Je suis coléreuse parfois, révoltée souvent mais j'ai choisi d'évoquer sur ce blog ce et ceux que j'aime préférant éviter les thèmes qui font mal, préférant parler de tout ce qui rend ma vie belle .
C'est un choix de vie mais il arrive que l'on soit obligé de réviser sa position , il arrive que l'on soit obligé de prendre position .
Grâce à Artension et à son article " Les 100 lieux inventés par 100 artistes hors-normes" nous sommes allés à Flines-lez-raches visiter l'Église Saint Michel.
Les lignes que j'avais pu lire dans le magazine avaient attiré mon attention : " " Une fresque n'est pas une oeuvre de fiction : cela vit, respire, c'est avec nous, c'est en nous !"
Étonnant parcours que celui de ce pâtissier devenu peintre et sculpteur.
En 1990, il crée un bas relief, à partir de moulages peints, "son" Nouveau Testament, qui décore entièrement cette petite église. 90 personnages s'agitent là, nus et inquiets. Ils provoquèrent une telle polémique locale que le prêtre fut muté. A ce jour toutefois, l'oeuvre demeure".
Je ne m'attendais pas du tout en revanche à ce que j'ai découvert en pénétrant dans cette église
et si cela mérite d'être signalé, dénoncé c'est que cela pose une très vaste question .
Une oeuvre d'art peut elle être immorale ?
La censure a t'elle lieu d'être ?
Voilà je suis arrivée la joie au coeur à l'idée de découvrir une nouvelle oeuvre, un nouvel artiste et ce que j'ai vu a déclenché ma colère.
J'ai vu une oeuvre bâchée, j'ai vu une oeuvre cachée .
J'ai voulu en savoir plus et comprendre, j'ai tiré les barrière, je me suis approchée, j'ai vu une oeuvre douloureuse, puissante superbe mais abîmée .
Je ne savais rien de cette histoire , je ne savais rien de l'histoire tragique de PHILIPPE AINI et c'est en rentrant et en faisant des recherches sur google que j'ai découvert l'interview de Jeanine Rivais. :
" DIX ANS DEJA INQUISITION : ART, RELIGION ET... BIGOTERIES ou
LE LONG MARTYR DE PHILIPPE AÏNI".
Parler de martyr peut paraître exagéré mais ce qu'a vécu l'artiste dépasse l'entendement.
Des mois de travail renié, des menaces, aucun soutien .
J'ai été désespérée en lisant cet article, désespérée en pensant que cette histoire a eu lieu en 1990 ...il y a 20 ans .
Qu'aucun secours soit venu en aide à l'artiste , que cette cabale n'ait pas été étouffée par l'Église cela paraît incroyable .
COMMENT EST CE POSSIBLE?
Tout cela est totalement incompréhensible ....rien dans cette oeuvre ne peut faire polémique .
IL FAUT RÉHABILITER PHILIPPE AINI .
PHILIPPE AINI ET L'ART BRUT :
C'est un choix de vie mais il arrive que l'on soit obligé de réviser sa position , il arrive que l'on soit obligé de prendre position .
Grâce à Artension et à son article " Les 100 lieux inventés par 100 artistes hors-normes" nous sommes allés à Flines-lez-raches visiter l'Église Saint Michel.
Les lignes que j'avais pu lire dans le magazine avaient attiré mon attention : " " Une fresque n'est pas une oeuvre de fiction : cela vit, respire, c'est avec nous, c'est en nous !"
Étonnant parcours que celui de ce pâtissier devenu peintre et sculpteur.
En 1990, il crée un bas relief, à partir de moulages peints, "son" Nouveau Testament, qui décore entièrement cette petite église. 90 personnages s'agitent là, nus et inquiets. Ils provoquèrent une telle polémique locale que le prêtre fut muté. A ce jour toutefois, l'oeuvre demeure".
Je ne m'attendais pas du tout en revanche à ce que j'ai découvert en pénétrant dans cette église
et si cela mérite d'être signalé, dénoncé c'est que cela pose une très vaste question .
Une oeuvre d'art peut elle être immorale ?
La censure a t'elle lieu d'être ?
