Les Grigris de Sophie ce sont bien sûr des broches, des colliers et des sacs … mais c’est aussi un blog !

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Mais c’est aussi un blog ! Un blog dans lequel je parle de CEUX et de CE que j’aime …
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mercredi 11 novembre 2015

BERNADETTE TOUILLEUX DANS LA GALERIE JEAN GRESET DE BESANCON

Nouvelle découverte d'OUTSIDER ART FAIR PARIS 2015, BERNADETTE TOUILLEUX présentée avec passion par JEAN GRESET .













LOUIS UCCIANI a eu la gentillesse de me donner ce texte, écrit en aout 2015, pour l'ouvrage
" BERNADETTE TOUILLEUX, LA CONSTRUCTIN DU REVE" :


Bernadette Touilleux          
La construction du rêve.
Quand émerge, comme issu de nulle part, un ensemble d’objets référables à l’art, mais en même temps dans une sorte d’étrangeté à lui, c’est la catégorie de l’art brut qui semble le réceptacle le plus adapté. Quand Dubuffet introduit la notion, il l’oppose à l’art culturel qu’il associe au mimétisme, face auquel il agit « à partir seulement de ses propres impulsions ». L’invention, dira-t-il, contre l’art du caméléon et du singe. 
Michel Thévoz nous fait d’autre part remarquer que c’est le destin de l’art que d’évoluer en se décentrant par rapport au système de règles : « Les artistes qui aspiraient à s’en libérer ont été tout naturellement amenés à prendre appui sur d’autres systèmes. » L’art brut est un de ces systèmes de substitution pour l’art de l’époque. Aussi quand, au détour de successions diverses, apparaît un corpus d’œuvres de ce type, il peut être intéressant de repérer le type de dialogue entretenu entre ces deux instances. Thévoz rappelle que, si la production d’œuvres relevant de l’expression brute n’est prise en charge qu’à partir de Dubuffet, auparavant, elle était détruite. D’autre part, la traque et l’institutionnalisation de l’art brut sont en passe de lui retirer son statut de système de substitution. Mais malgré cette dynamique, des œuvres échappent et évoluent à l’ombre de tout spectateur. C’est le cas du travail de Bernadette Touilleux (1924-2010) qui, alors qu’il vient d’être découvert, nous livre une trajectoire du xxe siècle, à l’ombre des strasses.
D’elle, la seule trace actuelle sur le web, un avis de décès du 30 juillet 2010, consulté 26 fois. L’intitulé est des plus sommaire : « Avis de décès, Rive-de-Gier (42800) obsèques de Bernadette Touilleux, décédée à l’âge de 86 ans. » D’elle, encore deux memoranda écrits l’un par sa sœur Madeleine, l’autre par sa nièce Martine Vigan. De ceux-ci se dégagent un portrait, une trame de vie, sur laquelle elle semble n’avoir que peu de contrôle. Benjamine d’une fratrie décimée, elle se retrouve ballotée par les contraintes d’une vie familiale issue du siècle 19. On la dit nourrisson difficile à nourrir, elle semble néanmoins avoir une enfance banale et sa scolarité la conduit au brevet. Désireuse d’étudier elle devra abandonner le projet et intégrer le commerce familial. Voulant prendre le large, confinée dans une mercerie, les clients voient son état se détériorer. Elle est hospitalisée en psychiatrie. Stabilisée grâce à une médication adéquate, elle fréquente assidûment la maison de la culture locale, avec laquelle elle fera des voyages lointains : Chine, Russie… Au détour d’une conférence, elle entend parler des dangers des médicaments. Elle cesse toute prise. C’est alors que sa famille la voit se replier sur elle, refuser tout contact et se mettre à bricoler papiers et bouts de bois, jusqu’à produire un ensemble conséquent. Sa maladie peut être comprise comme une bouffée délirante ayant conduit à une psychose grave, dont l’élément déclencheur pourrait être la mort du père, en 1952 ; elle a alors 28 ans. C’est, dans une même logique, à la mort de sa mère (1976), qu’elle refusera définitivement toute médication ; elle est alors âgée de 52 ans. Son contact avec la psychiatrie se ramène à une hospitalisation, relayée par une chimiothérapie, expérimentale à l’époque, qu’elle arrêtera dans les années 60, puis un traitement plus adapté ensuite, jusqu’à l’arrêt de 1976. Sa vie de l’époque la montre sociable, soumise à sa famille, sans doute « trop » protectrice, en « binôme » perpétuel avec sa sœur de deux ans plus âgée. En même temps, une conjonction remarquable lie l’institution psychiatrique et la famille, quand elle retrouve son frère aumônier à l’hôpital, et quand c’est sa propre mère qui gère méticuleusement sa prise de médicaments.
