" Certaines inscriptions funéraires possèdent un singulier pouvoir d'évocation ; leur lecture fait surgir le fantôme de personnes disparues depuis parfois des siècles.
Blandine Le Callet réunit dans ce recueil des épitaphes authentiques, à partir desquelles elle imagine les dernières heures, les derniers jours ou les derniers mois du défunt. Elle ressuscite un jeune esclave à qui l'on vient d'offrir sa liberté, un philanthrope piégé dans l'étouffant huis clos d'un bordel parisien, deux êtres unis par un amour hors norme en route vers leur destin, une vieille dame acariâtre rédigeant son testament, et bien d'autres encore...
Dix destins arrêtés par des morts douces ou violentes, subites ou prévisibles, solitaires ou collectives.
Dix nouvelles tour à tour poétiques, féroces, tendres, dramatiques, nostalgiques ou grinçantes, dépeignant une humanité toujours assaillie par les mêmes passions, les mêmes peurs et les mêmes espoirs.
Dix «rêves de pierre» pour conjurer l'oubli."
"Dix rêves de pierre n'est pas un roman mais un recueil de dix
nouvelles. Je n'ai pas l'habitude de lire ce genre littéraire, à part
dans les livres de Philippe Delerm, bien entendu. J'ai été attirée par
ce livre pour son auteure mais aussi pour son sujet original. A partir
d'épitaphes découvertes dans des musées, dans des livres ou au gré de
ses promenades, Blandine Le Callet imagine ce qu'ont du être les
derniers instants de vie de ces personnes décédées.
On pourrait croire que ce livre est empreint de tristesse et de
nostalgie, mais il n'en est rien. Dès le début de la lecture, je me suis
attachée aux personnages dont les histoires sont tour à tour
émouvantes, tragiques, poétiques ou ironiques parfois. On retrouve dans
ce livre le don de Blandine Le Callet, comme dans Une pièce montée,
d'imaginer et de raconter en quelques pages une tranche de vie de
personnages aussi attachants qu'émouvants. A peine la lecture d'une
nouvelle terminée que l'on a hâte de découvrir la suivante.
Les épitaphes sont placées à la fin de chaque nouvelle et sont
présentées par ordre chronologique. Ce livre nous fait ainsi traverser
les époques, de celle gallo-romaine à aujourd'hui, en passant par le
Moyen-Age, la Renaissance et le XIXème siècle. Toutes les inscriptions
funéraires sont authentiques et j'ai beaucoup apprécié la postface de
l'auteure qui nous explique les contextes de leurs découvertes et les
recherches qu'elle a pu faire afin de créer les histoires et les
personnages."
... "- Mon grand-père, il ne parlait pas beaucoup. Il était toujours sombre et grave. Je crois que c'était à cause de la guerre; il ne s'en était pas remis.
Son père s'est arrêté un moment, a souri avec mélancolie, avant de murmurer :
- Mon grand-père, c'était un géant. Immense, il était. Je me souviens, il dépassait tout le monde. Et ses mains aussi étaient immenses, des mains d'ouvrier, très larges, et d'une force incroyable. Quand j'étais gosse, j'étais fasciné par ses mains, cette force. On passait beaucoup de temps ensemble, lui et moi. Mais jamais il ne m'a parlé du passé. Juste une fois.
- Qu'est-ce qu'il t'a raconté ?
-Un souvenir de guerre, terrible .
Il a marqué une pause. Elle a senti qu'il hésitait, comme s'il regrettait d'en avoir trop dit.
-Papa ...
-Oui, oui, a fait son père. Laisse moi juste le temps de ...
Il a fermé les yeux, un bref instant , puis d'une voix très basse, étrangement profonde, qu'elle ne lui connaissait pas :
-Un jour, durant la guerre, il a livré un combat au corps à corps avec un soldat allemand, dans une tranchée. L’Allemand, c'était un jeune, comme lui. Ils ont roulé tous les deux dans la boue, et mon grand-père , pour s'en sortir, eh bien, il a été obligé de ... d'étrangler le soldat à mains nues. Il a appuyé ses pouces de chaque côté de la trachée, de toutes ses forces, jusqu'à ce que ... Voilà. A la fin, mon grand_père m'a dit : jamais je n'oublierai son visage. Même maintenant, plus de quarante ans après , je le vois. Il ne l'avait jamais dit à personne. J'avais dix ans, et je m'en souviens comme si c'était hier. Après, je n'ai jamais pu regarder les mains de mon grand-père sans penser à ce soldat qu'il avait étranglé . Parfois, je me dis qu'il m'a raconté cette histoire parce qu’il ne voulait pas que j'admire trop sa force. Ou alors il voulait qu'on soit deux à penser à ce soldat allemand qu'il avait tué dans la tranchée , parce que, peut être, pour lui tout seul, ça devenait trop lourd. Je ne sais pas ..."
L'ARTICLE LU DANS"LE JOYEUX BAZAR"
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