Voilà je suis arrivée la joie au coeur à l'idée de découvrir une nouvelle oeuvre, un nouvel artiste et ce que j'ai vu a déclenché ma colère.
J'ai vu une oeuvre bâchée, j'ai vu une oeuvre cachée .
J'ai voulu en savoir plus et comprendre, j'ai tiré les barrière, je me suis approchée, j'ai vu une oeuvre douloureuse, puissante superbe mais abîmée .
Je ne savais rien de cette histoire , je ne savais rien de l'histoire tragique de PHILIPPE AINI et c'est en rentrant et en faisant des recherches sur google que j'ai découvert l'interview de Jeanine Rivais. :
" DIX ANS DEJA INQUISITION : ART, RELIGION ET... BIGOTERIES ou
LE LONG MARTYR DE PHILIPPE AÏNI".
Parler de martyr peut paraître exagéré mais ce qu'a vécu l'artiste dépasse l'entendement.
Des mois de travail renié, des menaces, aucun soutien .
J'ai été désespérée en lisant cet article, désespérée en pensant que cette histoire a eu lieu en 1990 ...il y a 20 ans .
Qu'aucun secours soit venu en aide à l'artiste , que cette cabale n'ait pas été étouffée par l'Église cela paraît incroyable .
COMMENT EST CE POSSIBLE?
Tout cela est totalement incompréhensible ....rien dans cette oeuvre ne peut faire polémique .
Lisez attentivement cette longue interview, elle est passionnante ...et édifiante :
J. R. : Parlons maintenant d'un problème auquel vous êtes confronté depuis deux ans : la fresque de l'église Saint-Michel à Flines-lez-Raches. Racontez-nous ce qui vous est arrivé, à propos de cette fresque.
P. A. : Un jour, des gens sont venus chez moi et m'ont invité à participer à une exposition dans l'église de ce petit village, situé à une quinzaine de kilomètres de Douai. Ils disaient aimer mon travail. C'était pour eux important de faire entrer l'art contemporain dans cette petite église : il s'agissait de la revaloriser, d'y attirer du monde. Je n'étais pas très enthousiaste, au départ, parce qu'en règle générale, je ne supporte pas d'exposer avec d'autres artistes. Finalement, je suis allé visiter l'église. Et dès que j'y suis entré, j'ai été littéralement happé par une chapelle à cinq pans ! Les organisateurs m'ont proposé de faire une fresque. J'ai dit : "Si vous avez toutes les autorisations, je suis d'accord. Donnez-moi cette chapelle. Vous pouvez laisser le confessionnal, je ferai la fresque autour".
J. R. : Lors d'une réunion de Figuration Critique dont vous faites partie, vous avez dit que "sans savoir si Dieu existe, vous aviez fait cette fresque de toute votre âme, et l'aviez offerte au Dieu de ce village". Que représentait pour vous la réalisation de cette oeuvre de 13 mètres de long sur 7 mètres de haut, comprenant 90 personnages, dans un lieu à la fois consacré et historique?
P. A. : De tout temps, j'ai eu envie de travailler dans une église. J'ai été élevé dans la tradition catholique. Je n'y croyais pourtant pas trop, j'avais toujours eu tendance à douter, car les explications reçues me paraissaient peu convaincantes. En travaillant pendant deux mois, jour et nuit dans cette église, j'ai eu vraiment l'impression d'être dans un lieu habité. J'étais en parfaite harmonie avec lui. Pendant que je créais cette fresque, j'étais calme, serein, sans aucune appréhension quant à sa réussite ! Dès le départ, la vision de l'oeuvre a été tellement forte, spontanée, que je n'ai fait aucune erreur : j'ai posé mes personnages sans prendre la moindre mesure. Tout était clair et facile. Quand vous travaillez dans cette ambiance, tout seul dans une église, avec de temps en temps quelques personnages venus vous parler, vous offrir un café ou vous apporter des cigarettes, vous vivez des moments très importants. L'église était devenue mon atelier où je me sentais parfaitement chez moi !
