouverte sur le monde du sensible. L’humain est au coeur de sa création expressionniste : l’être étant à la fois inspiration, représentation et interprétation. Son oeuvre fait preuve d’une pureté exceptionnelle. S’y attarder, s’y confronter, c’est faire un pas dans un univers où le geste et la matière remodèlent une vie ou plus exactement remodèlent la vie.
Chaque pièce résulte d’une alchimie délicate entre l’artiste et la matière. Dans son atelier, l’artiste sculpteur travaille le grès. A partir d’un grand pain de terre, la forme est imagée. Mirettes et ébauchoirs en bois affinent le travail et dessinent les détails. Après dix heures de cuisson et trente heures de refroidissement, une pièce unique voit le jour. Certains personnages trouvent place sur des souches de bois, certaines pouvant rester plusieurs années dans l’atelier avant qu’une pièce s’y installe. La nature est une grande inspiratrice pour l’artiste.
Nathalie Gauglin donne à sa sculpture une force d’expression peu commune et un monde troublant prend corps. Chaque oeuvre se voit absorbée, transcendée par son propre destin. Chaque détail du travail vient toucher notre sensibilité, notre perception : inclinaison de la tête, les yeux sombres... Après la main de l’artiste, un regard se perd dans le vide, des petites têtes pensives nous amènent à des interrogations, des frissons, un attendrissement par un être qui semble fragile, perdu face à un monde incompréhensible.
Ces petits êtres nous plongent dans des
séquences de vie, un espace intérieur relevant de l’intime se voit faire face
au monde extérieur. Réminiscence, résurrection d’une partie de nos existences :
de petits fragments de ce que chacun souhaite dissimuler, un témoignage de
notre propre fragilité. Face à cette transcendance, Nathalie Gauglin voue une
revendication à regarder le monde autrement et s’approche au plus près de notre
réalité. Son langage relève de l’humaine solitude, de nos doutes, de nos incompréhensions.
Je songe désormais avec ses oeuvres et me laisse porter par un imaginaire. Je
souhaite les toucher, les entrelacer pour les rassurer. Serait-ce une mise en
abîme ? Un reflet de ma propre vie où la mélancolie règne sans conteste.
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LE TRIPHASE ET LES GRIGRIS DE SOPHIE
( cliquer)
Nathalie Gauglin, parisienne d’origine vit près de Nantes depuis de nombreuses années.
Ainée d’une fratrie de trois enfants, Nathalie Gauglin est née en 1962, d’une mère journaliste et d’un père ingénieur acousticien, elle est aussi maman de trois enfants.
Sa première passion, dès son plus jeune âge fut la danse, ou l’art de mouvoir le corps humain selon un certain accord entre l’espace et le temps. Une passion qui ne l’a jamais quittée, tout comme la musique.
Elle avait à peine 10 ans, qu’elle réalisait des moules en plâtre dans l’atelier de création acoustique Elipson, où son père concevait les célèbres enceintes de la marque.
Après avoir suivi des cours du soir d’arts plastiques à l’école des Beaux-Arts de Versailles, elle entre à l’école Nicolas Flamel à Paris branche orfèvrerie-bijouterie-joaillerie de l’école Boulle. Elle reçoit le premier prix au concours international « Platine » pour la création d’une broche – une cage vide en forme d’oiseau, en platine et saphir – qui sera réalisée, et présentée au Musée des Arts Décoratifs de Paris.
Nathalie Gauglin quitte Paris à 18 ans. Elle poursuit sa passion pour la création artistique, tout d’abord dans la conception de bijoux qu’elle dessine et réalise pour différents joaillers français, mais également dans la réalisation quand elle apprend la sculpture sur pierre auprès de Maurice Mainguy, tailleur de pierre pour les monuments historiques.
De 2001 à 2005, elle crée son entreprise de stylisme, et réalise des décors auprès de photographes d’agences de publicité ou de particuliers.
Accueillie en résidence d’artiste depuis 2005 au château de la Groulaie, à Blain (Loire-Atlantique), elle se livre pleinement à la sculpture dans cet atelier.
En 2011 elle fait l’acquisition d’une ancienne école toujours en Loire-Atlantique où elle installe son nouvel atelier.
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