            En 1986, elle a 62 ans ; alors que la mercerie familiale est vendue et qu’elle vit avec son frère et sa sœur, elle entre dans une phase compulsive d’achats par correspondance et s’inscrit à des cours à distance, notamment français et histoire de l’art, qu’elle abandonne cependant assez vite. C’est dans les années 1990 que s’achève cette phase maniaque et qu’elle commence à peindre. Elle demeure alors dans la maison familiale où elle cohabite avec sa sœur et son frère. Sa phase créatrice s’achève en 2008 : « Ça y est, j’ai fini, j’ai assez travaillé ; je prends ma retraite. J’ai le droit de m’arrêter.» En fait, elle prolongera son travail jusqu’en juillet 2010.
            Ce qui nous advient de sa production, bien que parcellaire, de nombreuses pièces ayant été détruites, délimite une œuvre assez complexe de par sa diversité. Nous ne sommes pas confrontés à l’utilisation d’une médiation unique, déclinée de façon systématique, mais à une force créatrice qui se développe à travers une pluralité de supports et d’expressions. La tentation est de classer le travail selon le support adopté, qui nous conduit à une lecture diachronique qui voit se succéder les arrangements bricolés de bois, de carton et de plastique récupérés, les dessins et peintures, les maquettes de scénographie, et les photographies. Dans cette perspective, c’est la couleur qui domine, notamment le bleu associé à l’ocre jaune. On y lirait la tension entre une terre comme désertifiée, cependant apaisée et un bleu du ciel vu comme un accueil possible. C’est dans cette conjonction que l’on trouvera une série de peintures sur bois représentant en relief des personnages en costumes exotiques, comme croisés dans des voyages lointains. Et c’est dans le bleu soutenu qu’elle trace une étonnante carte de l’évasion. Un ciel habité d’objets volants, avions représentés très fidèlement, qu’ils soient de guerre ou de ligne, des ballons, des parachutes, un hélicoptère et bien sûr des oiseaux, l’ensemble sous des lettres éparses qui écrivent comme un titre énigmatique : Les enfants de la science ou, sous un autre angle, La science des enfants. Des étoiles noires et, en bas à droite, le socle et la statue de la Liberté. En apparence donc, un dessin du monde du ciel, où l’on lirait le savoir des enfants comme une référence à leur capacité à meubler par accumulation. Mais cette lecture entérine une dysorthographie : le mot SCIENCE y est écrit SCYENCE. Mais est-ce si simple ? En effet, Scyence est une vieille orthographie anglaise, tombée en désuétude, du mot scion, qui signifie quelque chose qui a trait à la descendance et qu’on retrouve en botanique où il désigne un rejeton. Le dessin est alors la lignée des enfants, ou les enfants de la lignée. On y verrait une allégorie où le monde de l’envol, orienté par l’emblème de la liberté, est né de l’enfance, est enfant de l’enfance.
            Certes, si on le reporte à l’œuvre produite par Bernadette Touilleux, nous serait livrée comme une clef, la clef du sens de sa vie et de son œuvre. Alors peut-être les maquettes en forme de scènes, un mur, deux colonnes en théâtre antique (tout cela en matériaux bruts de récupération), un salon, mur et plancher bleu, aménagé, une boite contenant un décor avec esquisse de perspective, apparaitraient comme des jeux pour enfants. Comme ces maisons de poupées devant lesquelles l’imaginaire fabrique ses projections d’adulte, les scènes de Bernadette Touilleux semblent ouvrir à une vie rêvée avant d’être vécue. De cette vie réalisée, de ce vécu, les photographies qu’elle entreprend de « constituer » dans la dernière période de sa vie, la montrent comme au centre de dispositifs qu’elle élabore : ceux-ci, son intérieur dans lequel enfin son intériorité semble avoir retrouvé son corps. Une vieille dame dans son salon, on la devine encore habitée de la coquetterie de sa jeunesse. Elle joue à montrer un accomplissement : celui d’une vie qui s’est nouée à l’ombre des images qui l’emportaient dans la rêverie. Et, en arrière-fond, l’ombre étrange et mystérieuse du frère, dont on devine l’habit religieux.








(Photos Jean Daubas)


Cet ouvrage est en vente à la Galerie et à la Halle Saint Pierre au prix de 8 euros.


7 rue Rivotte - 25000 Besançon
du mercredi au samedi 10h-12h et 14h-19h
et sur rendez-vous

tél. 03 81 81 38 52
mob. 06 80 21 33 03

Merci à Jean Greset et à Louis Ucciani pour leur accueil ...

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