Qui mieux que Claude Arz a parlé de JACQUES WARMINSKI :
"Jacques Warminski : L’ARCHISCULPTEUR DES TROGLOS
« Écoute le vent, mon gars, écoute le chanter dans les câbles ». Jacques Warminski parlait toujours d’une voix rauque, chaude, ses yeux de doux géant fixé sur moi. J’écoutai et la mélodie du vent glissait douce, tournant autour de nous, parfumée de bruyère des champs. Quand je l’ai rencontré, il matérialisait le son du vent avec des bolducs au-dessus de son jardin troglo pour créer disait-il « une harpe éolienne ». C’était au printemps 1989. Il faisait chaud et on a bu un petit vin d’Anjou. Peut-être un peu trop.
Il creusait la terre comme un sanglier, toujours avec force et rage comme les premiers habitants de la terre. Lui qui s’était donné pour tâche héroïque de sculpter la terre, il transforma ainsi un petit hameau troglodytique, en un monumental espace d'arts plastiques. En fait je crois qu’il avait dans la tête le projet fou d’édifier une termitière humaine.
À chaque printemps, les retrouvailles étaient toujours chaleureuses.. « Alors, Claude, on vient prendre l’air chez Warminski. Regarde, le boss, regarde le comme il avance. » Et c’était vrai, l’œuvre progressait vite, moins vite qu’il n’aurait voulu sans doute. Il marchait toujours à grandes enjambées poussant sa grande carcasse toujours plus profond dans les nouvelles cavernes qu’il creusait avec frénésie. Il s’arrêtait de temps en temps et lançait : « T’as vu la lumière saumonée qui balaye les champs ? T’as vu? »
Un jour, je lui demandai: « Tu fais quoi au juste? » Mystérieux, il me répondit : « Une hélice terrestre » Le nom était lâché. Une hélice terrestre !. Il aimait les mots colorés et étranges, les assemblages composites. L’hélice terrestre m’évoquait à la fois des décors de films fantastiques et des architectures primitives. Warminski avait une conception très sensuelle de l’art . Il me répéta souvent : « Tu vois, fils, dans mon hélice on peut s'asseoir, se coucher, se rouler, manger sur les formes de l’Hélice terrestre. Le corps épouse les alvéoles, se love à l'intérieur comme un fœtus dans son ventre ».
L’œuvre est majestueuse. Elle se compose d'une surface souterraine, vaste ensemble de galeries creusées dans le tuffeau et reliées entre elles par de petits diverticules sombres et labyrinthiques et d'une surface à ciel ouvert, l'Amphi-sculpture. Aux formes concaves des parties souterraines dédiées au silence et à la nuit, émergent en écho les formes convexes de l'Amphi-sculpture ouvertes aux clartés du soleil.
A force d'acrobaties architecturales, Jacques Warminski a ainsi creusé un labyrinthe bizarre qui s'enfonce comme une vrille dans le ventre de la terre. C’était sa façon à lui de chanter l’union de l'art et de la nature. Cinq ans à creuser le tuffeau, à modeler des formes pour que le corps des visiteurs épouse les volumes et que la terre devienne charnelle. A l'ombre des labyrinthes, à la fraîcheur des grottes, correspond la lumière et la chaleur de l'Amphi-Sculpture. Je suis resté un jour et une nuit dans l'espace de Warminski. Cet hercule de la terre, à la différence des artistes du Land Art, travaille dans la durée. Quand le soleil s'est levé sur l'Amphi-Sculpture, vaste gradin ouvert à l'air libre, une phrase de James Turrel m'est revenue à la mémoire, à propos de son Roden Crater, sorte de vaste pyramide édifiée en plein désert de l'Arizona : «Dans ce projet, je trouvais intéressant d'ajouter à la beauté naturelle du site l'artifice culturel, l'art.» Un projet similaire chez Warminski, plus modeste sans doute mais aussi lumineux, aussi abstrait. Jacques Warminski, l’un des derniers archisculpteurs du XXe s., a transformé un village troglodytique en un somptueux espace d'arts plastiques qu’il a mystérieusement baptisé L’Hélice Terrestre. A force d'acrobaties architecturales, Warminski, la taupe géante, a creusé un labyrinthe qui s'enfonce comme une vrille dans le ventre de la terre, chantant à sa manière la vieille union de l'art et de la nature.