Rendez-vous compte : moi qui, dans ma création, veux être Dieu, j'étais sans arrêt en conversation avec un autre dieu que moi ! Cela m'a aidé à accepter l'idée que je ne le serai jamais ; mais que je pouvais créer comme lui ! Quand, pendant deux mois on vit cette expérience, on n'en ressort pas sans une réflexion nouvelle, sans être devenu autre. C'est purement extraordinaire !
J. R. : Dans cette période où les artistes ont beaucoup de mal à vivre, vous avez fait cette fresque bénévolement. Elle vous a même personnellement coûté de l'argent. Quels arguments avaient employés les commanditaires pour que vous fassiez un don si généreux à l'église de ce village ?
P. A. : Ils n'ont eu besoin d'aucun argument ! Comme je l'ai dit, le fait de travailler dans une église signifiait pour moi signer un pacte avec Dieu pour la postérité. C'était un peu m'immortaliser. Quand on parle de "don", quand on fait un don à "Dieu", ce n'est pas un billet de banque aussi important soit-il qui peut acheter votre oeuvre : aucun terme d'argent ne doit entrer dans ce travail. Un tel marché m'aurait paru faux au départ !
J. R. : Qui étaient ces commanditaires ? Ont-ils réalisé l'importance que revêtait pour vous cette oeuvre ? Ont-ils apprécié la valeur du don artistique et moral que vous avez fait à cette église ?
P. A. : Je ne sais pas. Les gens se rendent difficilement compte de ce que représentent deux mois de travail dans un état de concentration intense. Ne ressentant pas ce que ressent l'artiste, ils ne peuvent pas évaluer le don qu'il leur fait. Mais ce n'était pas un problème. Tout était tellement clair dans ma tête qu'aucune explication n'était nécessaire. Tout s'organisait de façon limpide, sans que j'aie l'impression d'être un illuminé ; ou d'avoir été désigné par le doigt de qui que ce soit !
J. R. : Un jour, cette fresque a été terminée ; et inaugurée officiellement. Racontez-vous cette journée d'inauguration.
P. A. : Cette fresque a été inaugurée le 21 juin 1990 ; en présence, bien sûr, des membres de l'Association qui me l'avaient commandée et qui prenaient en main les destinées de l'église ; et de Monsieur le Maire de Flines-les-Raches. Etaient aussi présents des responsables des Monuments historiques ; des maires d'autres communes ; le Vice-président de l'Assemblée Nationale, Georges Ages ; des journalistes, etc.
J. R. : Les gens du village étaient-ils là, eux aussi ?
P. A. : Oui, bien sûr, puisqu'il y avait, à cette organisation, entre cinq et six cents personnes !
J. R. : La fresque inaugurée, commencent vos ennuis : d'abord des dégradations diverses... Faites-nous le récit des difficultés auxquelles vous avez dû faire face, depuis des mois, du fait de cette fresque ?
P. A. : Le travail à peine terminé, quelqu'un a commencé à casser des doigts des personnages, à jeter des acides sur les peintures, mettre du gros sel dans les trous...
J. R. : Mais pourquoi du gros sel ? Que peut-il faire aux sculptures ?
P. A. : C'était pour conjurer le mauvais sort...
J. R. : Il s'agit donc de pure superstition ?
P. A. : Je pense que c'est cela. Ils ont arraché, par exemple, les fesses d'Adam et d'Eve, pour y jeter ce sel. Comme j'ai de l'humour, au début cela m'a paru assez drôle ! Puis sont venus les "bombages" : Ces individus ont "bombé" tous les regards, puis le corps d'Adam. C'est invraisemblable, parce que les personnages ne sont pas nus ! Ils sont recouverts de bourre. Le problème est en fait dans la tête des vandales. Ils ont cassé, arraché... Le bas de la fresque a été sérieusement endommagé. Sur le sol de l'église, ils ont écrit "à vendre". Ils ont volé le livre d'or...
Mais ce n'est pas le fait de la population, il s'agit-là d'une minorité ! Pourtant, je n'ai reçu aucune réponse, quand j'ai déposé plainte. Je l'ai d'ailleurs fait sans conviction, parce que j'étais écoeuré par ces actes gratuits de vandalisme. Je l'ai fait uniquement parce qu'on m'a conseillé de le faire. Je n'ai jamais eu les résultats de l'enquête.
