C'est Anouk Rugueu qui m'a fait découvrir les sculptures de PATBA58 (ICI) puis ses incroyables dessins. Elle a accepté de présenter cet artiste cher à son coeur en écrivant spécialement un texte pour les Grigris.
PATBA58 :
éloge de la transgression
J’ai découvert Patba58 il y a quelques années sur eBay. Il y
présentait une série de dessins où des personnages roses entourés d’animaux et plongés
dans des décors criards se torturaient avec à la fois beaucoup d’énergie et
beaucoup d’imagination. C’était insolite, un peu atroce et drôle en même temps.
Le dessin était maitrisé, mais un peu « jeté », hâtif, bien loin en
fait de ce que ce même artiste nous propose aujourd’hui.
Depuis, l’imaginaire est resté le même mais les couleurs ont
changé et l’application, je dirais même l’implication, ont énormément
progressé.
Dans les dessins de Patba58, on se torture avec exubérance, on
s'éventre avec gourmandise, on se découpe avec un sourire en coin, dans
l'opulence des chairs et des corps. On se bondit dessus, on se transperce, on
se pourfend, au sein d'un univers envoûtant truffé de symboles occultes. Il
s’agit le plus souvent de duos : deux êtres humains, créatures hybrides ou
animaux, s’affrontent passionnément. Les regards sont écarquillés, semblant
nous signifier que nous sommes ici dans une sorte de transe faussement macabre,
en réalité jouissive, où l’on se livre à des luttes, on se dévore, on se
pourfend avec des poignards ou des dagues splendides, ornementées ;où des yeux
partout nous regardent, où l’on s'aime et s'embrasse tout en s’harponnant de
hameçons, se perçant de clous, de lames, de sexes aussi, toujours avec exaltation.
Ces créatures sont occupées à une célébration, celle de la transgression. Souvent elles
se tournent légèrement vers nous, les spectateurs, nous prenant à témoin, de
leurs grands yeux fixes, brillants et hypnotiques, des sévices inavouables (mais
exaltants et débridés) auxquels elles s’adonnent devant nous.
Les personnages, nus, ont des allures qui évoquent des
tribus d’Afrique ou d’Amazonie. Souvent ornés de coiffes rituelles, ces êtres
sont musclés, sensuels, dotés de grosses bouches rouges et de muscles
turgescents. Ils sont androgynes d’allure et parfois hybrides, partiellement
poissons, chiens, oiseaux insectes, escargots…
Les animaux sont omniprésents, qu’ils rampent, volent,
nagent ou soient dotés de quatre pattes. Comme les humains, ils sont
hypersexués, piquants, griffus, dentus et affamés.
Ici Éros et Thanatos sont à la noce ! Les pénis,gainés
de fourreaux, se dressent comme des armes, les seins ont des tétons qui
pointent comme des clous, les corps sont hameçonnés les uns aux autres. Ici on
saigne et on s’aime, on s’aimgne.Les épées s’introduisent dans des
plaies béantes et ourlées comme des vulves. On s’auto mutile aussi, on se poignarde,
on se transperce de part en part.
Ici, il est beaucoup question de punition ritualisée, que
l’on s’inflige à soi-même ou aux autres de façon très spectaculaire, tel un
sado-masochisme transposé dans un univers immémorial qui obéit à des codes
connus seulement de l’auteur.
L’auteur dessine et sculpte à profusion (des milliers de
dessins, des carnets, des centaines de sculptures). Il ne vend pas ses dessins,
inutile donc de lui en faire la demande. Son objectif n’est absolument pas
commercial, même si, peut-être, le fait d’être vu lui importe dans une certaine
mesure puisqu’il répertorie tous ses dessins, soigneusement photographiés et
numérotés, dans des galeries photos sur le site de Flickr. Ses dessins font
montre d’une virtuosité technique qui se peaufine à mesure que s’accumule le
travail accompli. L'artiste certes s'amuse, mais il sait dessiner, il peut
mettre en scène avec dextérité des cavaliers chevauchant des montures bien
montées ! Et quelles montures :les chevaux sont des sangliers auxquels des
cavaliers improbables s’agrippent et se collent.
Il y aurait tant à dire et à noter de ces univers foisonnants
d’où la matière jaillit aussi de l’inconscient de l’artiste, que notre analyse
passe forcément à côté de beaucoup de choses que vous trouverez par vous-mêmes
en vous laissant emporter par ce travail, dont chaque dessin désormais est une
œuvre complexe ayant nécessité des heures de travail.
Un mot sur les symboles qui sont très importants :
symboles de tortures moyenâgeuses (massues cloutées, clous de la passion,
chaines, boulets), symboles de douleur et de violence (dents, gourdins,
poignards, épées), symboles occultes (dents, armes, triangles dotés d’un œil),
symboles chrétiens, (couronnes, chapelets, vases, croix)… Parmi tous, le
symbole qui revient le plus souvent est la dent, qui représente pour l’auteur
la souffrance.
L’auteur nous livre
quelques clés de son travail dans une série de dessins commentée :
On comprend que loin d’être seulement une distraction, ces
dessins sont pour Patba58 une forme de thérapie, ils colmatent des brèches sans
doute, exorcisent des angoisses probablement.
D’une certaine façon, ce travail quotidien (l’artiste
dessine à certaines heures régulièrement tous les jours) est lui-même une
créature vivante : il est en constante évolution, depuis le stade initial
d’où il a jailli (les premiers dessins répertoriés et montrés sont datés de
janvier 2018), jusqu’à sa production actuelle qui nous présente un univers plus
apaisé, mythologique, où la sensualité prend le pas nettement sur la cruauté.
Un univers techniquement de plus en plus complexe, dans lequel des éléments de
paysages ont aussi fait leur apparition.
On pense à un papillon sorti de sa chrysalide et qui étend
au soleil ses ailes colorées. En seulement deux ans, les dessins de Patba58
sont passés de pochades de défoulement à de magnifiques illustrations, évoquant
une sorte de chanson de Geste intime et personnelle (La geste, du latin gesta,
est une « action d'éclat accomplie » de caractère guerrier ou fantastique) qui
inspire le respect, et à mon sens d’une ampleur certaine.
Nous comprenons alors que nous sommes face à une œuvre qui
se nourrit d’elle-même et n’a pas fini de nous surprendre et de nous envoûter.
L’intégralité de l’œuvre dessiné de Patba58 est accessible
sur le site Flickr, en créant un compte.
Quelques oeuvres glanées sur Flickr ...
SUR ART MAJEUR
LE SITE DE PATBA
LA COLLECTION DE JEAN-LUC ADDE
SCULPTURES VISIBLES DANS UNE VIDÉO
LE JARDIN DE PATBA 58
1000 DESSINS DE PATBA SUR FLICKR
(cliquer)
Ma sirène ....
La participation de PATBA58 au grand partage de l'Amabié....
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