C'est au fond de la cour principale du hameau, creusée dans le calcaire, que l'Hélice terrestre est née. Celle-ci est édifiée selon le principe que toute forme a son revers. Au concave (surface en creux) correspond le convexe (surface bombée). L'espace est ainsi composé d'une surface souterraine, vaste ensemble de galeries creusées dans le tuffeau et reliées entre elles par de petits diverticules sombres et labyrinthiques et d'une surface à ciel ouvert, l'Amphi-Sculpture. Aux formes concaves des parties souterraines offertes aux mystères de la nuit, émergent en écho les formes convexes de l'Amphi-Sculpture ouvert aux clartés de la lune et du soleil. La structure majeure de l'Hélice terrestre, l'Amphi-Sculpture aux flancs moulés en forme de gradins, évoque les cryptes des tombeaux pharaoniques. Cette passion du convexe s’accompagne d’un érotisme brûlant de la matière. On s'assoit, on se couche, on se roule, mange sur les formes. Le corps épouse les alvéoles, se love à l'intérieur, œuf, fœtus dans son ventre. Sur son périmètre extérieur, une pente de cinquante mètres, en forme de pas hélicoïdal, permet de relier le monde aérien au monde souterrain auquel on accède en se glissant par une grande bouche de tuffeau qui avale le visiteur le long de boyaux obscurs. Au centre de ces dédales, une sphère ronde et lisse, étonnante bille de mercure de 3,14 mètres de diamètre, qui matérialise le son des formes. Cette étrange qualité acoustique amplifie les cris et les murmures qui se répercutent à l'infini.
La surface des parois de l'Hélice terrestre est criblée de petits trous qui correspondent à des personnages alvéolaires en état d'apesanteur. La tête en bas, ils dansent sur les murs. Leurs corps sont aériens, fluides. Ce sont les formes qui déterminent l'aspect quasi charnel de toutes ces silhouettes anthropomorphiques qui peuplent les tunnels, créant une sorte de mystérieux langage aux signes cubiques, carrés, ronds.
Il s’est tout simplement épuisé et à l’aube du 6 novembre 1996, Jacques Warminski est mort à son lever terrassé par une crise cardiaque dans les bras de sa compagne, rejoignant les grands ancêtres des archisculteurs quelque part dans un coin de la galaxie où peut-être il sculpte cette fois-ci une hélice céleste."
http://arz.blogspirit.com/archive/2007/08/16/jacques-warminski.html
HELICE TERRESTRE DE L'ORBIERE
SAINT-GEORGES-DES-SEPT-VOIES
( 26 km de Saumur. Dans le triangle Saumur - Doué-la-Fontaine )
Cette œuvre est composée de deux espaces simultanés : l'un entièrement creusé dans la roche, l'autre modelé et moulé à ciel ouvert.
Périodes d'ouverture 2011:
* du 01/05 au 30/09 : tous les jours, 11h00-20h00
* du 01/10 au 30/04 : samedi et dimanche, 14h00-18h00 / Tous les jours en vacances scolaires toutes régions
http://heliceterrestre.canalblog.com/
"Jacques Warminski : L’ARCHISCULPTEUR DES TROGLOS
« Écoute le vent, mon gars, écoute le chanter dans les câbles ». Jacques Warminski parlait toujours d’une voix rauque, chaude, ses yeux de doux géant fixé sur moi. J’écoutai et la mélodie du vent glissait douce, tournant autour de nous, parfumée de bruyère des champs. Quand je l’ai rencontré, il matérialisait le son du vent avec des bolducs au-dessus de son jardin troglo pour créer disait-il « une harpe éolienne ». C’était au printemps 1989. Il faisait chaud et on a bu un petit vin d’Anjou. Peut-être un peu trop.
Il creusait la terre comme un sanglier, toujours avec force et rage comme les premiers habitants de la terre. Lui qui s’était donné pour tâche héroïque de sculpter la terre, il transforma ainsi un petit hameau troglodytique, en un monumental espace d'arts plastiques. En fait je crois qu’il avait dans la tête le projet fou d’édifier une termitière humaine.
À chaque printemps, les retrouvailles étaient toujours chaleureuses.. « Alors, Claude, on vient prendre l’air chez Warminski. Regarde, le boss, regarde le comme il avance. » Et c’était vrai, l’œuvre progressait vite, moins vite qu’il n’aurait voulu sans doute. Il marchait toujours à grandes enjambées poussant sa grande carcasse toujours plus profond dans les nouvelles cavernes qu’il creusait avec frénésie. Il s’arrêtait de temps en temps et lançait : « T’as vu la lumière saumonée qui balaye les champs ? T’as vu? »
Un jour, je lui demandai: « Tu fais quoi au juste? » Mystérieux, il me répondit : « Une hélice terrestre » Le nom était lâché. Une hélice terrestre !. Il aimait les mots colorés et étranges, les assemblages composites. L’hélice terrestre m’évoquait à la fois des décors de films fantastiques et des architectures primitives. Warminski avait une conception très sensuelle de l’art . Il me répéta souvent : « Tu vois, fils, dans mon hélice on peut s'asseoir, se coucher, se rouler, manger sur les formes de l’Hélice terrestre. Le corps épouse les alvéoles, se love à l'intérieur comme un fœtus dans son ventre ».
L’œuvre est majestueuse. Elle se compose d'une surface souterraine, vaste ensemble de galeries creusées dans le tuffeau et reliées entre elles par de petits diverticules sombres et labyrinthiques et d'une surface à ciel ouvert, l'Amphi-sculpture. Aux formes concaves des parties souterraines dédiées au silence et à la nuit, émergent en écho les formes convexes de l'Amphi-sculpture ouvertes aux clartés du soleil.