Les dégradations se sont répétées pendant environ six mois. Après la deuxième plainte, j'ai observé une accalmie, ils ont cessé de casser et de détruire.
Mais la puissance de la fresque faisait son oeuvre. Des tensions se sont créées autour d'elle. J'en ai eu des échos.
Et au bout de deux ans, je viens de recevoir une lettre du maire de Flines-lez-Raches. Sa teneur est d'autant plus incroyable qu'avant de commencer cette fresque, j'étais allé à une réunion de la mairie du village ; et j'avais bien précisé que si je faisais cette oeuvre, c'était pour qu'elle reste dans l'église ad vitam eternam. Sinon, je ne l'aurais jamais faite ! Je rentrais dans cette église pour la postérité ; et une postérité d'un ou deux ans ne m'intéresse pas !
Cette lettre du maire -membre de l'association de sauvegarde de l'église- stipule (tout en reconnaissant que le but visé, attirer des visiteurs, est atteint) que je dois purement et simplement enlever ma fresque ! Ou, éventuellement la mettre ailleurs !
Or, une chapelle à cinq pans est rarissime. Et il est impossible de déplacer cette oeuvre. Surtout, je n'en ai pas envie ! Je ne veux ni sortir mon travail de ce lieu, ni que d'autres gens le sortent. D'ailleurs, même s'ils essaient de retirer la fresque, ils ne le pourront pas, parce que j'ai "construit solide" ! J'ai bâti pour durer. Il est pratiquement impossible de l'enlever, de retrouver les vis ou les structures qui sont à l'intérieur des sculptures. Il faudra donc les détruire si l'on veut sortir les plaques placées derrière. On ne peut ainsi que détruire l'oeuvre entière !
Durant tous ces mois, ces problèmes m'ont beaucoup perturbé, parce que je ne comprenais pas le sens de ces dégradations. Mais, depuis la réception de cette lettre, je suis totalement écoeuré. J'étais prêt à renoncer, mais des amis m'ont remonté le moral, m'ont incité à aller jusqu'au bout de cette affaire, à garder la preuve que j'avais réalisé quelque chose de bien. Et je suis décidé à le faire. Je ne veux pas qu'on enlève cette fresque. L'enlever serait pour moi, même si cela peut paraître exagéré, me priver de ma postérité.
J. R. : De nombreux artistes, dans toutes les formes d'arts, sont actuellement en butte à des problèmes de censure, au nom de la morale. Qu'en pensez-vous ?
P. A. : Dès qu'une oeuvre, quelle qu'elle soit, suscite ce genre de réaction, il y a lieu d'être inquiet. Les problèmes de conscience, de morale... sont dans la tête des gens. Leur sectarisme les empêche d'accepter ce qu'ils ne comprennent pas. Dans mon esprit, rien de vicieux ne transparaît : une oeuvre que l'on fait pour Dieu ne peut être empreinte de corruption ! La preuve, c'est que je n'ai pas été foudroyé sur l'échafaudage, que je n'ai eu aucun accident!
Je trouve en tout cas inhumain de se renier ainsi, de ne pas assumer des engagements ; de faire des promesses sans avoir conscience de la profondeur de l'investissement de l'artiste ; et de risquer pour de fausses et de mauvaises raisons de le blesser à mort !
C'est en de pareilles circonstances que l'on se rend compte combien les soi-disant amateurs d'art contemporain (mais sans doute en a-t-il été de même à toutes les époques) sont trop souvent sectaires : ils ne connaissent pas, donc ils condamnent. Ils érigent ou laissent ériger une barrière. Ils ne se donnent même pas la peine de regarder avec leur coeur, et bien souvent ils ne regardent même pas avec leurs yeux !
Il faut comprendre qu'une peinture, ou une sculpture, cela "existe", que ce n'est pas une oeuvre de fiction ; que cela vit, respire, que c'est avec nous, aujourd'hui, que c'est un don ! "
Entretien réalisé en juillet 1992 dans l'église de Flines-les-Raches et dans l'atelier de Philippe Aïni.
