« De la chute au pas de danse... J'ai voulu écrire un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule. » Gaëlle Josse.
Qui
ne s'est senti, de sa vie, vaciller ? Qui ne s'est jamais senti « au
bord de » ? Qui n'a jamais été tenté d'abandonner la course ?
Clara, trente-deux ans, travaille dans une société de crédit.
Compétente, investie, efficace, elle enchaîne les rendez-vous et atteint ses objectifs.
Un matin, tout lâche. Elle ne retourne pas travailler. Des semaines, des mois de solitude et de vide s'ouvrent devant elle.
Amis,
amours, famille, collègues, tout se délite dans l'ordre ou le désordre
de leur apparition dans sa vie. La vague de fond qui la saisit modifie
ses impressions et ses sentiments.
Ce matin-là dévoile la mosaïque
d'une vie et la perte de son unité, de son allant et de son élan. Une
vie qui se refuse à continuer privée de sens et doit se réinventer. Une
histoire minuscule et universelle porteuse d'espoir.
QUELQUES PASSAGES ....
De toutes ces vacances marines, de ces longs étés rythmés par le flux et le reflux des marées, par la sirène des ferries en partance pour l'île, en face, au loin, elle se souvient que rien n'était définitif, ni l'éclat solaire d'une matinée, ni la cendre d'un ciel ou le rebond des gouttes de pluie sur les toits d'ardoise. Elle se souvient de ces états changeants, gouvernés par les mouvements mystérieux de l'eau et de la lune, auxquels chacun se soumet avec fatalité en attendant l'embellie. Elle se souvient des mots de son père devant sa mine dépitée, alors qu'elle espérait plein beau temps et que le ciel se mettait à verser avec rage. Tu sais, Clara, c'est comme ça, la vie, tout change, tout glisse et rien ne dure.
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Elle pense à ce mot, la reverdie, un mot démodé qu'elle avait trouvé joli, lu dans un livre, il y a longtemps. Quand tout revient, en force, en beauté, en joie, en énergie. Ce mouvement entêté de la lumière, de l’oxygène et de la sève, qui ramène vers la vie.
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Entendre Cécile, sa voix posée, a fait passer un courant d'énergie en elle ; elle se dit qu'il y a des êtres, comme ça, qui ont ce talent d'éclairer, d'alléger la vie de ceux qui les côtoient, qui savent adoucir les tracas qui leur sont confiés, parfois au risque de trop en porter eux-mêmes.
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Désormais elle va vivre avec cette brûlure.
Avec du cramé, du carbonisé, du foudroyé, du consumé.
Court-circuit. Flammes. Cendres.
Ce feu-là celui des guerriers d'Attila, une terre brûlée.
Tristesse du bois noirci, tristesse d'une âme noircie.
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Elle pense à faire un vœu. Je voudrais être émerveillée. Elle se répète ce mot, émerveillée. Un mot qui se lit dans les yeux, dans leur incrédulité éblouie, dans un invisible soulèvement de tout l’être. Elle aime ce mot qui lui vient de l’enfance, les merveilles. Des images pour toute la vie sous les paupières. Elle se souvient, enfant, d’avoir écrit une liste de merveilles sur une feuille de papier pliée et cachée sous ses livres d’école, sur son petit bureau laqué blanc. Elle avait écrit le titre en l’entourant de couleurs, et elle avait utilisé un feutre différent pour chaque ligne. C’est donc que les merveilles existent.
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Elle repense à ce qu'elle est aujourd'hui, une âme défaite, une âme
épuisée, fourvoyée. Elle veut appartenir à nouveau au souffle de la vie,
quitter les rives du ressassement, des pensées mâchées et remâchées qui
ferment son horizon. Ce qu'elle craint, c'est d'éprouver la haine,
l'acidité de l'échec, l'amertume qui voile le regard, soude les
mâchoires et écrase les commissures des lèvres. Elle craint
l'indifférence, l'anesthésie, ce double vitrage entre la vie et elle.
Elle craint de renoncer, de s'habituer au voile mat qui recouvre ses
jours. Elle craint de s'éveiller un matin en haussant les épaules et en
pensant c'est comme ça, maintenant. C'est la vie. Sans allant. Sans
élan. Elle panique. Où est la vie ? Où s'est-elle enfuie ?
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Peut-être bien qu'il faut parler, expulser ce qui doit l'être, recoudre ce qui doit l'être aussi, elle ne sait pas si elle y arrivera. Elle veut bien essayer.
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