A force d'acrobaties architecturales, Jacques Warminski a ainsi creusé un labyrinthe bizarre qui s'enfonce comme une vrille dans le ventre de la terre. C’était sa façon à lui de chanter l’union de l'art et de la nature. Cinq ans à creuser le tuffeau, à modeler des formes pour que le corps des visiteurs épouse les volumes et que la terre devienne charnelle. A l'ombre des labyrinthes, à la fraîcheur des grottes, correspond la lumière et la chaleur de l'Amphi-Sculpture. Je suis resté un jour et une nuit dans l'espace de Warminski. Cet hercule de la terre, à la différence des artistes du Land Art, travaille dans la durée. Quand le soleil s'est levé sur l'Amphi-Sculpture, vaste gradin ouvert à l'air libre, une phrase de James Turrel m'est revenue à la mémoire, à propos de son Roden Crater, sorte de vaste pyramide édifiée en plein désert de l'Arizona : «Dans ce projet, je trouvais intéressant d'ajouter à la beauté naturelle du site l'artifice culturel, l'art.» Un projet similaire chez Warminski, plus modeste sans doute mais aussi lumineux, aussi abstrait. Jacques Warminski, l’un des derniers archisculpteurs du XXe s., a transformé un village troglodytique en un somptueux espace d'arts plastiques qu’il a mystérieusement baptisé L’Hélice Terrestre. A force d'acrobaties architecturales, Warminski, la taupe géante, a creusé un labyrinthe qui s'enfonce comme une vrille dans le ventre de la terre, chantant à sa manière la vieille union de l'art et de la nature.
C'est au fond de la cour principale du hameau, creusée dans le calcaire, que l'Hélice terrestre est née. Celle-ci est édifiée selon le principe que toute forme a son revers. Au concave (surface en creux) correspond le convexe (surface bombée). L'espace est ainsi composé d'une surface souterraine, vaste ensemble de galeries creusées dans le tuffeau et reliées entre elles par de petits diverticules sombres et labyrinthiques et d'une surface à ciel ouvert, l'Amphi-Sculpture. Aux formes concaves des parties souterraines offertes aux mystères de la nuit, émergent en écho les formes convexes de l'Amphi-Sculpture ouvert aux clartés de la lune et du soleil. La structure majeure de l'Hélice terrestre, l'Amphi-Sculpture aux flancs moulés en forme de gradins, évoque les cryptes des tombeaux pharaoniques. Cette passion du convexe s’accompagne d’un érotisme brûlant de la matière. On s'assoit, on se couche, on se roule, mange sur les formes. Le corps épouse les alvéoles, se love à l'intérieur, œuf, fœtus dans son ventre. Sur son périmètre extérieur, une pente de cinquante mètres, en forme de pas hélicoïdal, permet de relier le monde aérien au monde souterrain auquel on accède en se glissant par une grande bouche de tuffeau qui avale le visiteur le long de boyaux obscurs. Au centre de ces dédales, une sphère ronde et lisse, étonnante bille de mercure de 3,14 mètres de diamètre, qui matérialise le son des formes. Cette étrange qualité acoustique amplifie les cris et les murmures qui se répercutent à l'infini.
La surface des parois de l'Hélice terrestre est criblée de petits trous qui correspondent à des personnages alvéolaires en état d'apesanteur. La tête en bas, ils dansent sur les murs. Leurs corps sont aériens, fluides. Ce sont les formes qui déterminent l'aspect quasi charnel de toutes ces silhouettes anthropomorphiques qui peuplent les tunnels, créant une sorte de mystérieux langage aux signes cubiques, carrés, ronds.
Il s’est tout simplement épuisé et à l’aube du 6 novembre 1996, Jacques Warminski est mort à son lever terrassé par une crise cardiaque dans les bras de sa compagne, rejoignant les grands ancêtres des archisculteurs quelque part dans un coin de la galaxie où peut-être il sculpte cette fois-ci une hélice céleste."
http://arz.blogspirit.com/archive/2007/08/16/jacques-warminski.html
HELICE TERRESTRE DE L'ORBIERE
SAINT-GEORGES-DES-SEPT-VOIES
( 26 km de Saumur. Dans le triangle Saumur - Doué-la-Fontaine )
Cette œuvre est composée de deux espaces simultanés : l'un entièrement creusé dans la roche, l'autre modelé et moulé à ciel ouvert.
Périodes d'ouverture 2011:
* du 01/05 au 30/09 : tous les jours, 11h00-20h00
* du 01/10 au 30/04 : samedi et dimanche, 14h00-18h00 / Tous les jours en vacances scolaires toutes régions
http://heliceterrestre.canalblog.com/
1 commentaire:
« Jacques Warminski, l’un des derniers archisculpteurs du XXe s. »
Si le propre de l’artiste est de dynamiter des frontières, nul doute que _l’archisculpteur_ soit un artiste à part entière.
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