P. A. : Un jour, des gens sont venus chez moi et m'ont invité à participer à une exposition dans l'église de ce petit village, situé à une quinzaine de kilomètres de Douai. Ils disaient aimer mon travail. C'était pour eux important de faire entrer l'art contemporain dans cette petite église : il s'agissait de la revaloriser, d'y attirer du monde. Je n'étais pas très enthousiaste, au départ, parce qu'en règle générale, je ne supporte pas d'exposer avec d'autres artistes. Finalement, je suis allé visiter l'église. Et dès que j'y suis entré, j'ai été littéralement happé par une chapelle à cinq pans ! Les organisateurs m'ont proposé de faire une fresque. J'ai dit : "Si vous avez toutes les autorisations, je suis d'accord. Donnez-moi cette chapelle. Vous pouvez laisser le confessionnal, je ferai la fresque autour".
J. R. : Lors d'une réunion de Figuration Critique dont vous faites partie, vous avez dit que "sans savoir si Dieu existe, vous aviez fait cette fresque de toute votre âme, et l'aviez offerte au Dieu de ce village". Que représentait pour vous la réalisation de cette oeuvre de 13 mètres de long sur 7 mètres de haut, comprenant 90 personnages, dans un lieu à la fois consacré et historique?
P. A. : De tout temps, j'ai eu envie de travailler dans une église. J'ai été élevé dans la tradition catholique. Je n'y croyais pourtant pas trop, j'avais toujours eu tendance à douter, car les explications reçues me paraissaient peu convaincantes. En travaillant pendant deux mois, jour et nuit dans cette église, j'ai eu vraiment l'impression d'être dans un lieu habité. J'étais en parfaite harmonie avec lui. Pendant que je créais cette fresque, j'étais calme, serein, sans aucune appréhension quant à sa réussite ! Dès le départ, la vision de l'oeuvre a été tellement forte, spontanée, que je n'ai fait aucune erreur : j'ai posé mes personnages sans prendre la moindre mesure. Tout était clair et facile. Quand vous travaillez dans cette ambiance, tout seul dans une église, avec de temps en temps quelques personnages venus vous parler, vous offrir un café ou vous apporter des cigarettes, vous vivez des moments très importants. L'église était devenue mon atelier où je me sentais parfaitement chez moi !
Rendez-vous compte : moi qui, dans ma création, veux être Dieu, j'étais sans arrêt en conversation avec un autre dieu que moi ! Cela m'a aidé à accepter l'idée que je ne le serai jamais ; mais que je pouvais créer comme lui ! Quand, pendant deux mois on vit cette expérience, on n'en ressort pas sans une réflexion nouvelle, sans être devenu autre. C'est purement extraordinaire !
J. R. : Dans cette période où les artistes ont beaucoup de mal à vivre, vous avez fait cette fresque bénévolement. Elle vous a même personnellement coûté de l'argent. Quels arguments avaient employés les commanditaires pour que vous fassiez un don si généreux à l'église de ce village ?
P. A. : Ils n'ont eu besoin d'aucun argument ! Comme je l'ai dit, le fait de travailler dans une église signifiait pour moi signer un pacte avec Dieu pour la postérité. C'était un peu m'immortaliser. Quand on parle de "don", quand on fait un don à "Dieu", ce n'est pas un billet de banque aussi important soit-il qui peut acheter votre oeuvre : aucun terme d'argent ne doit entrer dans ce travail. Un tel marché m'aurait paru faux au départ !
J. R. : Qui étaient ces commanditaires ? Ont-ils réalisé l'importance que revêtait pour vous cette oeuvre ? Ont-ils apprécié la valeur du don artistique et moral que vous avez fait à cette église ?
P. A. : Je ne sais pas. Les gens se rendent difficilement compte de ce que représentent deux mois de travail dans un état de concentration intense. Ne ressentant pas ce que ressent l'artiste, ils ne peuvent pas évaluer le don qu'il leur fait. Mais ce n'était pas un problème. Tout était tellement clair dans ma tête qu'aucune explication n'était nécessaire. Tout s'organisait de façon limpide, sans que j'aie l'impression d'être un illuminé ; ou d'avoir été désigné par le doigt de qui que ce soit !
J. R. : Un jour, cette fresque a été terminée ; et inaugurée officiellement. Racontez-vous cette journée d'inauguration.
P. A. : Cette fresque a été inaugurée le 21 juin 1990 ; en présence, bien sûr, des membres de l'Association qui me l'avaient commandée et qui prenaient en main les destinées de l'église ; et de Monsieur le Maire de Flines-les-Raches. Etaient aussi présents des responsables des Monuments historiques ; des maires d'autres communes ; le Vice-président de l'Assemblée Nationale, Georges Ages ; des journalistes, etc.
J. R. : Les gens du village étaient-ils là, eux aussi ?
P. A. : Oui, bien sûr, puisqu'il y avait, à cette organisation, entre cinq et six cents personnes !
J. R. : La fresque inaugurée, commencent vos ennuis : d'abord des dégradations diverses... Faites-nous le récit des difficultés auxquelles vous avez dû faire face, depuis des mois, du fait de cette fresque ?
P. A. : Le travail à peine terminé, quelqu'un a commencé à casser des doigts des personnages, à jeter des acides sur les peintures, mettre du gros sel dans les trous...
J. R. : Mais pourquoi du gros sel ? Que peut-il faire aux sculptures ?
P. A. : C'était pour conjurer le mauvais sort...
J. R. : Il s'agit donc de pure superstition ?
P. A. : Je pense que c'est cela. Ils ont arraché, par exemple, les fesses d'Adam et d'Eve, pour y jeter ce sel. Comme j'ai de l'humour, au début cela m'a paru assez drôle ! Puis sont venus les "bombages" : Ces individus ont "bombé" tous les regards, puis le corps d'Adam. C'est invraisemblable, parce que les personnages ne sont pas nus ! Ils sont recouverts de bourre. Le problème est en fait dans la tête des vandales. Ils ont cassé, arraché... Le bas de la fresque a été sérieusement endommagé. Sur le sol de l'église, ils ont écrit "à vendre". Ils ont volé le livre d'or...
Mais ce n'est pas le fait de la population, il s'agit-là d'une minorité ! Pourtant, je n'ai reçu aucune réponse, quand j'ai déposé plainte. Je l'ai d'ailleurs fait sans conviction, parce que j'étais écoeuré par ces actes gratuits de vandalisme. Je l'ai fait uniquement parce qu'on m'a conseillé de le faire. Je n'ai jamais eu les résultats de l'enquête.
Les dégradations se sont répétées pendant environ six mois. Après la deuxième plainte, j'ai observé une accalmie, ils ont cessé de casser et de détruire.
Mais la puissance de la fresque faisait son oeuvre. Des tensions se sont créées autour d'elle. J'en ai eu des échos.
Et au bout de deux ans, je viens de recevoir une lettre du maire de Flines-lez-Raches. Sa teneur est d'autant plus incroyable qu'avant de commencer cette fresque, j'étais allé à une réunion de la mairie du village ; et j'avais bien précisé que si je faisais cette oeuvre, c'était pour qu'elle reste dans l'église ad vitam eternam. Sinon, je ne l'aurais jamais faite ! Je rentrais dans cette église pour la postérité ; et une postérité d'un ou deux ans ne m'intéresse pas !
Cette lettre du maire -membre de l'association de sauvegarde de l'église- stipule (tout en reconnaissant que le but visé, attirer des visiteurs, est atteint) que je dois purement et simplement enlever ma fresque ! Ou, éventuellement la mettre ailleurs !
Or, une chapelle à cinq pans est rarissime. Et il est impossible de déplacer cette oeuvre. Surtout, je n'en ai pas envie ! Je ne veux ni sortir mon travail de ce lieu, ni que d'autres gens le sortent. D'ailleurs, même s'ils essaient de retirer la fresque, ils ne le pourront pas, parce que j'ai "construit solide" ! J'ai bâti pour durer. Il est pratiquement impossible de l'enlever, de retrouver les vis ou les structures qui sont à l'intérieur des sculptures. Il faudra donc les détruire si l'on veut sortir les plaques placées derrière. On ne peut ainsi que détruire l'oeuvre entière !
Durant tous ces mois, ces problèmes m'ont beaucoup perturbé, parce que je ne comprenais pas le sens de ces dégradations. Mais, depuis la réception de cette lettre, je suis totalement écoeuré. J'étais prêt à renoncer, mais des amis m'ont remonté le moral, m'ont incité à aller jusqu'au bout de cette affaire, à garder la preuve que j'avais réalisé quelque chose de bien. Et je suis décidé à le faire. Je ne veux pas qu'on enlève cette fresque. L'enlever serait pour moi, même si cela peut paraître exagéré, me priver de ma postérité.
J. R. : De nombreux artistes, dans toutes les formes d'arts, sont actuellement en butte à des problèmes de censure, au nom de la morale. Qu'en pensez-vous ?
P. A. : Dès qu'une oeuvre, quelle qu'elle soit, suscite ce genre de réaction, il y a lieu d'être inquiet. Les problèmes de conscience, de morale... sont dans la tête des gens. Leur sectarisme les empêche d'accepter ce qu'ils ne comprennent pas. Dans mon esprit, rien de vicieux ne transparaît : une oeuvre que l'on fait pour Dieu ne peut être empreinte de corruption ! La preuve, c'est que je n'ai pas été foudroyé sur l'échafaudage, que je n'ai eu aucun accident!
Je trouve en tout cas inhumain de se renier ainsi, de ne pas assumer des engagements ; de faire des promesses sans avoir conscience de la profondeur de l'investissement de l'artiste ; et de risquer pour de fausses et de mauvaises raisons de le blesser à mort !
C'est en de pareilles circonstances que l'on se rend compte combien les soi-disant amateurs d'art contemporain (mais sans doute en a-t-il été de même à toutes les époques) sont trop souvent sectaires : ils ne connaissent pas, donc ils condamnent. Ils érigent ou laissent ériger une barrière. Ils ne se donnent même pas la peine de regarder avec leur coeur, et bien souvent ils ne regardent même pas avec leurs yeux !
Il faut comprendre qu'une peinture, ou une sculpture, cela "existe", que ce n'est pas une oeuvre de fiction ; que cela vit, respire, que c'est avec nous, aujourd'hui, que c'est un don ! "
Entretien réalisé en juillet 1992 dans l'église de Flines-les-Raches et dans l'atelier de Philippe Aïni.
IL FAUT RÉHABILITER PHILIPPE AINI .
QUE CETTE FRESQUE, QUI EST UNE RICHESSE POUR FLINES -LEZ-RACHES SOIT ENFIN RECONNUE, ACCEPTÉE .
QUE CESSE CETTE RIDICULE ET LAMENTABLE POLÉMIQUE .
PHILIPPE AINI ET L'ART BRUT :
PHILIPPE AINI ET SON ÉPONGE A RÊVES :
6 commentaires:
Bonjour surfer entre les blogs et je suis dans ton. Je vais laisser un message et je vous souhaite une bonne journée.
Jeu.
http://remenberphoto.blogspot.com
je comprends mieux ta colère en lisant ton article, c'est scandaleux mais c'est bien le reflet de notre société
Qui s'étonnerait de trouver encore aujourd'hui des iconoclastes chez les bigots devrait faire un effort de mémoire et se rappeler le sort réservé aux œuvres d'Ernest Pignon affichées sur la façade de la cathédrale de Montauban en juillet 2009.
Pour se rafraîchir la mémoire, voir ici:
http://www.lepost.fr/article/2009/07/31/1641616_montauban-le-sexe-des-anges-suite.html
Sans remettre en question la qualité de l’œuvre, et pour "remettre l'église au milieu du village", le problème n'est il pas que l’œuvre est assez peu accessible pour les non-initiés ? L'artiste doit pouvoir s'exprimer quand et où il le souhaite, et il s'agit là d'une commande, comme l'explique très bien ce post, mais n'était-il pas un peu trop audacieux de laisser un artiste résolument moderne, et finalement peu enclin à la religion, dans un lieu de tradition ayant déjà connu des évolutions artistiques radicales au cours des siècles ?
c'est pas très harmonieux ni joli mais sans doute je n'ai pas de sens artistique.........
il devrait exposer chez lui pour ceux qui ont envie de les voir et non imposer ces horreurs aux personnes qui fréquentent l'église
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